vendredi 24 mai 2013 - par Grammatico

Le gouvernement tunisien, sur la voie du changement ?

Ennahda, le parti majoritaire au Parlement semble prendre ses distances avec les salafistes

Le gouvernement tunisien lève l’ambiguïté sur ses relations avec les djihadistes. Le parti Ennahda, majoritaire au pouvoir, semble déterminer à lutter contre les islamistes extrémistes, qualifiés désormais de « terroristes ». Ennahda a longtemps laissé planer le doute sur ses intentions envers les partisans de la Charia. Les affrontements entre les forces de l’ordre et les partisans d’Ansar al-Charia dimanche 19 mai ont montré un nouveau visage du gouvernement, prêt à l’affrontement pour le respect de la loi et de l’Etat.

Confronté à des bandes armées affiliées à Al-Qaida à la frontière algérienne, à des menaces de « guerre » de la part d’Ansar al-Charia (les partisans de l’instauration de la Charia), le gouvernement a choisi de durcir le ton. C’est dans cette optique que le ministre de l’Intérieur, Ali Larayedh, a interdit le rassemblement de la mouvance islamiste prévu le 19 mai à Kairouan. Ne reconnaissant d’autorité que celle de dieu Ansar al-Charia a maintenu le rassemblement, le déplaçant dans les quartiers pauvres de Tunis. Les affrontements qui en ont résulté a entrainé plus de 200 interpellations et la mort de deux jeunes gens. Les dirigeants islamistes d’Ennadha justifient l’usage de la force contre les salafistes pour faire respecter la loi et l’autorité de l’Etat. Des responsables de l’opposition laïque, d’ordinaire très critiques ont salué la fermeté du parti.

Un long chemin à parcourir

Samir Dilou, ministre des Droits de l’Homme, reconnait qu’il y a un changement de ton de la part du gouvernement : « Le gouvernement a été laxiste. Je pense que la montée de la violence salafiste est le principal défi des mois à venir ». Le gouvernement tente de combattre les djihadistes dans les montagnes de l’Ouest tunisien mais les moyens sont limités et les pertes importantes. Cependant, reste à savoir si des actes politiques suivront les propos tenus par le gouvernement. En effet, en septembre 2012, après les attaques de l’ambassade américaine par des salafistes, une grande majorité des personnes interpellées avaient été libérées.

Pour Michael Ayari de l’International Crisis Group, la politique de répression engagée par le gouvernement pourrait se retourner contre lui et ne pas résoudre la question du terrorisme. « Le mouvement a réuni tous les déçus de la révolution et toute politique sécuritaire doit s’accompagner d’une politique sociale » selon M. Ayari. En effet, le phénomène djihadiste se développe dans les zones pauvres. Par ailleurs, tout comme durant le régime de Zine Abidine Ben Ali, le chômage et la pauvreté continuent à miner la Tunisie et la répression aveugle était aussi l’arme de l’ancien dictateur.

Le chemin vers la démocratie, la liberté de penser et de protester est encore long. L’emprisonnement d’Amina (jeune tunisienne membre de l’organisation féministe Femen) pour vandalisme et exhibition est selon l’organisation une « une répression politique grave en réponse à ses actions féministes anti-islamiques et anti-charia ». La jeune femme a osé manifester pour le droit des femmes tunisiennes en exhibant ses seins sur sa page Facebook, et en écrivant Femen sur le mur d’une mosquée de Kairouan pour manifester contre Ansar al-Charia. Amina risque plus de deux de prison pour avoir voulu protester.



9 réactions


    • A mon avis Grammatico, c’est à présent que le peuple tunisien doit être encore plus vigilant. En effet le revirement du parti religieux vis à vis du salafisme risque de n’être qu’un leurre de plus. Afin peut-être d’activer en l’état l’adoption de la Nouvelle Constitution dont le texte est ambigu et risque d’ouvrir la porte à un « régime religieux pur et dur » donc très dangereux. Puis dans la foulée, organiser des élections générales et présidentielle que le parti espère gagner justement à cause de son « soi-disant » revirement. Heureusement que dans le pays les élites laïques veillent ainsi que la jeunesse, dans sa majorité, et ce, malgré les déboires économiques présents. 
    • Je constate que vous voulez devenir journaliste alors un conseil, écrivez à tous les journaux, toutes les rédactions des radios et télés et surtout débutez votre « marathon » en vous présentant à l’Agence France Presse, la meilleure école du VRAI journalisme. Je vous dit M... !

