lundi 14 avril 2008 - par JoëlP

Le gentil Veltroni face au Caïman

Depuis des semaines, on nous annonce le troisième retour du Cavaliere aux affaires en Italie. Les sondages sont unanimes : ce sera Berlusconi. Il y a un mois, les sondages donnaient 22 points d’avance à la droite. Pourtant, malgré une campagne un peu morne, on n’est pas à l’abri d’une surprise. Dans une Italie plus sinistrée économiquement que la France, cette énième version de l’alternance inutile ne semble pas passionner les électeurs. Mais sait-on jamais ?

La surprise pourrait venir demain de Walter Veltroni. En France, peu de gens le connaissent. Né à Rome, élu maire de Rome en 2001 avec 53 % des voix, réélu en 2006 avec 61,5 %, cet ex-communiste, ancien directeur de l’Unità (L’Humanité sauce italienne) participe en 2007 à la création d’un nouveau parti, il Partito Democratico, le PD, le MoDem italien. Un MoDem qui a réussi son pari de devenir rapidement incontournable.

Veltroni est devenu le leader du PD puis, lors d’élections primaires à gauche, il a été choisi comme premier ministrable en cas de victoire de son camp. Veltroni est-il encore un homme de gauche ? En tout cas, ce n’est pas une étiquette qu’il revendique absolument. Il se réfère volontiers à Robert Kennedy et à Obama à qui il a piqué le slogan volontariste « Yes, we can » devenu « Si può fare ».

Un homme de culture

Tout sépare Veltroni de Berlusconi. Silvio, le Cavaliere, 71 ans, lifté, lentilles colorées, bling-bling et jet-set, chante volontiers la bluette à la télé dont il est propriétaire de nombreuses chaînes. Walter, 53 ans lunettes vieillottes d’intello, un physique à la Hollande, parcours l’Italie en bus vert (une idée piquée à Clinton et pas à Bayrou). Veltroni, surnommé « Il Buonismo », le gentil, est un vrai intellectuel, curieux de tout, il a été ministre de la Culture, il écrit des livres, il a créé à Rome un festival de cinéma qui concurrence La Mostra de Venise. Il a piqué à son copain Delanoë l’idée des Nuits blanches.

Passionné de cinéma, il fait campagne avec, à ses côtés, Begnini, Bertolucci, Nanni Moretti (Il caiman), Valerie Bruni-Tedeschi (la sœur de Madame), il est soutenu par George Clooney, Francesco Totti (le capitaine de l’AS Roma) et c’est Ettore Scola qui filme sa tournée en bus dans les campagnes italiennes. Excusez du peu !

Il Buonismo, le bien gentil, est un surnom à multiples facettes. C’est le qualificatif utilisé pour dénigrer une politique de gauche trop tolérante à l’égard des immigrés et notamment des musulmans. Il ne faut pourtant pas se fier aux apparences, Veltroni n’est pas un naïf. Il est aussi bon communicateur que Blair ou Sarkozy et sa culture réelle lui donne une touche supplémentaire d’authenticité. Il ne s’attaque pas à Berlusconi directement, alors que le Cavaliere ne se gêne pas pour lui balancer quelques vacheries bien senties.

Quoi qu’il en soit, l’économie italienne est dans un tel marasme que la victoire, quelle qu’elle soit, ne sera pas un chemin pavé de roses. Si la France n’est pas dans une très bonne passe, les caisses sont vides dixit Fillon, en Italie, c’est pire. Le FMI prévoit une croissance de 0,3 % en 2008. Un déficit budgétaire énorme qui n’empêche pas Berlusconi d’annoncer de grosses baisses d’impôts et Veltroni de suivre en plus discret. Promesses, promesses... Les problèmes sont graves. Ils touchent la mauvaise qualité du système éducatif, les salaires trop faibles, la force des différentes mafias (cf. les ordures napolitaines), la justice bloquée... Prenez les problèmes de la France et ajoutez le petit pourcentage que vous jugerez approprié.

La dette publique de l’Italie est la troisième du monde, les montants de remboursements sont considérables pour une économie déjà sinistrée. Le système électoral, que Berlusconi a contribué à affaiblir en 2006 par des mesures opportunistes pour son parti, ne permet pas de s’attaquer sérieusement à ces problèmes. Les vraies réformes sont encore plus difficiles que chez nous. De plus, il faudrait du temps pour s’y attaquer ce que le septuagénaire Berlusconi n’a pas vraiment.

Economie faible et électeurs méfiants ont donné une campagne molle. On pressent le risque d’une assemblée à droite et d’un Sénat ingouvernable pour Berlusconi que seule une coalition à l’allemande pourrait sortir de l’impasse. Mais l’Italie n’est pas l’Allemagne.

