mardi 31 mai 2011 - par Grégory VUIBOUT

Mladic seul contre tous

Encore sonné par son arrestation, le général Mladic a laissé entrevoir ce que sera sa défense : nier toutes espèces de responsabilités concernant Srebrenica. Pourtant le temps passant il devra, certainement, adapter ses arguments. Avec, en ligne de mire la possibilité, pour lui, d’en appeler à la démonstration de ce que fut, à l’époque, la lâcheté de la communauté internationale sur la question. La France, plus spécifiquement, pourrait se sentir visée.

Arrêté le jeudi 26 mai 2011 après plus de 10 ans de cavale, Ratko Mladic n’en a peut être pas fini de causer des désagréments à nombre d’hommes politiques européens.

Une arrestation faisant suite à nombre de discordes et d’évolutions politiques

En effet après avoir hanté les discussions d’adhésion à l’UE de la Serbie ; qui, selon Jacques Massé, a attendu le dernier moment avant de passer à l’acte de son arrestation, Mladic n’a cessé de jouer les fantômes du débat politique national serbe. Il est en effet évident que son arrestation est d’abord et avant tout le signe d’un recul de l’influence des ultranationalistes et celui de la victoire d’une coalition pro-européenne à compter de mai 2008.

Et encore ne parlons-nous pas des différends diplomatiques que sa retraite paisible, telle que l’avait montré le reportage d’une télévision bosniaque en 2005, créait entre la Serbie et l’Etat Bosniaque.

La France, nouvelle victime de Mladic ?

Don d’ubiquité ou propension innée à créer la discorde, il semble que l’arrestation de Mladic puisse, à son tour, faire une victime diplomatique : la France.

En effet le retour du général serbe ; appelé, inéluctablement, à s’expliquer sur le massacre de Srebrenica, remet au centre de l’actualité l’attitude de la France le jour du massacre.

Plus spécifiquement l’attitude des troupes françaises, engagées sous la bannière de l’ONU, pose problème.

Visé en priorité : le général français Bernard Janvier, en charge du commandement des troupes de l'Onu en Bosnie en 1995.

Preuve de cette suspicion dont ne parvient pas à se défaire la France ; la rédaction, en 2001, d’un rapport parlementaire français. L’intention de ce rapport est explicite quant à ce que peut craindre la France face au procès Mladic : le passage au crible d’une hypothèse faisant état, il y a 10 ans, d’un accord ayant été passé entre les serbes de Bosnie et la diplomatie française.

Reprenant le déroulé du massacre de Srebrenica le rapport fait état d’un ensemble de pistes assez troublantes quant à la somme d’incompétences, de lâchetés ou de compromissions dont a bénéficiée le général pour procéder au massacre.

En creux se dessine la crainte inhérente à tout type de démarche si ouvertement mémorielle bien qu’elle cherche à s’afficher comme un processus judiciaire : la découverte que derrière l’accusation d’un général fou existe tout un ensemble d’autres responsabilités de moindre importance.

Et de fait sur la question le rapport est explicite. Car tout commence lorsque des milliers de miliciens serbes envahissent l'enclave musulmane de Srebrenica, pourtant déclarée "zone de sécurité" par les Nations unies. Normal pourrions nous dire, les soldats hollandais chargés de défendre la zone étaient dépourvus d’armes lourdes.

De même le rapport parlementaire notait une suite d’erreur dans la réaction apportée à cet envahissement de la « zone de sécurité ». Car le général Janvier refusa de déclencher des frappes aériennes qui auraient pu empêcher les troupes de Ratko Mladic de s'emparer de Srebrenica. Le rapport avance même l’idée que des frappes massives sur la route sud permettaient, à l’époque, à l'Onu et l'Otan d’arrêter l'offensive.

Les lâchetés internationales comme possible argument de défense pour Mladic

Face à tant d’erreurs, l’hypothèse d’un accord entre Mladic et Paris a pu, calmement, se diffuser. En cause ? La volonté, supposée, de Paris de s’attacher les bonnes grâces des serbes de Bosnie dans le but d’obtenir la libération, en juin 1995, de centaines de casques bleus, principalement français.

Sur la question la commission a, pourtant, fini par conclure par la négative. A la majorité de ses membres elle affirmait l’inexistence d’un tel accord.

Non sans omettre de rappeler qu’une autre accusation pesant, là encore, sur le général Janvier était, elle, parfaitement valable : celle de l’existence d’une rencontre effective entre lui et Mladic le 4 juin 1995.

