jeudi 24 juillet 2008 - par chems eddine Chitour

Le président soudanais : wanted

« Habeas corpus ad subjiciendum »

L’Habeas corpus act est une loi votée par le Parlement anglais en 1679 sous le roi Charles II, qui stipule que toute personne, arrêtée par un puissant, peut à sa demande être présentée à un magistrat qui peut décider de sa libération.

                 La Cour pénale internationale en la personne du procureur Luis Moreno-Ocampo vient de lancer une accusation grave : l’inculpation du président soudanais Omar Hassan Ahmed Al-Bachir pour crime de génocide au Darfour. « La Cour pénale internationale (CPI) est chargée de contribuer à mettre fin à l’impunité des crimes les plus graves au regard du droit humanitaire international. » La CPI est la première Cour pénale internationale permanente, instaurée par un traité, qui ait été créée pour promouvoir la primauté du droit et pour assurer que les crimes internationaux les plus graves ne demeurent pas impunis.                 
                Le Statut de Rome créant la Cour pénale internationale a été adopté le 17 juillet 1998, à l’occasion du vote en faveur de l’adoption du Statut de 120 pays participant à la Conférence diplomatique sur l’établissement d’une Cour pénale internationale. Le 21 avril 2003, la Cour pénale internationale est donc, « en théorie », une organisation internationale indépendante. En application de l’article 2 du Statut de Rome, elle est liée aux Nations-unies par un « accord ». Par ailleurs, les États participant à la conférence de Rome ont estimé important d’inclure le crime d’agression dans le statut de la CPI, mais n’ont toutefois pas encore réussi à s’accorder sur une définition de ce crime et les conditions d’exercice de la Cour à son égard. La Cour pénale internationale est compétente pour poursuivre les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité, ainsi que les crimes de guerre. 
« Même si la conférence de Rome n’a abouti à aucun accord sur sa définition, l’influence de Nuremberg était si forte que la plupart des États ont insisté pour qu’il soit provisoirement inclus dans le Statut de Rome. En outre, les États qui ont ratifié le Statut acceptent que la Cour exerce sa compétence à l’égard de leurs ressortissants, ou de crimes commis sur leur territoire. » (1) 

             Nous y voilà ! On sait que le président des Etats-Unis Bill Clinton a signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) le 31 décembre 2000, mais le président George W. Bush a, dès le 6 mai 2002, annulé la signature faite par M.Clinton. Le gouvernement de M. Bush a cherché à conclure avec d’autres Etats des accords bilatéraux d’immunité, prétendument fondés sur l’article 98 du Statut de Rome, en vue de soustraire les citoyens et le personnel militaire américains de la juridiction de la Cour. Beaucoup d’experts gouvernementaux, judiciaires et non gouvernementaux sont parvenus à la conclusion que les accords bilatéraux recherchés par le gouvernement des Etats-Unis sont contraires au droit international et au Statut de Rome... Une autre facette de la croisade américaine contre la Cour est l’adoption de deux lois intitulées « Loi de protection des ressortissants américains » (American Servicemembers’ Protection Act) et « Amendement Nethercutt ». La Loi de protection des ressortissants américains (Aspa), adoptée par le Congrès en août 2002, contient des dispositions restreignant la coopération des Etats-Unis avec la CPI. Le 15 juillet 2004, la Chambre des représentants américaine a joint un amendement anti-CPI au Projet de loi de crédits pour les opérations étrangères. Cet amendement, apporté par le représentant George Nethercutt, retire l’aide du Fonds économique de soutien à tous les pays ayant ratifié le Traité CPI mais n’ayant pas signé d’accord bilatéral d’immunité avec les Etats-Unis. L’amendement Nethercutt a été adopté par le Sénat puis promulgué par le président Bush le 8 décembre 2004. (2)

               Pour Roland Marchal, maître de recherches au Cnrs, Paris, la demande de mandat d’arrêt international visant le président soudanais, Omar Al-Bachir, n’est pas fondée légalement et risque de remettre en cause les efforts de paix au Darfour. Le Darfour est le conflit qui mobilise le plus les opinions publiques occidentales. D’un strict point de vue humanitaire, la crise est contenue. Mais il y a d’autres problèmes au Soudan. Notamment la mise en oeuvre des accords Nord-Sud signés en janvier 2005. La demande de mandat d’arrêt du procureur de la CPI, M. Luis Moreno-Ocampo, peut remettre en cause ces avancées qui sont difficiles, mais réelles. La CPI me semble faire beaucoup de politique et peu de droit. Quand on lit le réquisitoire prononcé par M.Luis Moreno-Ocampo devant le Conseil de sécurité de l’ONU le 5 juin, la description qui est faite de la situation au Darfour est quand même assez hallucinée, et certaines comparaisons sont inacceptables. Dire aujourd’hui qu’il y a un génocide dans les camps de réfugiés, c’est de la rhétorique militante. Quels que soient la réalité et les sentiments qu’on puisse avoir à l’égard d’Omar Al-Bachir, on ne peut pas le comparer à Hitler. Ce sont des erreurs infondées, elles sont au mieux inutiles et au pire scandaleuses. (3)

