mercredi 9 mars 2011 - par Louis Dalmas

Les leçons des bouleversements arabes

Le nouvel ordre mondial américain est fondé sur le profit capitaliste. Son impérialisme a besoin d’accaparer les matières premières énergétiques qui permettent au néolibéralisme de marché de survivre. Sa stratégie ne tolère pas les Etats rétifs qui manifestent des velléités d’indépendance. Les chefs de ces Etats sont tous mis dans le même sac de la “dictature”, quelles que soient leurs différences. L’insubordination suffit à les condamner, aux applaudissements des “droitsdel’hommistes” hypocrites ou naïfs.

Ce bref tableau de notre Occident explique beaucoup d’événements. D’abord l’élimination des trublions (les petits, parce que les Chinois et les Russes sont trop puissants pour être inquiétés). Peu importe que ces roitelets aient été des leaders populaires ou des tyrans, qu’ils aient le souci de leurs peuples ou de leurs intérêts personnels, qu’ils soient les auteurs de réformes utiles ou qu’ils pillent avec égoïsme les ressources de leur pays, leur “nationalisme” – patriotique ou intéressé – est un crime de lèse-empire. Leur disparition est un “must” qui doit être parachevé par tous les moyens. Corruption des “élites” locales, troubles fomentés de l’extérieur, oppositions financées, propagande tendancieuse, révolutions fabriquées, mensonges répétés à satiété, accusations tous azimuts, agressions militaires. C’est ainsi que quatre d’entre eux, pourtant peu comparables, ont été jetés dans la fosse commune : Milosevic, Noriega, Ceaucescu et Saddam Hussein. Il en reste six : Lukashenko, Ahmadinejad, Gbagbo, Kadhafi, Kim Jong Il et Chavez. Leur seul point commun était – ou est – la résistance à l’hégémonie de Washington. Cela suffit à en faire d’abominables trouble-fêtes à détruire, tous pareils quoique fondamentalement différents, mais également maudits par les bonnes consciences et les moralistes de salons.

Cette chasse au “récalcitrant” s’est compliquée récemment, sans changer de nature, en Tunisie et en Egypte. Les interventions du Pentagone et de la CIA ont été prises de court par un bouleversement que j’annonce depuis des années : le soulèvement de peuples qui ne supportent plus le gouffre qui les sépare de leurs dirigeants, qui réagissent à l’abîme d’inégalités économiques et d’injustices sociales creusé entre les pauvres et les riches, entre les démunis et les jouisseurs de la fortune et du pouvoir. Et l’incendie risque de se propager dans cet espace arabe de féodalités anachroniques, où les masses font craquer les structures. Contrairement aux illusions des idéalistes ou aux proclamations des cyniques, pas pour réclamer la démocratie, ce dont les exploités se foutent complètement, mais pour exiger simplement de quoi se nourrir, se loger, vivre avec un minimum de dignité.

Même s’ils sont “récupérés” par la suite, les deux mouvements – tunisien et en égyptien – auront présenté au départ quatre caractéristiques du plus haut intérêt : la force de la jeunesse, le rôle actif des femmes, la laïcité des revendications, l’absence de slogans anti-israéliens. Un visage nouveau, déroutant pour les maniaques de l’islamophobie.

Ce qui complique l’analyse, c’est que les deux facteurs précités – la domination impériale et l’explosion populaire – s’ entremêlent dans les deux cas. Les révoltes ont été spontanées et, dans un premier temps, ont affolé les états-majors et les chancelleries. Mais ces derniers ont vite repris leurs intrigues pour limiter les dégâts. Ce qui fait que, dans les deux pays, on trouve à la fois les expressions de la colère d’en bas et les traces de la reprise en main d’en haut. On peut se réjouir des premières et craindre les secondes, car si l‘on peut saluer avec joie l’importance des soubresauts, force est de constater que beaucoup de précautions commencent à être prises pour que l’édifice impérial ne s’écroule pas sous quelques premiers coups de boutoir.

Le cas de la Libye me semble différent. Malgré les vociférations des grands médias, et de leurs inspirateurs gouvernementaux – prompts à piétiner l’excentrique colonel qu’ils recevaient jadis en grande pompe – “l’insurrection” libyenne n’est pas comparable à celles de Tunisie et d’Egypte. L’opposition qui a pris les armes existe depuis longtemps. Elle reflète moins une rage populaire qu’un antagonisme politique. Kadhafi et ben Laden sont réellement ennemis. Le Libyen a été le premier à alerter Interpol sur l’activité du terroriste. Un “Groupe de combat islamique”, fondé en 1995 par des vétérans de la guerre contre les Soviétiques en Afghanistan, a annoncé en 2007 qu’il rejoignait Al Qaeda. Le moins qu’on puisse dire sur les rebelles de Cyrénaïque est qu’ils sont mélangés, avec une forte présence d’islamistes traditionnels hostiles à la modernisation de la jamariya. Il ne s’agit pas d’une marée subversive, mais plutôt, une fois de plus, d’un mécontentement instrumentalisé, d’une mise en scène de coup d’Etat, facilitée par les débordements du “guide”, et la grogne de ses adversaires, qui a été sinon déclenchée, du moins soutenue par l’étranger. La pression internationale est là, plus que jamais. Motivée par l’intérêt pétrolier. Comme d’habitude, les stratèges de l’Occident ont soufflé sur les braises des rivalités de factions et de la démagogie pour ébranler un gêneur, avant – comme il est question de le faire – de le liquider par un coup de grâce militaire.

