mardi 22 novembre 2016 - par taktak

Nouvelle donne politique au Venezuela… et retard de l’information en France

Retour au galop du réel refoulé par les grands médias. Alors que ceux-ci qualifiaient de « prisonniers politiques » les leaders d’extrême droite liés arrêtés pour la possession d’explosifs ou l’organisation de violences meurtrières avec l’appui paramilitaire d’Alvaro Uribe, la droite vénézuélienne reconnaît à présent qu’il n’existe que des « personnes arrêtées ». Plus surprenant encore, elle admet la réalité d’une guerre économique qu’elle qualifiait jusqu’ici d’invention du président Maduro « pour cacher la faillite du socialisme bolivarien ». Le sociologue vénézuélien Franco Vielma nous éclaire sur ces revirements inattendus.

A l’initiative du gouvernement bolivarien, les partis de la droite vénézuélienne ont accepté récemment de s’asseoir à la table des négociations. La première étape de ce dialogue amorcé avec l’appui de l’ex-président du Panama Martin Torrijos et de l’ex-président espagnol Rodriguez Zapatero s’est achevée le samedi 12 novembre 2016. Entouré notamment du secrétaire général de l’UNASUR et ex-président de Colombie Ernesto Samper, de Leonel Fernandez, ex-président de la République Dominicaine, l’envoyé du Vatican Claudio María Celli a lu les cinq points principaux du communiqué final :

  1. Le gouvernement et la MUD (coordination des partis d’opposition à la révolution) ont convenu de combattre ensemble toute forme de sabotage, de boycott ou d’agression envers l’économie. La priorité sera donnée aux mesures en faveur de l’approvisionnement, production et importation de médicaments et aliments, via la planification et l’application de politiques de coopération entre les secteurs public et privé pour surveiller et contrôler les mécanismes d’acquisition et de distribution de matières premières et de marchandises.
  1. La droite accepte la sentence d’illégalité prononcée par le Tribunal Suprême de Justice à la suite de l’élection frauduleuse de trois de ses députés (Ndr : ces députés, exclus, ont offert leur démission au leader de la droite, Henry Ramos Allup, président de l’Assemblée Nationale). Les parties ont également convenu de travailler ensemble à la nomination de deux recteurs du Conseil National Électoral dot le mandat prend fin en décembre 2016.
  1. Les parties ont adopté une position unanime de défense des droits du Venezuela sur la région de l’Esequibo, adoptant l’accord de Genève de 1966 comme instrument juridique pour résoudre cette controverse territoriale.
  1. Les parties ont adopté une déclaration commune intitulée « Vivre ensemble en Paix ».
  1. Seront invités aux prochaines réunions un gouverneur de chacune des parties et des représentants des différents secteurs de la société. Une commission de suivi sera coordonnée par l’ex-président espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, par Jorge Rodriguez pour le gouvernement bolivarien et Luis Aquiles Moreno pour la MUD.

Qui gagne, qui perd ?

Dans le cadre strict des accords il n‘y a ni gagnant ni perdant. C’est une victoire de la Constitution Bolivarienne, soit une avancée majeure pour une société vénézuélienne qui réclame de ses leaders des alternatives et des solutions consensuelles, en particulier pour faire cesser les violences.

C’est sur la nouvelle donne politique et la perception publique que je voudrais faire quelques commentaires.

  • La coordination de la droite (MUD) admet face au pays qu’il y a un boycott et une agression économique persistants contre la population, reconnaissant entre les lignes que son capital politique est né d’un contexte d’extorsion et du désespoir d’une population qui a voté pour elle en décembre 2015. La guerre économique cent fois niée existerait donc ? C’est la MUD qui le dit à présent. Autre discours qui s’effondre : celui du « communisme régulateur » comme cause de la situation économique. La MUD adhère en effet à la nécessité de « surveiller, inspecter et contrôler » le flux de marchandises.
  • En reconnaissant que l’Assemblée Nationale ne peut maintenir des députés élus frauduleusement, la droite renonce au lexique destiné aux médias internationaux (ou commandé par eux…) d’« actions arbitraires » de la part d’une « dictature ». Les élections législatives dans l’état d’Amazonas ont été entachées de fraudes et devront être répétées.
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    De gauche à droite : Jorge Rodriguez (Parti Socialiste Uni du Venezuela) pour le gouvernement, Leonel Fernandez (médiateur, ex-président de la République Dominicaine) et Carlos Ocariz, porte-parole de la MUD (pour l’opposition) lisant les accords.