              La première fois que le Darfour s´est signalé à la face du monde, c´était il y a vingt ans, en 1985, suite à des famines atroces qui ont vu se mobiliser mollement la communauté internationale, c´était le début de l´exploitation médiatique de la misère du monde. La terre du Darfour est pauvre, désertique sur une partie de son territoire. Pour le sous-sol, c´est une autre histoire. La découverte de pétrole ajoute une difficulté supplémentaire avec l´attrait des gisements pour les grandes puissances. Ce n´est pas les massacres des populations qui les intéressent, c´est le sol et surtout le sous-sol sur lequel ces damnés de la terre vivent. La Somalie, l´Ethiopie et l´Erythrée sont déjà invitées à s´entretuer pour garantir aux pays occidentaux le contrôle de ces richesses et, à travers elles, de l´économie des pays émergents. (4) (5)
              On nous dit : Les ministres arabes des Affaires étrangères s’étaient réunis le 19 juillet au Caire. Certains des 22 pays membres de la Ligue arabe ont critiqué cette démarche estimant qu’elle menaçait les perspectives de paix au Darfour et risquait de créer un précédent dangereux pour les autres chefs d’Etat de la région. Voilà en quelques phrases la force de frappe de 300 millions d’Arabes dont les chefs d’Etat discutent plus de leur immunité que du fond du problème, à savoir que le monde occidental peut à volonté, en fonction de ses intérêts, traduire en justice voire mettre à mort toute personne se dressant contre sa volonté de puissance. Souvenons-nous des mésaventures du Guide suprême de la Révolution libyenne et de sa reddition en rase campagne s’agissant d’un prétendu programme nucléaire, l’exemple de Saddam Hussein est à coup sûr dissuasif. Aux Arabes tétanisés s’applique la phrase de Jacques Chirac, mettant en garde contre les changements climatiques : « La maison brûle et on regarde ailleurs ! » 

             Y a-t-il plus horrible crime que les morts imposées par les agrocarburants et par ces pays industrialisés qui tuent en silence des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, organisant et planifiant les famines par le détournement des aliments pour faire des agrocarburants appelés à juste titre des nécrocarburants ? Jean Ziegler a bien raison de les qualifier de crimes contre l’humanité. 
            
Au-delà des crimes réels imputés au président soudanais,  au-delà de l’immunité immorale concernant les ressortissants américains, le juge Luis Moreno aurait pu, par exemple, s’autosaisir de la dernière atrocité médiatisée par « mégarde », celle de Omar Khadr, jeune détenu musulman canadien de 16 ans à Guantanamo. Cet adolescent complètement au bout du rouleau, qui s’effondre en sanglots, supplie, se plaint d’avoir perdu ses yeux et ses pieds et demande même qu’on le tue. Dans une vidéo de dix minutes, le jeune prisonnier, quasiment un enfant soldat, exprime une détresse. Comment réagirait le juge Luis Moreno-Ocampo s’il s’agissait de son enfant ?

1.Philippe Kirsch : De Nuremberg à La Haye, Nuremberg 19 novembre 2005

2.http://www.iccnow.org/?mod=usaicc&lang ;=fr

3.Roland Marchal : « La CPI fait beaucoup de politique et peu de droit », Le Monde 15/07/2008

4.Marc Lavergne : « Le conflit du Darfour n´est pas racial », 16 juillet 2004, par Saïd Aït-Hatrit http://www.afrik.com/article7464.html

5.C.E. Chitour : « Que se passe-t-il au Darfour ? » www.gees.org/documentacion.php ?id=1819&pdf

Prof.C.E. Chitour
Ecole Polytechnique Alger
 



5 réactions


  • faxtronic faxtronic 24 juillet 2008 16:00

    on melange tout


  • K K 24 juillet 2008 20:29

    Trop d’informations qi partent un peu dans tous les sens. C’est dommage car le sujet est interessant et change un peu. Merci pour ces infos...

