lundi 10 mars - par Olivier

Syrie : un pouvoir fragile face au défi de la justice

Après plus d’une décennie de guerre, la Syrie s’enfonce dans une instabilité toujours plus inquiétante. La chute du régime Assad n’a pas mis un terme aux violences : elle a libéré de nouvelles forces qui menacent de déstabiliser durablement le pays. Alors que des poches d’insurrection surgissent et que l’Iran manœuvre pour préserver son influence, le nouveau gouvernement peine à imposer son autorité. Mais au-delà du fracas des armes, un danger plus insidieux menace : l’absence d’un système judiciaire capable d’assurer justice et réconciliation. L’histoire du Cambodge après les Khmers rouges offre un avertissement cruel. Sans une réponse immédiate, la Syrie pourrait devenir un terrain fertile pour l’impunité, le chaos et de nouvelles violences.

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La Syrie, après plus d’une décennie de guerre, envoie un signal d’alarme inquiétant. La chute du régime des Assad n’a pas marqué la fin des violences, mais au contraire libéré des forces qui menacent de plonger le pays dans une instabilité encore plus profonde. Les luttes intestines se multiplient, opposant factions rivales, anciens partisans du régime et puissances étrangères en quête d’influence. Les récents affrontements dans le nord-ouest du pays témoignent non seulement de l’incapacité du nouveau gouvernement à asseoir son autorité, mais aussi du chaos rampant qui s’installe à mesure que la situation lui échappe.

La menace la plus immédiate réside dans l’insurrection des anciens loyalistes, notamment dans les bastions historiques du régime défait, comme Lattaquié et Tartous. Les forces de sécurité du gouvernement provisoire ont dû mobiliser en urgence des milliers de combattants pour reprendre le contrôle d’une situation qui leur échappait. Ces batailles ont non seulement mis en lumière l’existence de réseaux toujours actifs de partisans de l’ancien régime, mais aussi le soutien extérieur dont ils bénéficient.

L’ombre de l’Iran plane lourdement sur ces événements. Téhéran, qui avait investi massivement dans la survie du régime Assad, ne semble pas prêt à renoncer totalement à son influence en Syrie. La récente insurrection dans la région côtière s’est structurée autour d’anciens cadres militaires étroitement liés à l’appareil sécuritaire iranien et au Hezbollah libanais. Les armes et systèmes de communication utilisés par les insurgés laissent peu de doutes quant à leur provenance, et les nouvelles autorités syriennes doivent désormais faire face à une subversion orchestrée par un acteur extérieur déterminé à conserver ses positions stratégiques dans le pays.

Mais la plus grande menace qui pèse sur la stabilité du pays n’est peut-être pas celle des armes, mais celle du chaos judiciaire. Les exécutions sommaires qui ont suivi la reprise en main des villes insurgées ont entaché la crédibilité du nouveau pouvoir. Les massacres perpétrés contre des civils alaouites ont ravivé des tensions communautaires que l’on espérait voir s’apaiser. Ces exactions, souvent commises par des factions armées échappant au contrôle direct du gouvernement, démontrent l’urgence d’un rétablissement d’un système judiciaire efficace et impartial.

L’histoire du Cambodge après la chute des Khmers rouges est un avertissement que la Syrie ne peut ignorer. Après le renversement du régime sanguinaire de Pol Pot en 1979, le pays a sombré dans un vide judiciaire qui a permis aux anciens bourreaux de se fondre dans la population, parfois même de reprendre des postes de pouvoir. Pendant des décennies, l’absence d’un véritable processus de justice transitionnelle a nourri un sentiment d’impunité et empêché toute véritable réconciliation nationale. Ce n’est qu’en 2006, sous la pression internationale, que le Tribunal des Khmers rouges a été mis en place, bien trop tard pour restaurer pleinement la confiance du peuple cambodgien envers l’État.