    Carlos Ocaríz (porte-parole antichaviste qui a participé au dialogue, voir photo) use à présent du terme « personnes arrêtées » au lieu de celui de « prisonniers politiques » jusqu’ici destiné aux militants et dont la fonction était surtout d’agiter les médias internationaux (terme rentable également pour certaines « ONG de droits de l’homme » à l’œuvre également en Bolivie, en Equateur ou au Nicaragua).

  • Pas d’accord sur le référendum révocatoire, dont la collecte de signatures a elle aussi été entachée de fraudes massives (des milliers de personnes décédées apparaissant parmi les signataires) ni sur les prochaines élections générales (il y en aura deux en 2017). La rhétorique et la démagogie destinées aux militants souffre des incohérences, des divisions au sein de la droite, minant sa crédibilité. Même l’ambassade des États-Unis semble lassée de tant d’inefficacité. Il n‘est pas sûr encore que son soutien se poursuive avec la même intensité sous la présidence de Donald Trump.
  • Après de nombreux effets d’annonces sur la « prise du palais présidentiel » au terme de mobilisations de rue, la droite rentre dans les rangs institutionnels de l’Assemblée Nationale qu’elle pourra continuer à utiliser comme un bélier politique. Pour sa part le chavisme gagne en légitimité. La droite aurait-elle sous-estimé la capacité politique de Nicolas Maduro ?

Franco Vielma

Source : http://misionverdad.com/la-guerra-en-venezuela/reflexiones-sobre-los-resultados-del-dialogo-chavismo-mud

Traduction : Thierry Deronne

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Lettre de Maurice Lemoine au médiateur de Radio France sur le traitement du Vénézuéla dans la matinale (16/11) de France Culture.

(Invitée : Paula Vasquez (EHESS / CNRS)

Votre message a bien été envoyé au Médiateur des antennes de Radio France. Il est en cours de traitement.

De : Monsieur Maurice Lemoine (75018)
Concernant la chaîne : France Culture

Votre message :

Au nom de la droite et de l’extrême droite vénézuéliennes, merci à M. Guillaume Erner pour son traitement de la crise vénézuélienne, à travers une seule intervenante, représentante (assez caricaturale, je vous l’accorde, mais universitaire, vous avez eu raison de le souligner) de l’opposition.

Merci d’avoir caché les responsabilités bien réelles de cette opposition dans la crise – en particulier dans le report (et non l’interdiction) du Référendum révocatoire.

Merci d’avoir occulté que se déroule actuellement un « dialogue », sous les auspices d’individus extrêmement douteux – M. Ernesto Samper, secrétaire général de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) ; les ex-présidents panaméen et dominicain Martin Torrijos et Leonel Fernandez ; l’ex-chef du gouvernement espagnol José Luis Zapatero ; le représentant du Pape, Mgr Emil Paul –, dialogue auquel s’oppose la partie la plus « droitière » de l’opposition, représentée ce matin sur votre plateau.

Merci d’avoir innocemment introduit une petite séquence « Jean-Luc Mélenchon » dans votre lynchage des présidents Chavez et Maduro.

Merci encore de ne pas avoir mentionné, en évoquant les « pénuries » et la « famine », les similitudes étonnantes qu’elles présentent avec le phénomène constaté au Chili durant les mois qui ont précédé le renversement de Salvador Allende.

Merci surtout d’avoir laissé raconter qu’on ne trouve plus un journal dans les rues de Caracas – les occasions de rire sont tellement rares que, lorsqu’il s’en présente une, il faut en profiter à fond.

Merci, mille fois merci, de participer à l’affaiblissement du service public en lui ôtant toute crédibilité – ceux qui rêvent de le démanteler vous en seront gré.

