samedi 2 octobre 2021 - par Laurent Herblay

Les Allemands disent-ils véritablement merci à Merkel ?

Bien sûr, après 16 ans au pouvoir, Angela Merkel restera une figure de la vie politique allemande et même européenne. Mais alors que la plupart des média français dressent les louanges de la chancelière qui va partir à la retraite, en ne retenant souvent que ces choix qu’ils jugent positifs, les résultats électoraux ou plus généralement l’état du pays, poussent à fortement nuancer. Son parti n’est-il pas passé de près de 42% des voix en 2013, à 33% en 2017 et seulement 24% cette année ?

 

Une politique au service de l’oligarchie allemande

Bien sûr, bien des commentateurs évoquent une extraordinaire performance économique allemande, entre un excédent commercial colossal, un des budgets les plus équilibrés de l’UE et une des dettes les plus faibles. Mais une telle vision de l’Allemagne est extraordinairement partielle et partiale. Partiale car cela revient souvent à fermer les yeux sur bien des aspects de la réussite allemande. D’abord, il y a cette monnaie unique européenne qui offre à l’Allemagne une monnaie dévaluée en permanence par rapport à la valeur de la monnaie qu’elle aurait seule, comme même le FMI le souligne. Ensuite, elle camoufle son protectionnisme local dans le libre-échange excessif de l’UE, ce qui lui ouvre les marchés extérieurs, notamment asiatiques. Enfin, elle a été le premier pays à utiliser une grande régression sociale pour gagner en compétitivité, avec les lois Harz, lui donnant un temps d’avance, jamais repris depuis.

Car, comme le pointait Olivier Berruyer dans son livre « Les faits sont têtus » il y a 10 ans, complété par « Le couple franco-allemand n’existe pas » de Coralie Delaume, dont un livre posthume vient de sortir, le sort des Allemands n’a pas été très bon depuis vingt ans. Avec les mini jobs, et un salaire minimum ridicule, une partie de la population s’est appauvrie, au point que le taux de pauvreté y est plus élevé qu’en France, une situation ubuesque pour un pays qui exporte autant. Le pseudo modèle allemand est extrêmement oligarchiste et aboutit à construire un pays qui tourne essentiellement pour ses entreprises et les plus riches. Le choix d’accueillir des migrants l’était tout autant, en assurant une main d’œuvre à bas coût. Outre un niveau de pauvreté effarant dans un pays avec si peu de chômage, l’Allemagne se distingue également par des infrastructures dans un piteux état du fait de l’austérité permanente.

D’ailleurs, si l’Allemagne était un modèle, les Allemands voteraient en masse pour leurs dirigeants. Il faut rappeler ici qu’en 2017, le parti d’Angela Merkel et le SPD, au pouvoir dans une grande coalition depuis 2013, avait tous les deux signé leur plus mauvaise performance depuis les élections d’après-guerre, avec un recul de 8,6 points pour la CDU-CSU, et de 5,2 points pour le SPD, avec une envolée des libéraux du FDP et de l’AfD, qui dépassaient chacun les 10% des voix, alors qu’ils étaient sous les 5% quatre ans auparavant, leur permettant d’avoir des élus. Les résultats des deux dernières élections démontrent une vraie insatisfaction à l’égard des politiques menées par Angela Merkel, sans pour autant permettre un renouvellement, du fait du mode de scrutin, et du paysage politique global allemand.

Et les résultats de dimanche confirment la fracture entre les Allemands et la grande coalition au pouvoir depuis 2013. Le total des voix SPD + CDU-CSU n’a jamais été aussi bas, les deux partis ayant à peine réuni les voix d’un électeur sur deux  ! La moitié des électeurs ont exprimé leur préférence pour l’opposition dimanche ! Le jugement des Allemands à l’égard du parti de Merkel est encore plus cruel : il a perdu plus de 40% de ses électeurs en 8 ans, passant de plus de 40% des voix à un tiers en 2017, avant de tomber à moins de 25% en 2021. Le recul de 9 points cette année est d’autant plus marquant qu’il se fait après un recul similaire 4 ans avant, à un plus bas historique. Il est malheureux que les média français soulignent insuffisamment cette évolution qui jette un regard cru sur le jugement des Allemands.