Un compte-rendu de cet entretien fut envoyé au siège de l’ONU dès le 15 juin 95, soit un peu moins de deux semaines après qu’il ait eu lieu.

Y est rapportée la raison d’être de cette rencontre : la volonté de parvenir à un accord entre serbes de Bosnie et responsables de la FROMOPU pour éviter, de parts et d’autres, les pertes humaines. En effet le compte-rendu rapporte l’intention, du coté de la FROMOPU, d’un engagement visant à « ne plus faire usage de la force qui conduit à l'utilisation des frappes aériennes". Là où la Republika Srpska s’engageait à ne plus menacer " la vie ou la sécurité des membres de la Forpronu".

Preuve, s’il en fallait une, d’une communauté internationale ayant été très largement réticente à l’engagement en Bosnie. Appréhension collective expliquant, pour une large part, la succession d’erreurs et de compromissions commise par une majorité de pays, dont ne manquera pas de parler Mladic.

A tel point qu’on peut se demander s’il n’y avait vraiment que le personnel politique serbe que la cavale du général Mladic n’offusquait pas ?



11 réactions


  • Georges Yang 31 mai 2011 11:32

    Mladic est présenté comme un criminel de guerre alors qu’il est considéré comme un héros national par de nombreux Serbes.
    De fait, il est les deux à la fois ce qui va rendre son procès complexe.
    La question posée sera donc peut-on massacrer pour protéger les siens ?
    Comme on ne peut répondre oui mais avec modération, le procès Mladic risque de rester dans des zones d’ombre, surtout si les hommes politiques et les militaires haut-gradés de l4europe occidentale refuse de témoigner.
    Il faut voir au dela des massacres la part de responsabilité et de culpabilité de chaque camp et non uniquement des Serbes


    • ARMINIUS ARMINIUS 31 mai 2011 11:54

      Mladic n’est pas présenté comme un criminel de guerre, il EST un criminel de guerre. Avoir fait exécuter tous les prisonniers mâles mêmes non combattants, même agés de quatorze ans ayant pour seul pêché d’être musulman est sans commune mesure avec les excès des autres camps. Il faut remonter aux exécutions des juifs par les nazis pour trouver crime comparable. Les ultra nationalistes Serbes qui refusent cette réalité n’ont rien à faire dans le marché commun.


  • vodvoj 31 mai 2011 11:40

    Vu son grand âge, il ne devrait jamais voir le jour de sa condamnation.

    Durant la guerre de Yougoslavie, il a servi les intérêts serbes, il sert encore les intérêts serbes par sa reddition ou arrestation, car l’ouverture vers l’Europe n’est plus un frein.

    Compromis autrefois, compromis aujourd’hui, le reste c’est du cinéma.

    Quelle différence y a-t-il entre finir sa vie entre quatre murs d’une chambre traqué et malade, ou finir sa vie entre quatre mure d’une confortable cellule, nourri et soigné ?

    Peut-être même a-t-il gagné au change ?


  • ali8 31 mai 2011 13:06

    je ne veux en rien soutenir le Général Mladic mais

    en ce qui concerne les crimes de guerre il n"aurait obtenu que la médaille de bronze ; on attend avec impatience, pour une vraie justice crédible, la médaille d’argent et la médaille d’or

    je ne nomme personne, mais vous comprenez de qui je parle, de ceux qui travaillent pour la démocratie


  • BABAYAYA BABAYAYA 31 mai 2011 13:17

    Je vais m’efforcer de rester courtois et calme dans ce débat, l’ayant vécu in vivo...


    Tout d’abord, ce que vous dites comme étant des frappes aériennes possibles, ne l’étaient tout simplement pas pour raison de multiples boucliers humains utlisés dans leurs déplacements... et oui ça on ne l’a pas trop dit à TF1.... 
    ensuite, rappelez vous d’une chose, même si cela peut vous paraitre idiot, mais le mandat des casques bleux étaient de protéger les civils pas d’interférer avec les déplacements de l’armée serbe... donc tant qu’il n’y avait pas de réelle décision du conseil de l’onu à ce que les casques bleus interviennent, ils n’en avaient pas le droit ne vous en déplaise. et comme la france à elle seule n’est pas la majorité au conseil, elle ne pouvait décider seule de ces choses.
    troisièmement, il me semble que vous faites une erreur de date, en effet Le président Chirac a décidé l’envoi du 2ème REI le 24/25 mai 1995... et là aussi j’étais à l’arsenal de toulon pour leur départ puisque nous les emmenions....
    Et comme par hasard beaucoup de choses se sont calmées à ce moment, vu que les Légionaires avaient ordre de répliquer et défendre nos militaires casqués de bleu...suite à la mort d’une cinquantaine des notres...

    enfin il faut se rappeler de l’histoire européenne... Les serbes ont souvent fait rempart de leurs personnes quant aux divers envahisseurs ottomans... et en cela la france avait de la mémoire et hésitait sincèrement à attaquer/punir ceux qui nous avaient permis de parler encore italien/allemand/francais au 16eme/17eme siecle... ne vous en déplaise ça n’a jamais été de gaité de coeur que la france y a été par souvenir de ce qu’on doit aux serbes...

