vendredi 7 avril 2017 - par Laurent Herblay

Quand l’Empire du milieu prend le chemin de 1984

C’est un dossier aussi passionnant qu’effrayant de The Economist sur l’évolution de la Chine, et l’utilisation des nouvelles technologies pour assurer le contrôle de la population dans une puissante dictature, qui explore l’idée d’une « notation de crédit social  ». Comme l’impression d’assister à la naissance de l’Etat policier décrit par Georges Orwell dans 1984

 

Quand la technologie rencontre le totalitarisme
 
Bien, la révolution technologique des vingt dernières années nous a apporté un nombre considérable de bienfaits. En premier, la possibilité pour n’importe quel citoyen d’accéder à une quantité considérable d’informations, nous permettant d’en savoir plus, de confronter des points de vue différents, et plus encore, de débattre ou d’apporter sa contribution au débat public, à travers ces nouveaux outils que sont les réseaux sociaux ou les blogs. En cela, les nouvelles technologies peuvent servir la démocratie, comme nous avions pu le voir en 2005, avec l’émergence d’Etienne Chouard. C’est un puissant outil bienvenu pour remettre en cause la parole officielle ou ceux qui nous gouvernent.
 
Mais ces outils posent aussi de vrais problèmes. La prédominance de multinationales étasuniennes pose un problème de contrôle démocratique. En outre, leur modèle d’affaire repose aussi sur l’exploitation du travail des autres, et a notamment provoqué un effondrement des recettes des grands médias, contribuant à affaiblir le débat démocratique par une précarisation du travail de journaliste, et la perte d’indépendance de la plupart des média. Sur ces points, je ne peux que conseiller de lire « L’homme nu – la dictature invisible du numérique » de Marc Dugain et Christophe Labbé. En outre, ils offrent une lucarne au pire de l’humanité (des djihadistes qui l’utilisent pour recruter et s’organiser, aux délinquants ou criminels qui peuvent y exposer leurs méfaits), tout en favorisant trop souvent la fermeture.
 
Mais il faut bien reconnaître que les outils numériques peuvent devenir encore plus terrifiants quand ils sont manipulés par une dictature comme la Chine. L’Empire du milieu dispose déjà de nombreuses bases de données  : chaque citoyen dispose déjà d’un hukou, qui détermine où il peut bénéficier des services publics, de manière à contrôler la répartition géographique de la population. Il existe également un dang’an, qui contient les évaluations scolaires et professionnelles, ainsi que les salaires. En 2006, l’Etat a mis en place un système de surveillance internet. En 2010, il est allé plus loin en expérimentant un système de notation dit de crédit social, récompensant ceux qui se tiennent bien.
 
The Economist note que, jusqu’à présent, le gouvernement laisse s’exprimer dans les médias d’Etat des critiques, parfois très dures, de ce système, comparé à certaines pratiques de l’occupation japonaise ou trop oublieux de l’évaluation d’une administration pas au-dessus de tout reproche. Mais, la Chine ne semble pas remettre en cause sa volonté de mettre en place ce système à l’échelle du pays en 2020 pour « permettre aux personnes de confiance de se déplacer partout comme au paradis tout en rendant difficile pour tous ceux qui sont discrédités de faire le moindre pas  », une promesse inquiétante quand on constate la capacité de la Chine à refuser la plupart des critiques sur l’Etat.
 

Si la révolution technologique peut servir le bien comme le mauvais, ce qui se passe en Chine nous rappelle qu’elle est aussi souvent un enjeu de pouvoir. Et outre le fait de servir de manière destructrice et excessive le pouvoir des actionnaires et des dirigeants de quelques multinationales, elle peut aussi devenir un outil totalitaire redoutable pour un Etat policier orwellien.

 



5 réactions


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 7 avril 2017 13:19

    Je ne vois pas bien la différence avec les Etats-Unis ou l’Europe ?