Même si elle semble garder une certaine aura, nourrie par sa gestion de la crise sanitaire, ce que disent les Allemands dans les urnes n’est pas vraiment un merci à Angela Merkel. C’est plutôt un jugement négatif à l’égard de ses politiques et une envie de passer à autre chose, même si l’alternative n’est ni claire, ni clairement représentée par un autre parti politique, le SPD faisant partie de la majorité. En conclusion, le jugement démocratique est clairement négatif, point trop peu souligné.



12 réactions


  • wagos wagos 2 octobre 2021 11:19

    Oui mais bon, les Allemands, c’est les Allemands, mais chez nous hein ? c’est pire ! 


  • chantecler chantecler 2 octobre 2021 11:32

    C’est certain :

    Si l’on compare l’état respectif de nos pays et nos derniers dirigeants à A. Merkel nous sommes les plus forts .

    Il n’y a pas photo .


    • mmbbb 2 octobre 2021 18:19

      @chantecler ce sont pourtant les allemands qui tiennent la bourse
      Cette essayiste C Delaume, disparue helas , avait ecrit un long article et repris par d autres medias notamment juridiques , sur l arrêt du 05 mai 2020 de la cour constitutionnelle allemande . In fine , les allemands sont suffisament puissant et affirment la préeminence du droit national sur le droit europeen.
      Evidement les grands medias n ont pas relaté ce fait , nous en somems « au couple franco allemand » 
      Quand Macron proposa les « Corana BONDS » pour mutualiser la dette il recut un « NEIIN » de fin de non recevoir
      Ce même Macron ,alla en 2017 aux USA et fut recut par Trump
      Dans l Express, un interwiev du politologue americain ,George Friedman , celui ci dit sans ambages que seul l Allemagne comptait en europe
      La France ? une colonie de ce pays
      La recente affaire des sous marins a demontré notre faiblesse
      Seuls les francais se croient forts , c est la methode Coue
      Je ne trouve pas ce pays dans un excellent etat , L economie , nous sommes tres forts en effet n nous cumulons les déficits commerciaux .


  • Fergus Fergus 2 octobre 2021 11:42

    Bonjour, Laurent 

    Et les Britanniques, « disent-ils véritablement merci » à Johnson ? smiley


  • wagos wagos 2 octobre 2021 14:08

    Le gouvernement Allemand a baissé de 3 points la TVA pour permettre aux ménages de consommer , et bien entendu favoriser la relance .

    Chez nous par contre, peau de zobi...quand le litre d’essence est à 1,70 € !! 


  • zygzornifle zygzornifle 2 octobre 2021 14:48

    Les migrants certainement, les vrais Allemands c’est une autre paire de manches .... 


  • Jonas 2 octobre 2021 18:58

    Non , contrairement a ce qui est véhiculé en France par la « presse la plus subventionnée de l’OCDE » les allemands ne disent pas merci à Angela Merkel. D’abord , elle n’a fait , aucune réforme significative et a profité largement de celles entreprises par Gerhard Schröder. Angela Merkel est portée aux nues , par la presse subventionnées comme autrefois Barak Obama . 


    Sans consultation avec ses partenaires européens et devant l’hystérie médiatique lors de la catastrophe de Fukushima , au Japon , elle a pris la décision de sortir du nucléaire , sans préparation de stratégie crédible contre le changement climatique. Cette sortie est compensée par le charbon et l’augmentation du CO2. Le nouveau Chancelier sera confronté à la politique énergétique, que lui laisse madame Merkel. 

    Sans consultation avec ses partenaires européens ni même l’accord de son parti , ni une partie des Allemands , qui n’était pas d’accord avec la politique d’accueil des réfugiés , elle a décidé seule pour essayer d’effacer la période nazie, de recevoir un million de syriens ( 30% seulement étaient syriens ) Comme l’avait écrit le grand couturier Allemand Karl Lagerfeld « Merkel veut lutter contre l’antisémitisme et accueil des antisémites ». 