    ... mais vous reconnaissez vous meme que ce monsieur a des charges réelles qui pèsent sur lui. OK, il en va de même pour le président des USA selon vous. Donc... jugeons les deux et les tribunaux détermineront s’ils sont coupables ou non.

    Tant qu’une personne n’est pas jugée, elle est présumée innocente


  • Georges Yang 27 juillet 2008 10:51

    Je suis assez d’accord avec vous. Vous enrichissez le débat que j’avais ouvert dans mon article : Et si pour une fois il avait eu raison. On ne peut pas a la fois demander l’inculpation d’Al Bachir et en même temps fermer les yeux sur Guantanamo. Et puis, deuxième point, les biocarburants vont tuer plus de monde que les jenjawids.
    Hélas, vous avez peu de commentaires et de votes. L’Afrique n’intéresse pas, y compris le Darfour en dehors des pitreries des acteurs américains venant s’y exhiber en saharienne et des pitoyables membres de l’Arche de Zoé
    Vous citez aussi Marc Lavergne en bibliographie, peu l’on lu


    • chems eddine Chitour 27 juillet 2008 14:22

      Je remercie Georges Yang et je suis d’accord avec lui pour constater que l’Afrique n’interesse personne d’autant que semble-t-il à en croire Henri Gueno, "elle n’est pas rentrée dans l’histoire" - il persiste et il sdigne dans sa dernièrelivraison au Monde, en ajoutant le mot "assez dans l’histoire". Point n’est besoin de comprendre que l’on ne peut ^tre humaniste ou se prévaloir ne tant que tel sin on ne se débarasse pas de l’européano-centrilisme, un nombrilise qui vous permet avec boinne consciecne de vous désinteresser de ces contrées lointaines à la limite de la "civilisation !!!" dont il faudra bien un jour décrypter le contenu pour le rendre acceptable par tous.


  • jidejeandominique jidejeandominique 8 août 2008 19:38

    Bonjour,
    J’ai lu votre article avec intérêt jusqu’au bout. Il commence bien, et votre réflexion sur ce sujet apparaît sérieuse et nuancée. Puis vous me semblez vous emporter en vous lançant dans des diatribes confuses qui déservent votre pensée.
    Je travaille sur le sujet de l’impunité des crimes de masse depuis plusieurs années et prépare ma thèse de doctorat de droit public international (Paris-Sud) sur un aspect de celui-ci : l’amnistie.
    Pour faire court, car votre exposé mériterait beaucoup de commentaires, disons seulement ceci :
    1. En toute hypothèse, le fait que, par des actes comme celui que vous dénoncez (l’inculpation du président soudanais), les chefs d’Etat de tous continents, peu scrupuleux des droits de l’homme, se sentent menacés, constitue un progrès par rapport à la situation antérieure.
    2. Je suis d’accord avec vous sur le caractère hasardeux de la définition des violations des droits humains au Darfour comme un génocide ; mais il n’en reste pas moins que le gouvernement du Soudan a commis des crimes contre l’humanité sur lesquels il me semble normal que la CIJ puisse se prononcer.
    3. Je suis également d’accord avec vous sur l’affaire de cet adolescent torturé à Guantanamo ; le fait que ses bourreaux, quelque soit leur situation dans la hiérarchie militaire, ne soient pas inquiétés, constitue un déni de justice. Mais ne concluons pas trop rapidement. Rien ne nous prouve qu’un jour, peut-être plus rapidement qu’on le pense, les auteurs ne seront pas jugés.
    4. S’agissant de l’exclusion de fait des ressortissants américains du champ d’action des tribunaux internationaux, vous dénoncez à juste titre un scandale d’autant plus grand qu’il est contre-productif. En effet, à chaque fois qu’une de nos juridictions internationales se penche sur la situation d’un dirigeant africain, on invoque le "deux poids deux mesures" de cette justice internationale.
    Ce qui nous manque, cher Monsieur, à vous comme à moi, c’est le recul. L’institution d’une justice internationale, dont vous avez dénoncé certaines imperfections, est beaucoup trop récente pour que nous puissions la brocarder sans nuance. La création des premiers tribunaux, dans les circonstances que vous avez rappelés, constitua un énorme pas dans la bonne direction. N’en demandons pas trop tout de suite à cette nouvelle et énorme structure ! Dénonçons ses imperfections, comme vous le faites, oui ! Mais ne lançons pas d’invectives à l’emporte pièces. Vous savez bien que nous sommes sur un terrain plus que sensible, éminement politique. Laissons faire le temps et gardons foi dans la Justice. Bien à vous.


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