    ATTENTION ! je ne cautionne aucunement les massacres !!! soyons bien d’accord là dessus...

    mais souvent les imbroglios de l’histoire font que ce n’est pas facile.

    Pour enfin conclure par le fait que Mladic était vu comme un héros là bas puisqu’il a défendu la cause serbe envers et contre tout... je ne suis pas sur que ce peuple soit au courrant de tous les massacres perpétués... Milosevic faisant passer uniquement les messages qu’il voulait... tout comme d’autres dictateurs en leur temps....

    bien cordialement, bonne journée.
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  • Gérard Luçon Gerard Lucon 31 mai 2011 13:57

    Le peuple serbe est un peuple fier
    Honte a ses dirigeants actuels qui sont capables d’aller sucer ceux du Kosovo simplement pour beneficier d’un emprunt du FMI et d’un strapontin a Bruxelles !

    Ratko Mladic a fait son devoir dans un pays qui a explose a cause initialement du soutien de l’Allemagne a la declaration d’independance de la Croatie, alors que conformement a la Charte des Nations Unies les frontieres sont inviolables et immuables depuis la creation de l’ONU !!!


    • gpaug 31 mai 2011 14:37

      Honte a ses dirigeants, non pas d’avoir livre Mladic mais d’avoir attendu si longtemps pour le faire.
      Et surtout honte pour les motivations qui les ont poussés à le faire :

      • argent
      • entrée dans l’UE
      • Mladic va vivre combien de temps ? 1 an ?, pas assez pour avoir un procès.

      Et une fois de plus le monde dit « démocratique » tombe dans le panneau, va accueillir les bras ouverts un peuple qui pleurera son héros et n’hésitera pas à faire de nouveau couler le sang si on « l’embête ».

    • BABAYAYA BABAYAYA 1er juin 2011 15:12

      Petite annecdote concernant ces années sombres...


      Ce bon peuple pacifiste que l’on cherchait à protéger du massacre...
      Dans sniper alley, des soldats se jetaient sur des civils pour les protéger des balles en se couchant par terre, là le civil sortait un pistolet et tirait dans la tete dudit soldat...
      ah bin oui on en a pas parlé à TF1/A2/FR3/M6, etc....
      et on s’étonne pourquoi les légionnaires allaient « casser du bosniaque » ?
      moi pas.
      vivez un peu ce genre de choses avec des gens qui rentrent dans leur pays, brisés, ddéfinitivement déçus de la nature humaine....

      mais bon sinon les serbes sont les méchants !
      d’ailleurs ça s voit bien avec les bases/supermarchés (etc.) américains qui se sont ouverts là bas....

      mais bon, moi je dis ça je dis rien...
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  • chuppa 31 mai 2011 19:15

    Il sera « victime » d’une bonne crise cardiaque avant de témoigner et de mettre en cause les nations européennes


  • morice morice 1er juin 2011 08:22

    ne cherchez pas trop à le disculper quand même..... en le traitant de « fou ». Il est bien RESPONSABLE des massacres....


    • Patrick Samba Patrick Samba 1er juin 2011 13:33

      Bonjour,

      mais à qui parlez-vous morice, je ne parviens pas à trouver qui a traité Mladic de fou ?

      Parce que la question est effectivement intéressante à traiter. Sans chercher à nier le moins du monde sa très grande responsabilité, il n’en demeure pas moins que la question de la « folie » dans la genèse de ce génocide, comme dans celle de tout génocide, ne peut être évincée sans autre forme de procès. Dans le drame bosniaque elle a même été instrumentalisée par certains de ses initiateurs. Je renvoie au livre de Jovan Raskovic « Le pays fou » et à l’activisme de celui-ci dans le but d’enflammer les passions

       Tragédie dans les Balkans - Éthique & Liberté
      (à prendre avec des pincettes vu son origine, mais ce texte recèle un bon concentré d’infos)

      Association Internationale de Recherches sur les Crimes contre l’Humanité et les Génocides

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