Si la Syrie ne met pas en place rapidement un cadre judiciaire rigoureux et transparent, elle court le risque de voir les anciens responsables du régime Assad se réinsérer discrètement dans les structures du pouvoir, tout comme cela s’est produit au Cambodge. La population, fatiguée par la guerre, exige des garanties que les abus commis sous l’ancien régime ne seront pas simplement remplacés par d’autres, sous une nouvelle bannière. Si les crimes de guerre des loyalistes doivent être poursuivis, ceux commis par les forces du nouveau pouvoir ne peuvent être ignorés sans saper définitivement toute confiance dans l’État.

Dans cette lutte pour l’instauration d’un État fonctionnel, l’Union Européenne a un rôle clé à jouer. L’Europe, déjà confrontée aux vagues migratoires issues des conflits au Moyen-Orient, a un intérêt stratégique à stabiliser la Syrie en soutenant la mise en place d’un système judiciaire digne de ce nom. Aider à reconstruire des institutions judiciaires, former des magistrats et garantir des procès équitables sont des leviers essentiels pour empêcher la résurgence du chaos.

Dans un pays où l’ordre repose encore sur la force des armes, l’Europe a l’opportunité de démontrer qu’il existe une autre voie : celle de la justice et du droit. Ne pas s’engager dans cette direction, c’est laisser la Syrie aux mains de ceux qui préfèrent la guerre à la reconstruction, la vengeance à la réconciliation.



8 réactions


  • anaphore anaphore 10 mars 09:17

    Franchement qui doutait que les tarés de tous bords allaient s’en donner à cœur joie.... je ne donne pas cher de la peau du nouvel ’ homme fort ’ de ce qui fut un pays.


  • Gégène Gégène 10 mars 09:30

    Il a raison, le monsieur :

    vu le bordel que ça devient, il est plus qu’urgent d’aller s’en mêler smiley


  • charlyposte charlyposte 10 mars 10:18

    J’espère que sieur FABIUS va demander en urgence le retour de Bashar !


  • leypanou 10 mars 11:02

    Article d’une indigence sans pareil.

    Illustration : l’Europe a l’opportunité de démontrer qu’il existe une autre voie : celle de la justice et du droit

    . L’auteur a-t-il entendu parler de l’affaire Reiner Füllmich ?


    • Olivier Olivier 13 mars 14:22

      @leypanou
      Réponse d’une indigence sans pareil.
      Quel est le rapport avec un cabinet d’avocat qui fait son beurre sur des naïfs ?


  • Parrhesia Parrhesia 10 mars 20:06

    Il reste à trouver où ce pouvoir fragile trouve la force de massacrer les chrétiens et les Alaouites.


  • pemile pemile 10 mars 20:14

    Le projet SJS (Secure Justice Syria)

    Dans un contexte où des violations des droits humains doivent être documentées avec rigueur pour soutenir des procédures judiciaires, nos partenaires juristes sur le terrain en Syrie jouent un rôle déterminant. Ce projet leur fournira les outils et les compétences nécessaires pour collecter, sécuriser et transmettre au moins 100 preuves admissibles, qui pourront être utilisées dans des cas des futures procédures entamés en France.

    • Répondre à des besoins urgents :Les preuves recueillies à travers ce projet alimenteront directement des affaires qui seront engagées en France, dans l’Union européenne et aux États-Unis, renforçant ainsi leur robustesse juridique.
    • Garantir la souveraineté et la sécurité des données :Grâce à un réseau de communication chiffré et auto-hébergé en France, nous assurons une transmission sécurisée des preuves tout en protégeant leur confidentialité. Cela élimine les risques d’intrusion ou de manipulation par des tiers.
    • Résister aux environnements complexes :Notre infrastructure, déjà testée et validée en Guinée, est conçue pour fonctionner dans des contextes difficiles. Résistante aux coupures d’internet et aux restrictions sur les noms de domaine, elle garantit une continuité opérationnelle même dans les zones les plus vulnérables.
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    https://www.helloasso.com/associations/danaides/collectes/syrie


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