    C’est quoi Google, à votre avis, sinon une énorme entreprise de fichage au service de l’état US ? Croyez-vous que les services de renseignements de nos pays aient quoi que ce soit à envier à la Chine ?
    Comment considérez-vous un pays dans lequel tous les médias appartiennent à un groupe de 7 personnes qui sont dans le même camp.

    Pourquoi aller chercher 1984 en Chine alors que nous vivons chez nous un 1984 qui a suspendu la marche du temps ?

    • La mouche du coche La mouche du coche 7 avril 2017 18:42

      Il faut être d’une naïveté ou d’une mauvaise foi incroyable pour croire ce que dit « the economist » sur la Chine. Fake news a chaque phrase. smiley


  • Alren Alren 7 avril 2017 13:51

    1984 est un livre de fiction. Il suppose une passivité des foules devant l’oppression qui n’existe pas si l’oppresseur ne dispose pas du soutien d’au moins 30% de la population, une puissance force de répression forcément recrutée parmi une « élite » pour les cadres mais dans le peuple pour les exécutants de base et une capacité à faire avaler une propagande de la peur ou de la haine.

    L’exemple typique d’une répression qui a pu durer car elle satisfaisait ces trois conditions est celle de Pinochet au Chili. La junte a pu utiliser les services de soldats issus des classes populaires pour réprimer les classes populaires et intellectuelles, car le niveau d’éducation était bas dans ce pays en 1973 chez les pauvres.

    En 2017, le coup d’état d’un nouveau Pinochet échouerait du fait de la montée du niveau d’éducation du peuple chilien. Même s’il n’est pas assez élevé pour ne plus écouter les sirènes réactionnaires et voter dernièrement contre lui dans les urnes.

    J’avoue ne pas connaître le secret des mentalités du peuple chinois. Mais les spectacles d’inégalités entre citoyens voisins, l’un ayant plus de droits que l’autre, devrait entraîner chez ce dernier un sentiment d’injustice le poussant à une révolte grave.


    • sls0 sls0 7 avril 2017 18:28

      @Alren
      Je suis d’accord avec votre remarque, mais :
      Je réside en Amérique latine, flics et militaires le QI se balade en dessous de 85 malgré 7,2 années de scolarité. Les salaires ne dépassent pas celui d’un aide maçon et les capacités intellectuelles non plus. Chez moi 20-30% des homicides c’est les flics.
      En Amérique latine il y a un consortium de presse le SIP, il couvre 90% de la presse.
      En grattant un peu, ils sont derrière la merde au Brésil, Venezuela, Argentine,....
      C’est des grosses fortunes et le département d’état US qui font la ligne éditoriale.
      Je ne serai pas aussi affirmatif. Des révoltes j’en ai vu, c’est hard mais ça ne peut se transformer en révolution que par des personnes qui veulent prendre le pouvoir.
      La révolte c’est le peuple, une révolution c’est une révolte encadrée et dirigée.

      Les flics chez moi ne connaissent pas les lois, c’est les rois de l’arbitraire.
      Ils ne me font pas chier, je suis blanc et j’ai une autorité naturelle, noir et pauvre c’est pas la même histoire.
      Non il n’y a pas trop de changements, pour le Chili ils ont été échaudés, c’est encore dans les mémoires, ils ne devraient plus trop se laisser faire.

      Pour la mentalité chinoise, c’est bien expliqué dans le livre de Todd la troisième planète, à priori ça ne devrait pas poser de problèmes.
      Ce n’est pas de l’inégalité telle qu’on le conçoit. L’individu s’efface devant la famille, le village, la province et l’état.
      Nous on est égalitaire dans la liberté, eux c’est égalitaire dans l’autorité. Ils filent droit en fonction de ce que dit l’autorité. Pour un anglo-saxon qui est inégalitaire et libertaire, c’est l’incompréhension complète.
      La Russie c’est assez le style chinois au niveau conception, on comprend que le communisme où l’individu n’existe pas ait pu s’y implanter facilement comme en Chine.


  • Samy Levrai samy Levrai 7 avril 2017 16:02

    L’hôpital qui se fout de la charité...


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