  • antyreac 24 mai 2013 11:40

    Le gouvernement tunisien prend des distances avec le gouvernement salafistes

    je dirais il était temps peut-être un peu tard 
    le tourisme commence déjà soufrir 

      • Le tourisme l’une des deux ou trois principales ressources économiques du pays, fait plus que souffrir. Il est en chute libre avec notamment une désaffection massive des français qui jusque là étaient les plus nombreux.
      • Sachez enfin que dans l’actuel gouvernement provisoire de la Tunisie logent encore bon nombre de membres du parti religieux, soi disant modéré, qui vient de mettre de l’eau dans son vin, vis à vis des salafistes qu’hier encore il encensait. 

  • njama njama 24 mai 2013 16:31

    Bonjour Grammatico

    Un deuxième article commis ici sur des questions politiques en rubrique « international » . Après la Syrie, la Tunisie.
    C’est le printemps qui veut ça, ou la politique étrangère est un domaine de prédilection pour vous ?
    L’EFAP n’est pas Sciences PO, et d’ailleurs même en sortant de Sc. PO, ce genre de sujet n’est pas évident pour qui n’est pas tunisien, ou ne connaît pas assez bien son histoire politique, géopolitique ...
    Il y aurait bien des sujets plus faciles, tellement moins complexe et plus joyeux aussi pour débuter dans le journalisme ...

    Pour répondre un peu au sujet, ou plutôt apporter un peu d’eau au moulin, il y a un projet de Constitution de la Tunisie, qui engagera l’avenir de la Tunisie, aussi sûrement que le TCE a engagé la politique européenne. Sa rédaction qui n’est pas encore achevée ne fait pas l’unanimité.
    http://www.tunisienumerique.com/tunisie-video-samia-abbou-gagnee-par-lemotion-souleve-les-failles-de-la-nouvelle-constitution/175117

    Je crois que bon nombre de tunisiens n’aimeraient ni passer d’une dictature à une autre, ni un avenir trop « islamisé ».


  • njama njama 24 mai 2013 17:34

    @ grammatico
    Amina risque plus de deux de prison pour avoir voulu protester.

    Quelles sont vos sources ?

    Elle a été arrêtée le 19 mai à 19 h 45 inculpée non pas pour avoir protesté mais pour détention sans autorisation d’une bombe de gaz paralysant, d’après nawaat.org (24 mai 2013) qui précise :

    L’objet, selon l’un de ses avocats, Me Souheib Bahri, a été retrouvé dans le sac à dos de la jeune fille, sans que l’on puisse savoir si elle comptait l’utiliser comme une arme ou pour se défendre. Amina sera donc jugée en vertu d’un décret du 18 juin 1894, relatif à la « détention d’outils et d’instruments incendiaires sans autorisation ». Un décret promulgué à l’époque du protectorat français, et qui prévoit une peine de 6 mois à 5 ans de prison, ainsi qu’une amende de 50 à 500… francs.

    Quant à une éventuelle « profanation de tombeaux » (après avoir tagué « FEMEN » sur le mur du cimetière), elle est simplement mentionnée dans le procès verbal, mais n’a pas été prise en considération par le procureur général et ne fait (pour l’instant) pas l’objet de poursuites judiciaires.


  • volt volt 24 mai 2013 20:41

    en chemin grammatico... et comme le dit njama y’a comme une confusion sur amina, et de toute manière on ne voit pas bien ce qu’elle vient faire dans cette chute, vous auriez dû poursuivre par un rappel de certains points : où en sont-ils sur la constitution ? quand les prochaines élections ? et surtout : en quoi tout cela est-il manoeuvre et que signifie-t-elle ? pourquoi maintenant ? bref vous posez une question, faut oser y répondre. bonne continuation.


  • njama njama 24 mai 2013 22:53

    Je vous mets le lien, si vous n’avez pas trouvé :
    Nawaat.org est un blog collectif indépendant animé par des Tunisiens

    Affaire Amina : ce que l’on sait sur son arrestation et les charges qui pèsent contre elle
    http://nawaat.org/portail/2013/05/24/affaire-amina-ce-que-lon-sait-sur-son-arrestation-et-les-charges-qui-pesent-contre-elle-video/


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