A moins que les sondages ne se trompent une fois de plus, et que, grâce au charisme de Veltroni et à une fin de campagne semble-t-il exceptionnelle, le MoDem à l’italienne ne tire la gauche vers un renouveau basé sur des valeurs de culture et de solidarité. On pourrait imaginer que Veltroni réussisse dans ce cas à tirer l’Italie de son cercle vicieux vers un cercle vertueux. Pour le coup, c’est moi qui me shoote au buonismo, aux bons sentiments et à la bien-pensance. Je m’en excuse auprès des réalistes, ceux qui sont convaincus que, de toutes façons, le monde est une jungle où seuls les forts doivent survivre ; où des riches toujours plus riches tireront peut-être, un jour, les Européens du marasme.



6 réactions


    • djanel Le viking- djanel du viking-chaise 24 février 2010 02:14

      Ce djanel II est un faux. Jamais je ne pourrais me vanter d’être un italien parce que mon père était originaire du Schleswig-Holstein et que j’en suis fier !!!

      Je n’ai jamais vécu en Italie comme le suggère ce premier commentaire.  

      Celui qui se cache derrière ce pseudo de Djanel II est calito aux allias multiples. Il a plus d’une centaine de pseudo à son compte. C’est un scandale qu’est cette usurpation d’identité.


    • JoëlP JoëlP 14 avril 2008 14:19

      Djanel,

      La remarque de Calmos était amusante. La votre manque un poil d’arguments.

      De toute façon avec votre entrée en matière "Difficile de parler d’un pays dans lequel on ne vit pas. Berlusconi correspond bien à la mentalité Italienne. Vous n’avez jamais voyagé dans un car avec des touristes Italiens ?" vous êtes un peu disqualifié.


  • Sandro Ferretti SANDRO 14 avril 2008 14:38

    @ l’auteur,

    Oui, il est à la fois surprenant et dommageable que ce pays si riche, berceau de l’intelligence, de la finesse et des arts de toutes sortes, en soit réduit à de telles extrémités.

    Et surtout qu’il ne sache pas dégager de personnalités politiques alternatives crédibles.

    Que certains en soient réduits à parler, des trémolos dans la voix, de Cossiga, Scalfaro, Ciampi, d’Alema, etc....

    Ceci dit, nos dernières élections ( singulièrement le 2 eme tour) participent du méme phénomène : le choix entre peste et choléra, aucun des finalistes n’étant (pour des raisons différentes) "outillés pour", selon le mot de Roger Hanin.

    Ne rions pas trop de l’Italie : elle nous a souvent, pour bien des choses, précédé.

    A ceci près que, au delà du dégout des gens pour la res publica italiana, le pays a toujours su dégager une élite dynamique (dans les arts , l’industrie) , et s’est toujours montré, loin du nombrilisme français et de la franchouillardise, un excellent exportateur nous sifflant régulièrement des marchés sous le nez (gaz, armement, hélicoptères, etc).

    En serons nous bientot encore capables ?


    • JoëlP JoëlP 14 avril 2008 15:07

      Merci Sandro pour ce témoignage. Je pense aussi que l’Italie n’est pas loin de la France et que leurs problèmes sont aussi les notres avec plus ou moins d’acuité suivant les sujets (éducation, recherche, aides socales, immigration...)

      Je vous encourage, si vous comprenez l’italien, d’écouter le discours en quatre partie de Veltroni per l’Italia. Je trouve que c’est un bon discours que j’aurais aimé entendre en France.

      http://www.youtube.com/watch?v=v3GUcPh2qlQ&feature=related


    • JoëlP JoëlP 14 avril 2008 16:51

      Merci Ludo pour ce commentaire.

      Je n’aime pas les articles trop longs donc je fais dans le concis. Dans ce type d’article, je vise les gens curieux qui ont peu au courant du sujet et qui ont envie de savoir. S’ils veulent plus, il peuvent aller le chercher eux-même. A noter que mon article sur la Suisse a attiré des Suisses et que celui-ci risque bien d’attirer des italiens

      Sur l’alternance courte, je suis d’accord, c’est très pénible... Bon, cinq ans Sarko, je veux bien mais pas plus  J’avoue que cela doit être difficile de voter aujourd’hui en Italie car comment savoir ce qui pourrait provoquer une majorité stable. On parle quand même de large coalition au moins pour changer le système électoral. A suivre... ce soir donc.

       


  • JoëlP JoëlP 15 avril 2008 09:15

    Donc le Caïman a bouffé le "gentil" Veltroni. Les problèmes économiques de l’Italie qui hier étaient insurmontables selon JM Sylvestre vont être réglés en deux coup de cuillère à pot toujours selon le même Jean-Marc, impayable Sarkoziste. Est-ce que le Cavaliere va donner des leçons de droitisme et de cohérence politique à Sarko ? Forse, chi lo sa ?

    On va voir assez rapidement avec Alitalia. L’an dernier le MSI (le parti de Franco Fini, ex-nèo-fasciste) avait célébré la victoire de Sarko :

    http://img526.imageshack.us/img526/5756/vincesarkozy2hv4.jpg

    L’UMP va-t-il faire des affiches "Berlusconi a gagné, l’Europe change !" dans Paris, mais pour l’Europe, les italiens ont la Ligue du Nord, pas vraiment europèenne.


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