mardi 20 avril 2021 - par Sylvain Rakotoarison

Walter Mondale, le Biden de Reagan ?

« Disons la vérité : Ronald Reagan augmentera les impôts et je ferai pareil. Il ne vous le dira pas mais moi, je le dis. » (Walter Mondale, le 16 juillet 1984).

L’ancien Vice-Président des États-Unis Walter Mondale s’est éteint de vieillesse ce lundi 19 avril 2021 à l’âge de 93 ans (il est né le 5 janvier 1928), dans sa ville de Minneapolis, dans le Minnesota, dans le Midwest des États-Unis. On pourra lire sa trajectoire politique ici, militant démocrate, jeune poulain d’Hubert Humphrey dès l’âge de 20 ans et sénateur des États-Unis à 36 ans.

Walter Mondale fut candidat sur le "ticket" avec Jimmy Carter (qui a aujourd’hui 96 ans) aux élections présidentielles de 1976, représentant le Nord industrieux et l’aile gauche du Parti démocrate en complément du Sud rural et de l’aile centriste (Jimmy Carter, cultivateur de cacahuètes, fut le gouverneur de Géorgie). Après leur victoire sur Gerald Ford, le voici donc bombardé Vice-Président des États-Unis de 1977 à 1981. Un Vice-Président actif, faisant partie intégrante du gouvernement mis en place par Jimmy Carter. L’échec du même ticket en 1980, face à Ronald Reagan, a ouvert une période de douze ans de Présidence républicaine.

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Si on faisait un parallèle avec la vie politique américaine contemporaine, on pourrait alors imaginer Donald Trump candidat contre Barack Obama en 2012 et le battant. Car Ronald Reagan, acteur de série B et syndicaliste engagé dans le maccarthysme à Hollywood, avait peu de crédit politique malgré son élection comme gouverneur de Californie (l’acteur Arnold Schwarzenegger fut l’un de ses successeurs, trente ans plus tard). Il suffit de relire ce que la presse française disait de Ronald Reagan lors de son élection en 1980. Le clivage, qu’on a pu retrouver aux élections présidentielles de 2016, entre le cow-boy populaire et l’intello de l’establishment (ce que n’était pas Jimmy Carter mais l’étaient Walter Mondale et Hillary Clinton).

En poussant le parallèle encore quatre ans plus tard, Reagan sollicitant le renouvellement de son mandat en 1984 et Trump en 2020, Joe Biden s’est retrouvé dans la position de Walter Mondale, c’est-à-dire du dernier Vice-Président démocrate prêt à prendre la relève, faute de mieux.

Bien que soutenu par l’appareil de son parti, Walter Mondale a eu cependant beaucoup de mal à arracher l’investiture du Parti démocrate pour 1984, en raison de deux candidatures très médiatiques. D’abord, le flamboyant Gary Hart, trop peu expérimenté dans les débats politiques et qui n’a pas survécu, quatre ans plus tard, à un scandale sexuel (relativement "anodin", une infidélité conjugale, qui n’indique rien sur sa capacité à bien ou mal présider son pays). Ensuite, le jeune révérend Jesse Jackson (43 ans), de peau noire (faut-il le préciser ?), dont la campagne a beaucoup passionné certaines communautés du Sud. Le parallèle se poursuivrait avec la désignation, à la Convention démocrate de San Francisco en juillet 1984, de la première femme candidate à la Vice-Présidence, Geraldine Ferraro, la pendante de Kamala Harris en 2020.

Mais, comme toutes les analogies, le parallèle devient foireux lorsqu’on regarde les résultats. Si le ticket Biden-Harris a gagné plutôt de justesse les élections de 2020, le ticket Mondale-Ferraro, non seulement il a perdu, mais il a perdu très largement, l’une des défaites historiques du Parti démocrate, consacrant le triomphe de la Présidence de Ronald Reagan réélu avec près de 59% des suffrages.

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Le caractère erroné de l’analogie provient surtout du fait que Ronald Reagan fut un très grand Président des États-Unis, à une époque de dérégulation économique (parallèlement à Margaret Thatcher au Royaume-Uni), ayant dû gérer des tensions internationales extrêmes (brejnevisation de la guerre froide avec l’invasion de l’Afghanistan, développement du terrorisme islamique d’État à Téhéran, etc.) et ayant réussi, par la fermeté (programme IDS, par exemple), à faire gagner le camp des démocraties face au bloc communiste, ce qui lui a permis de voir avec bienveillance l’avènement de Gorbatchev en URSS et d’instaurer la détente des relations américano-soviétiques.

Rien à voir avec la Présidence folklorique et fantaisiste d’un égocentré obsédé des réseaux sociaux au staff à fort turn-over d’un Président plus instable que déstabilisant. On aurait pu imaginer Donald Trump réélu grâce à des résultats économiques plutôt encourageants, mais son incapacité à prendre dès le début les bonnes mesures pour endiguer la pandémie de covid-19 l’a électoralement desservi et depuis le début de la Présidence Biden, on voit à quel point une politique sanitaire pertinente peut avoir des résultats positifs rapides, en quelques mois.


