mardi 26 mai 2015 - par
Quand les Echos maquillent la bonne performance du Japon
Au premier trimestre, la croissance a atteint 0,4% dans la zone euro, et le PIB a seulement été stable aux Etats-Unis. Au Japon, la croissance a atteint 0,6%, mais les Echos la juge « molle » dans un premier papier puis « fragile et portée par les invendus » dans un second. Sacrée mystification !
Nouveau succès des Abenomics
Bien sûr, la croissance du Japon est assez erratique. La perspective de la hausse de la TVA a boosté la croissance fin 2013 / début 2014, avant qu’elle ne retombe aux second et troisième trimestres. Et, passé l’effet de la hausse des taxes, l’économie a rebondi, avec une croissance de 1,1% en rythme annuel au quatrième trimestre 2014, et 2,4% au premier trimestre 2015. Et avec une croissance supérieure à celle des Etats-Unis ou de la zone euro, comment dire que la croissance du Japon est molle ou fragile ? Bien sûr, les Echos pointent l’effet de la hausse des stocks au dernier trimestre, mais malgré tout, la croissance reste positive sans cela et les investissements ont progressé.
Mais en plus, les Echos oublient une précision de taille : le différentiel d’évolution démographique entre le Japon et les autres pays. Quand la population augmente de 0,5% par an en France, ou 0,7% aux Etats-Unis, elle recule de 0,2% au Japon. Bref, les chiffres d’évolution du PIB doivent être évalués en fonction de l’évolution du PIB par habitant, comme l’avait expliqué The Economist fin 2011, dans un papier qui montrait que les deux dernières décennies n’avaient pas été si mauvaises que cela pour l’archipel. La croissance du PIB par habitant est largement supérieure au Japon que dans la zone euro, et pas si éloignée des chiffres des Etats-Unis, tempérés par la croissance démographique.
Pourquoi les Echos sont de mauvaise foi ?
Il est tout de même surprenant que les Echos fassent une analyse aussi superficielle des performances du Japon, alors qu’il devrait, comme le fait The Economist, en expliquer les ressorts avec neutralité. Mais non, les Echos préfèrent caricaturer outrageusement la réalité. Comment parler de croissance molle alors qu’elle est plus forte qu’en Europe ou aux Etats-Unis, qu’elle progresse trimestre après trimestre depuis un an, et, même en supprimant l’effet stock, qu’elle reste significative par habitant, et meilleure qu’outre-Atlantique ? Et parler en titre des invendus est assez culotté quand cela n’est pas évoqué pour la France, alors qu’au Japon l’investissement est en croissance, contrairement à l’hexagone.
Ce faisant, on décèle dans le traitement de l’information concernant le Japon, un biais négatif qui semble ici systématique. En fait, les Echos ne semblent pas vouloir admettre le succès des Abenomics, qui ont relancé la croissance du pays et cassé la déflation. Le refus d’admettre cette réussite est simple : le premier ministre a ignoré les déficits et la dette, bien plus importants qu’en Europe, en monétisant à grande échelle la dette nationale, par le contrôle qu’il exerce sur la banque centrale. Bref, parce que le Japon mène une politique qui va à l’encontre de celle menée et soutenue par les élites européennes, ces dernières choisissent d’en donner un éclairage peu flatteur, au point de travestir la réalité.
Mais ainsi, les tenants de l’eurolibéralisme montrent un vice profond de leur système de pensée, ni rationnel, puisqu’il refuse la réalité, ni vraiment démocrate puisqu’il refuse tout débat. The Economist, libéral au bon sens du terme, même si je suis rarement en accord avec lui, a un plus grand respect pour la réalité.