Quoi qu’il en soit, l’actualité met en lumière deux réalités à prendre en compte : a) les peuples commencent à bouger ; b) l’empire ne renonce pas à se défendre par tous les moyens. De quoi se réjouir d’un côté, mais de l’autre de quoi continuer le combat.

Louis DALMAS.



5 réactions


  • Alliance Rebelle citoyen du sud 9 mars 2011 10:05

    ’’Un “Groupe de combat islamique”, fondé en 1995 par des vétérans de la guerre contre les Soviétiques en Afghanistan, a annoncé en 2007 qu’il rejoignait Al Qaeda. Le moins qu’on puisse dire sur les rebelles de Cyrénaïque est qu’ils sont mélangés, avec une forte présence d’islamistes traditionnels hostiles à la modernisation de la jamariya.’’


    je trouve qu’on recontinue a distiller l’epouvantail islamiste dans cette article , la question qui se pose est :
    - qu’est ce ’’al qaeda’’ ?
    - qu’est ce qu’un ’’islamistes traditionel’’ ?
    - c’est quoi la modernité ?

    • Louis Dalmas Louis Dalmas 9 mars 2011 10:48

      J’ai l’impression que « Citoyen du sud » n’a pas très bien lu mon article.
      1) Ce dernier traite de l’impérialisme américain, pas de « l’épouvantail islamiste »
      2) Il relève les caractéristiques intéressantes des soulèvements en Tunisie et Egypte qui démentent les clichés islamophobes
      3) Al Qaeda et l’intégrisme traditionnel qui y sont évoqués sont des réalités dont il me semble difficile de contester l’existence.
      Quant à la modernité, un de ses éléments est la laïcité qui sépare toute religion de l’Etat, un autre est l’aggiornamento de rigueurs morales d’un autre âge. 


  • Alliance Rebelle citoyen du sud 9 mars 2011 12:44

     Louis Dalmas :

    désolé mais on commence a se méfier énormément en ce moment
    Algérie 1991 , 1er chance d’un peuple arabo-musulmans de disposer de lui même et de choisir un projet de société , n’en déplaise a beaucoup , peuple qui fut puni d’avoir fait le mauvais choix , de ne pas avoir choisi les bourgeois acculturé occidentalisé gardiens de la continuité ... la mainmise par la bourgeoisie mondiale qui dispose des richesses et du destin de l’humanité ... conséquence des centaines de milliers de morts attribués aux islamistes a tort ou a raison , l’histoire le dira . la vérité c’est qu’aussi repoussant que puisse paraître le projet des islamistes aux yeux de nos ’’laics’’ , c’est qu’ils ont un projet , ce qui est loin d’être le cas pour eux , qui préfèrent soutenir et légitimer des dictatures sans foi ni loi fossoyeurs des peuples
    après le désastre subit en Irak a cause de nos ’’laics’’ bien pensant grâce a leur frère sadam hussein , nous risquons actuellement de subir un autre désastre en Libye , grâce a un second de leurs frères l’autre taré roi des rois , le psychopathe kadhafi , vu que tout amène a dire que l’invasion franco-britanique et leur fille aînée l’Amérique est inévitable 
    on ne sait pas ou l’on va , une seconde chance se présente de pouvoir enfin disposer librement de nos destins , nos richesses , nos liberté et notre dignité grâce au courage de nos frères tunisiens et égyptiens , espérons que cette fois ci la chance ne passera pas a coté 
    espérons cette foi ci que nos ’’laics’’ offriront un projet de société qui fédère ... espérons que les forces actuellement anti-arabomusulmans & islamophobe en particulier , ennemie de l’humanité en général ne vont pas faire capoter cette seconde chance et nous refaire sombrer dans le désespoir de l’injustice et de la tyrannie
    espérons un avenir meilleur pour nous et le reste de l’humanité ou l’homme ne serait plus un danger pour l’homme , un predateur non seulement ennemie de l’homme mais aussi ennemie de l’environnement et de la nature 
    que l’humanité saisisse sa dernière chance de quitter le coté obscure en ce 21éme siècle de toutes les inquiétudes et de toutes les angoisses .... ou que le l’humanité se prépare a plongée dans les ténèbres sans retour et sans distinctions de race de couleur de culture et de religion ... un ticket pour l’"enfer ...

    => un citoyen marocain qui perd pas espoir en l’homme

  • Guy Demoncourt. 9 mars 2011 19:38

    Kadhafi l’alibi.

    Manipulation- déstabilisation et pétrole.

    Le peuple entre deux feux.