    Près des deux tiers ( 65%) des réfugiés syriens en Allemagne en âge de travailler dépendent au moins partiellement du régime d’aide social Hartz IV . Ce pourcentage élevé au programme Hartz IV « est dû , entre autre , au manque de qualifications formelles et à l’emploi dans les professions et des niveaux d’emploi dont la rémunération se situe dans la fourchette inférieure ». Selon EURACTIV 

    Et cerise sur le gâteau , madame Angela Merkel , a permis au parti politique Alternative pour l’Allemagne ( Alternative für Deutschland) de faire une entrée fracassante au Bundestag pour la première fois . 



  • Eric F Eric F 2 octobre 2021 19:41

    Elle a duré quand même 15 ans sans être lourdée, alors qu’on inverse en France la majorité parlementaire tous les 5 ans. Mais pour cela, elle a bénéficié des effets de bord du système électoral proportionnel, où on se maintient en établissant des coalitions, notamment la fameuse « grande coalition » de la droite modérée avec la gauche modérée.


    • Jonas 3 octobre 2021 08:20

      @Eric F
      Les deux modes de scrutins ont leurs avantages et leurs inconvénients. D’un côté une majorité claire et une stabilité gouvernemental et parlementaire pour le français de l’autre, l’allemand avec une représentation équitable de toutes les familles politiques, avec la proportionnelle. 

      L’électeur Allemand contrairement au Français , vote en réalité deux fois , parce que son bulletin est scindé en deux. Le premier bulletin est a la majorité uninominal pour désigner le député de sa circonscription législative, l’Allemagne en compte 299, le deuxième bulletin , pour choisir à la proportionnelle , une des listes présentées à l’échelle de son Länd.(16). Chacune des listes doit comporter autant de noms que de sièges à pourvoir . dans le cadre du Länd. Il faut obtenir 5% des exprimés a l’échelle du pays pour obtenir un siège au titre du deuxième vote. 

      C’est un scrutin compliqué , je préfère , celui de la France , a qui , il manque un peu de proportionnel . Mais il faut rejeter la proportionnelle intégrale , qui est une aberration a mes yeux, c’est l’instabilité permanente comme en Israël. Le Premier ministre doit être un équilibriste qui passe plus de temps à tenir les deux plateaux de la balance sur le même plan pour ne pas sauter. 


  • hugo BOTOPO 27 octobre 2021 17:32

    L’Allemagne fait payer une partie de ses dépenses publiques à ses voisins qui comblent son déficit démographique avec leurs ressortissants élevés, éduqués et formés à leurs frais !!!

    De 1972 à fin 2014 l’Allemagne a eu un déficit de naissances sur les décès de plus de 5 millions : Elle a dû fermer des classes, des établissements scolaires !

    Entre la conception, la naissance, et la mise sur le marché du travail, les dépenses strictement publiques (état, collectivités territoriales, allocations familiales.. ;) jusqu’au niveau du bac, sont de l’ordre de 200 000 € par jeune, soit une économie de 1000 milliard €, financés par la Pologne, l’Italie, la Russie, la Grèce, l’Espagne, le Portugal, la Roumanie, la Tchéquie, la Slovaquie, la Croatie etc...

     Nota  :

    Le contingent Turc, important pour la reconstruction, est stable depuis des décennies et tend à se réduire.

    L’apport de la RDA ne figure pas dans cette estimation, les statistiques allemandes ont réintégrés la RDA dans l’Allemagne .

    De plus l’Allemagne a un excédent commercial énorme avec ses voisins de l’ordre de 150 Md € /an : Les voisins payent d’une part les salaires correspondant et d’autre part les impôts, taxes et charges sociales (ce qui allège le budget de l’Allemagne ; pour environ 50 Md€/an)

    Qui osera demander aux gouvernements allemands de rembourser les dépenses prises en compte par ses voisins ???


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