S’il n’y avait pas eu la forte personnalité de Reagan, Walter Mondale aurait-il pu être élu en 1984 ? L’uchronie est un jeu de scénarios historiques qui n’a d’intérêt que littéraire et sûrement pas politique. La question repose sur : la cuisante défaite de Walter Mondale est-elle due à la grande force de son adversaire ? ou à l’incapacité du Parti démocrate à se renouveler ? ou à sa propre personnalité rejetée ? En fait, dans ce genre d’états des lieux, après une défaite, tout a dû compter en cumulé, au même titre que la défaite d’Hillary Clinton a eu de multiples causes.

L’un des arguments les plus porteurs de l’adversaire le plus dangereux de l’ancien Vice-Président aux primaires démocrates de 1984, à savoir Gary Hart, ce fut que Walter Mondale était un homme du passé, un homme du New Deal de l’époque d’avant-guerre, avec une politique progressiste très courante dans les années 1970 mais complètement rejetée dans les années 1980.

Peut-être que Reagan a conforté le candidat Joe Biden dans sa campagne près d’une quarantaine d’années plus tard : à près de 78 ans, Biden a en effet "battu" Reagan dans le record du doyen, comme le candidat le plus âgé aux élections présidentielles (Reagan, en 1984, n’avait "que" 73 ans, et Donald Trump, en 2020, avait 74 ans). Très bon communicant, Reagan avait ainsi coupé l’herbe sous le pied de son (jeune) contradicteur (56 ans) l’argument de l’âge, le 21 octobre 1984 : « Je ne ferai pas de l’âge un argument de campagne. Je n’exploiterai pas pour des raisons politiques la jeunesse et l’inexpérience de mon adversaire. ».

Toujours est-il que dans une série télévisée "American Dad !", le scénario a changé le cours des élections de 1984 avec la victoire de Walter Mondale et la soumission des États-Unis à l’URSS. Ce qui s’est nourri d’une image dégradée d’un homme politique probablement assez peu adapté aux temps nouveaux.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 avril 2021)
http://www.rakotoarison.eu



Pour aller plus loin :
Walter Mondale.
La vie de Walter Mondale.
Geraldine Ferraro.
Liz Taylor.
Trump, responsable de l’insurrection mais acquitté !

Georges Shultz.
Dick Cheney.
Joe Biden : enfin la démocratie restaurée !
Capitole : Trump et la dictature du moi.
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
De la Démocratie en Amérique.
USA 2020 : and the Winner is Joe Biden !
Il y a 20 ans : George W. Bush vs Al Gore.
USA 2020 : le suspense reste entier.
Bill Gates.
Albert Einstein.
Joe Biden.
Rosa Parks.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Benoît Mandelbrot.
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Bob Kennedy.

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4 réactions


  • Ben Schott 20 avril 2021 20:00

    Cet enfoiré n’a même pas eu l’élégance de crever du covid !...

     


  • Réflexions du Miroir Réflexions du Miroir 21 avril 2021 09:19

    Avec ce billet, je suis remonté dans l’histoire que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître.

    Jimmy Carter, un seul mandat. Un des présidents qui, dans l’ombre, travaillait depuis tôt le matin, jusqu’à tard le soir. Un OVNI qui devient Prix Nobel de la Paix 

    Aux Etats Unis, cela ne veut rien dire. C’est le bagout, la com et les médias qui déjà construisaient un président. La preuve avec Trump. 

    Mondale symbolise, au côté du sudiste Jimmy Carter, le nord industriel, progressiste et syndical en premier vice-président « moderne » du pays.

    Mais ce pays n’est « moderne » que dans les extrêmes Est et Ouest.

    En 84, il désigne pour la première fois, une femme comme co-listière et en plus ose dire qu’il ordonnera une hausse des impôts s’il est élu.

    Il faut être fou pour annoncer cela dans un tel pays où le pognon est une raison d’être..

    Dans les années Clinton, il devient ambassadeur au Japon.



    • chantecler chantecler 21 avril 2021 09:44

      @Réflexions du Miroir
      "Il faut être fou pour annoncer cela dans un tel pays où le pognon est une raison d’être..

      "
      Sans doute , mais ça ne vaut pas F. Fillon qui déclare tout de go en présentant son programme de 2007, qu’il va se passer de 500 000 fonctionnaires ...
      Ben lui le premier a été blackboulé .
       smiley
      Cela dit il semble que J. Carter ait été un bon et exceptionnel président .
      Par contre R.Reagan ...., en phase avec M. Thatcher .... !
      Néolibéralisme et mondialisation .
      Bref la cata .


    • chantecler chantecler 21 avril 2021 09:44

      Oups 2017


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