mardi 13 juillet 2010 - par Bernard Dugué

Quant les Chinois viennent chiner en France sans rechigner sur l’économie de marché

Chiner, le mot est sans doute impropre. N’imaginez pas des touristes chinois à moitié fauchés parcourant les puces de Saint-Ouen ou visiter les vide greniers de la région lilloise. Vous n’y êtes pas. La scène se passe avec des berlines Mercedes noires conduites par des chauffeurs en costume tirés à quatre épingles, du haut de gamme, plus quelques autocars pour petite délégation et deux ou trois monospaces luxueux, lustrés comme s’ils sortaient du magasin. Une réception était visiblement donnée au grand hôtel de Bordeaux. La place du grand théâtre était cernée de barrières métalliques pour éloigner les badauds. On pouvait apercevoir des Chinois très bien habillés et puis capter quelques conversations de passants massés derrière les barrières. Une foule peu nombreuse. Ce n’est quand même pas Johnny qui se déplace. Mais des invités sans doute plus prisés par le maire de Bordeaux Alain Juppé qui ce dimanche 10 juin recevait discrètement dans les salons de la mairie ces invités de marques dont le président de l’assemblée populaire, Wu Bangguo. Cette improbable mais discrète scène d’un dimanche soir ensoleillé dans une ville de Bordeaux désertée symbolise la formidable réussite économique chinoise.

Alain Juppé n’est que maire, même plus député, mais on lui reconnaîtra sans doute du flair et du pragmatisme pour avoir jumelé Bordeaux en 1998 avec Wuhan, « petite localité » chinoise de presque 10 millions d’habitants abritant le troisième pôle universitaire en Chine, juste après Pékin et Shanghai. Wuhan, c’est 500 000 étudiants, 30 000 entreprises, des milliers de joint-ventures formant un investissement de plus de 10 milliards d’euros, une croissance économique dépassant allègrement les 10 points du PIB chinois et un PIB local frôlant les 500 milliards de yuans. Bref, c’est du lourd. Bordeaux à côté, c’est une petite localité avec sa CUB pesant 800 000 habitants et ses 75 000 étudiants. Auparavant, Wu Bangguo avait rencontré Jean-Jacques Queyranne, président du Conseil régional de Rhône-Alpes, rappelant à cette occasion la vieille coopération entre sa région et la Chine, tout en ne masquant pas son intérêt pour les investissements chinois dans des domaines de compétence variés. Queyranne a reçu une invitation pour l’inauguration du TGV reliant Pékin à Shanghai. Ce mardi, le numéro deux chinois sera à Marseille, après une visite dans le vignoble bordelais, ce qui n’étonne guère si l’on connaît ce personnage féru de culture française, citant Voltaire et Hugo. Bien évidemment, le numéro deux chinois ne pouvait éviter un passage à l’Elysée et ce fut fait ce vendredi où il s’est entretenu avec Nicolas Sarkozy, notre pragmatique président dont on est certain qu’il n’aurait pas annulé ce rendez-vous avec la Chine au cas où Raymond Domenech aurait réclamé une entrevue.

C’est à l’occasion de ces petites visites que se dégage une image hautement symbolique de l’état du monde et notamment la première place prise par les Chinois dans la coopération économique. Trois responsables locaux d’envergure ont rivalisé de leurs capacités d’accueil pour recevoir le président de l’assemblée chinoise. C’est le signe d’une époque. Les affaires sont primordiales et si l’économie de la connaissance existe, alors, il faut commencer par bien connaître les Chinois. Autre source d’étonnement, les bons mots échangés entre le président de l’assemblée chinoise et son homologue européen. Wu Bangguo a insisté d’abord sur le retard technologique de la Chine. Est-ce exact ou bien une ruse ? Nous n’en saurons rien, sauf que la Chine se félicite d’avoir institué un système valorisant l’économie de marché et la propriété intellectuelle. Et le président du parlement chinois de donner quelques conseils, au grand dam président Jerzy Buzec, sur la nécessité pour l’Europe de reconnaître son statut d’économie de marché. Oui, vous n’avez pas rêvé. La Chine communiste louant l’économie de marché et donnant des leçons à l’Europe. C’est comme si Benoît XVI se faisait le chantre de la liberté sexuelle, fustigeant les Italiens pour leur démission le soir au lit. Et Dieu sait si une femme qui n’est pas ravie au lit ne peut se sentir italienne à part entière !

Ces quelques phrases et faits extraits d’un banal déplacement du numéro deux chinois sont emblématiques et signent le grand basculement du monde. C’est presque aussi fracassant que la chute du mur de Berlin qui a vu des milliers d’Allemands de l’Est fêter cet événement en allant dans les centres commerciaux de l’Ouest berlinois, comme si c’était la terre promise. En 2010, le graal économique se situe en Chine. L’Histoire retiendra aussi que cette Chine se positionne en tant que Nation sauvant l’effondrement de la croissance. Et c’est bien là ce qui sépare cette crise de celle de 1929 dont l’issue fut tragique. Les vieux économistes gauchisant sirotant un pastis radotent sur les années Roosevelt et sur l’économie qui fut sauvé par la guerre. Eh bien, en 2010, le scénario pourrait bien changer et ceux qui pronostiquent un conflit au Proche-Orient risquent de perdre leur pari car la coopération économique semble bel et bien représenter un moyen privilégié de sortie de crise.

Que dire de plus ? Pour ma part, je suis satisfait du décodeur TNT acheté pour 30 euros. Il est sensible, fonctionne parfaitement, avec sa télécommande. Il est fabriqué en Chine mais qu’est-ce que ça peut faire ! Je peux continuer à utiliser mon écran cathodique qui ne partira à la poubelle que lorsqu’il aura rendu l’âme. A ce moment, je m’équiperai avec un écran plat.


2 réactions


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 13 juillet 2010 11:03

    Bonjour Bernard,

    « C’est presque aussi fracassant que la chute du mur de Berlin  » La muraille de Chine fait huit mille kilomètres, mais si on la suit sur gogol, quelques kilomètres après la queue apparente de cars de touristes, elle disparait rapidement dans une jungle indéfinissable. il m’a été impossible de la suivre d’un bout à l’autre. Une autre légende dit qu’elle est visible de l’espace ce qui est faux mais ne change rien au fait que ce monument est le plus impensable de la planète, témoin vivant de la plus grande civilisation humaine. Je me souviens d’une scène surréaliste du passage de la flamme olympique à Paris. a droite de la rue, un cordon de manifestants arborant le drapeau remanié par rsf et celui du Tibet, et à gauche des étudiants et fils de diplomates chinois voulant parader. L’un d’eux s’était trompé de trottoir...pathétique ! Il semblerait que l’incident soit clos bien qu’il ait gravé les consciences. Le fait qu’ils investissent le bordelais déclare à quel point ils vénèrent nos produits locaux et surement qu’ils participeront à les défendre de façon bien plus soigneuse que les normes outre atlantique vache kiri...


  • slipenfer 13 juillet 2010 12:33

    Et Dieu sait si une femme qui n’est pas ravie au lit ne peut se sentir italienne à part entière !  smiley
    franchement c’est pas sérieux
    Melon devant,pastèque derrière,la femme italienne est délicieuse.  smiley


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