 

Maurice Lemoine *

 

* NdR : Ex-rédacteur en chef du Monde Diplomatique, auteur de nombreux ouvrages sur l’Amérique Latine qu’il sillonne depuis trente ans, Maurice Lemoine a récemment publié « Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’Etat modernes et autres tentatives de déstabilisation » (ed. Don Quichotte, 2015).

Pour écrire au médiateur : http://mediateur.radiofrance.fr/contact/mediateur/)

URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2016/11/16/nouvelle-donne-politique-au-venezuela-et-retard-de-linformation-en-france/



12 réactions


  • howahkan 22 novembre 2016 16:59

    Salut, merci des info.. smiley


  • leypanou 22 novembre 2016 17:09

    Le Vénézuela n’est pas sortie de l’auberge : l’empire l’a dans le collimateur depuis un certain temps déjà. et puis, il y a tellement de pétrole derrière à « voler ».
    Le Brésil, l’Argentine ont fini par basculer dans le « camp du bien » : la doctrine Monroe est toujours d’actualité.


  • lsga lsga 23 novembre 2016 11:35

    les prix du pétrôle se sont effondrés : c’est un complot ! ou pas...


    • lsga lsga 23 novembre 2016 17:27

      @Tall
      quoi ? ce ne sont pas les juifs du FBI chinois qui ont organisé un complot pour faire couler le Vénézuela ?


       smiley smiley 

  • Perceval Perceval 23 novembre 2016 14:04

    On se croirait revenu au temps de Staline quand le NKVD trouvait partout des ennemis du peuple ou des espions US. J’espère au moins que Maduro vous offre des vacances au Venezuela à hauteur de votre engagement pour son régime rouge fasciste


  • VICTOR Ayoli VICTOR 23 novembre 2016 14:28

    Merci à l’auteur de ces informations qui changent du lynchage médiatique général de Maduro dans nos me(r)dias et nos canards laquais.


  • maQiavel maQiavel 23 novembre 2016 14:43

    Merci pour ces infos... 


  • Zolko Zolko 24 novembre 2016 11:19

    Le « parti Bolivarien » est au pouvoir depuis 20 ans. Le qualifier de « révolutionnaire » vous met dans le même camp que Valls ou Hollande qui font un état d’urgence qui dure depuis 1 an. C’est de la propagande pure, à la limite de l’enfumage.


  • Perceval Perceval 24 novembre 2016 13:25

    Allez voir cet article sur le journal le Monde (une spécialiste du CNRS l’a écrit)
    http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2016/11/24/le-venezuela-bascule-t-il-dans-la-dictature_5037287_3232.html

    Extraits : "

    DES MALADES CONDAMNÉS PAR MANQUE DE SOINS

    Le pays est en train de vivre le pire moment de trente-cinq ans de crise dans le secteur de la santé publique. Les patients atteints de maladies chroniques - diabète, hypertension, maladies rénales, cancers ou VIH, entre autres - sont condamnés à cause du manque de médicaments et de traitements. Les patients de maladies graves attendent une mort certaine dans les hôpitaux publics, faute des produits médicaux les plus basiques. Des épidémies de maladies infectieuses ravagent la population la plus vulnérable et sous-alimentée, comme les indigènes et les enfants des quartiers défavorisés et des campagnes.

    La comparaison avec le Chili d’Allende, bien chère à l’extrême gauche française qui appuie la théorie conspirationniste du gouvernement vénézuélien du sabotage et de la « guerre économique » que lui mènerait la « bourgeoisie », ne résiste pas l’analyse lorsqu’on regarde les montants colossaux des revenus pétroliers engendrés par l’augmentation des cours du pétrole qui se poursuivit de 2001 à 2008. Nicolas Maduro, au pouvoir depuis 2013, aurait parfaitement pu éviter cette catastrophe car la récession a commencé bien avant la chute du prix du pétrole. L’économie non pétrolière a été littéralement détruite et en même temps la dette externe a été multipliée par cinq depuis 2006

    ....


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