     

    Ainsi l’histoire semble se répéter inlassablement. Déjà en 1885 les pays Européens s’unissaient pour coloniser l’Afrique au nom de la liberté et sa culture. (Interdisant l’esclavage, mais prônant le travail gratuit pour ses entreprises.) En 1920 les mêmes défendaient leurs avoirs en Russie pétrole, charbon, mines d’or, ect… au nom de la liberté du commerce.

    C’est inévitable les plans qui ont le mieux marchés, pourquoi les changeraient-on.

    Ce qui se passe en ce moment dans le Maghreb et Afrique du nord semble être aujourd’hui un vaste plan des affairistes politiques du pétrole.

    La déstabilisation de la Tunisie, Algérie, Maroc, Egypte etc., n’a été en faite qu’un vaste plan pour affaiblir ces pays,  pour qu’ils ne puissent réagir par la suite, au motif inavouable de la main mise du pétrole de Libye, par la déstabilisation du régime de Kadhafi, par des groupes politicaux –affairistes .

    Dans un premier temps, les gouvernements et les individus qui ont formatés et organisés les émeutes en Tunisie Egypte etc., ne visaient en réalité qu’une déstabilisation de ces régimes, et  non pour leur redonner une liberté qu’ils leurs avaient prise en soutenant pendant trente ans les régimes en causes.

    Ce qui va maintenant ce jouer en Libye est une récupération des matières premières de la Libye,

    La main mise sur le pétrole de ce pays,  par les compagnies pétrolières qui ont déjà fait de même en Irak.

    Ils mettront au pouvoir en Libye,  les anciens monarchistes du pays, qui travaillerons, soyez en sur, pour ces  mêmes compagnies de groupes d’intérêts inavouables.

    Car nous avons là, devant nous, l’organisation d’une révolte non spontané, mais un travail de sape, qui depuis quelques années, ont travaillé  les tributs ennemis à Kadhafi, et les groupes sociaux libyens, tout cela  par les services spéciaux occidentaux. Envoyant des le début des révoltes dans le Maghreb, des groupes armés et des armes qui attendaient leurs tours cachés dans le désert Libyen.

    Ne voyons-nous pas aujourd’hui, revenir le drapeau de l’ancienne monarchie Libyenne, chère  au gouvernement Britannique.

    Demain le futur chef du pays ne sera t-il pas, plus violent que l’ancien, mais soyons en sur, il le fera dans le silence des médias.

    Comme aujourd’hui en Irak.

    La presse  Européenne aux ordres du mondialisme,  parle de mercenaires qui seraient à Kadhafi, pour mieux cacher les mercenaires armés des compagnies pétrolières qui ont ordres de déstabiliser le pays. Et ils  se fondent dans la foule des mécontents.

    Dans l’année 1970, au début de la guerre civile au Liban, nous avons vus des individus non identifiés tirer aussi bien, sur des mariages Chrétiens et le lendemain sur des mariages musulmans. Ce qui à eu pour raisons et  effets de mettre de l’huile sur le feu.

    La vieille logique de diviser pour régner, employée de tout temps par les comploteurs affairistes est bien présente aujourd’hui en Libye,

    Et la démocratie n’est jamais qu’un slogan pour naïfs.

    Maintenant c’est au tour des journalistes aux ordres d’intervenir pour modeler les cerveaux, pour  l’acceptation future de l’intervention militaire et politique du gouvernement Européen et Américhistes  aux bénéfices des groupes pétroliers.

    Déjà le pays le plus virulent par la voie de son Ministre de l’industrie Britannique est rentré en jeux, demandant cette intervention à mots couvert.

    N’oublions pas que l’Angleterre est l’ancien colonisateur du Liban, qui remplaca les Italiens en 1946, la Reine d’Angleterre et ses Lords ont certainement des désires de retour en arrière.

    Demain nous allons envoyer des garçons de vingt ans, mourir pour du pétrole, comme en Irack.

    Pendant que des vieillards richissimes s’enrichisseront encore plus.

     Depuis 70 ans ce plan à été joué et rejoué, par les groupes politiquaux affairistes que se soient en Europe ou en Amérique Latine

    Aujourd’hui c’est le tour à l’Afrique du Nord.

    Et la démocratie n’est dans ce plan qu’un leurre, employés par les professionnel de la manipulation.
    Dailleurs ne remarques t’on pas en ce moment sur les photos des combats, ces 4x4 blanches aux dessins rouges, présentes du Côté des insurgés qui les a payées et combien sont-elles sur le terrain, déja les mirages Français ou Alliers, survolent journellement à raison dun passage toutes les trois minutes la Corse.
    C’est la démocratie du Canon.

    Journalistes simplement manipulés ou alors Manipulateurs ? Ceci est la question.

     


    • Louis Dalmas Louis Dalmas 10 mars 2011 11:08

      Bravo, cher Guy Demoncourt. Vous avez tout à fait raison.
      Nous allons d’ailleurs parler de tout cela dans le prochain numéro de notre journal B. I.
      Cordialement, Louis Dalmas.


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