Zimbabwe : l’embargo, une arme fatale pour le président Mugabe
Les chaînes de télévision occidentales habituées à diffuser
et relater les calamités plutôt que les merveilles d’Afrique, ne ratent pas
l’occasion de relater la descente aux enfers et l’image de fin de règne de
Mugabe, président du Zimbabwe, autrefois considéré comme l’un des leaders du
Mouvement non-aligné et figure emblématique de la libération du Mouvement noir
en Afrique. Régulièrement, les chaînes occidentales présentent une situation
économique du Zimbabwe plus que désastreuse : une inflation qui frôle les
150000 %, une fuite régulière des cerveaux, une émigration journalière de plus
de 1500 personnes à la recherche de quoi manger ; et la tendance est loin de s’estomper.
Les télévisions occidentales ne cessent de montrer régulièrement la file
d’attente de la population zimbabwéenne devant la distribution de rations
alimentaires effectuée par le Programme alimentaire mondial et diverses
Organisations non gouvernementales.
Un pays autrefois grenier de l’Afrique est maintenant montré dans toutes les chaînes occidentales comme le pays sans vie et où, sans le concours des organismes internationaux, il n’y aurait personne en vie.
Mais Mugabe ferme les yeux et refuse de voir la réalité en face. Il s’entête, à tort ou à raison, c’est discutable. A force de toujours considérer les Occidentaux, appelés communément "White Men", comme boucs émissaires, cela commence à lui coûter très cher. Le Zimbabwe, un pays sans véritable enjeu stratégique majeur pour les Occidentaux, ne tenait sa renommée que de la présence d’une minorité de Zimbabwéens de race blanche, qui, avec la spoliation de leur terre et la publicité faite par les média anglo-saxons, avaient fait que la population occidentale s’en intéresse.
Le bruit, tapage et jeux des mots lancés par Mugabe à l’ex-Premier Ministre britannique Tony Blair et vice versa, a permis aussi à la majorité des pays occidentaux de connaître ce pays. Le sommet France-Afrique, où Mugabe l’anglophone participait, lui a permis aussi d’accroître sa renommée dans le monde occidental, plus son intervention dans la guerre du Congo.
Cependant, à force de considérer les Occidentaux comme boucs émissaires et de se mettre à dos les opposants qu’il accuse de servir de marionnettes aux "blancs", il s’est éloigné de la réalité du pays. Un héros de l’indépendance, qui fût proche des blancs, fait semblant de ne rien comprendre. L’embargo que lui ont imposé ces blancs est devenu comme une maladie cancéreuse. Elle ronge le pays petit à petit jusqu’à sa disparition. Ce président refuse de lire l’histoire des présidents qui ont difficilement survécu à l’embargo. Il devrait se souvenir du feu président Mobutu du Zaïre, que l’embargo international, précisément occidental, a privé de toute manœuvre pour contrer la descente aux enfers de son pays.
La guerre du Congo ne viendra que chasser un homme déjà affaibli par plusieurs années d’embargo économique et militaire. Malgré sa renommée et la confiance que la population porte en lui, il fut chassé du pouvoir comme une mouche par feu Kabila, autrefois présenté comme un petit trafiquant d’or venu de la Tanzanie. Mobutu, un personnage adulé et respecté dans le monde occidental, vit son règne s’effondrer comme un château des cartes. Et l’embargo ne fut pas étranger à son éviction rapide du pouvoir.
Au Burundi, le pouvoir longtemps dominé par une minorité tutsi depuis 1972 et qui refusait d’accepter d’ouvrir les négociations avec la rébellion hutu considérée comme incapable de gérer le pays, n’a fini par accepter les négociations qu’après l’embargo fixé par les pays de la région d’Afrique australe avec la bénédiction des Américains. Heureusement, le président Buyoya de l’époque eut la sagesse d’accepter le fait accompli et d’ouvrir les négociations avec la rébellion, actuellement au pouvoir. Il a jusqu’à présent survécu à son pouvoir et, par sagesse, s’est maintenant reconverti dans le privé. Le gouvernement génocidaire du Rwanda en 1994, ne savait pas que pour gagner la guerre, le nombre ne suffisait pas, mais plutôt la bonne stratégie de guerre de ses combattants. Malgré une formation reçue des pays occidentaux, l’armée de feu Habyarimana ne parvint pas à contrer les assauts de la rébellion tutsi. Si les massacres dont fut accusée cette armée ne leur servirent d’aucun soutien occidental, l’embargo occidental aussi sur les armées leur fut fatal et provoqua leur fuite vers les pays voisins. La Libye de Kadhafi a eu de la chance ; si le régime de Kadhafi a survécu à l’embargo occidental, il devrait remercier la nature qui lui a octroyé des ressources pétrolières, élément essentiel qui divise souvent la politique étrangère des pays occidentaux.
En dehors de l’Afrique, les exemples ne manquent pas des pouvoirs qui n’ont pas survécu à l’embargo. Le régime irakien croyait qu’avec ses immenses ressources pétrolières, il parviendrait à diviser et à affaiblir la mobilisation occidentale contre lui. Il y parvint à court terme, mais à long terme cette stratégie ne réussit pas, puisque les Anglo-saxons savaient se montrer patients et attendre leur heure. L’embargo contre le régime de Saddam Hussein a non seulement transformé un pays autrefois exportateur de produits alimentaires en importateurs rationnés, mais le tissu économique et social s’effondra au compte-gouttes. Et par son entêtement et son aversion au pouvoir, il ne parviendra pas à comprendre que l’heure des Occidentaux viendra où il n’aura même pas le temps de résister. La guerre de l’Irak fut une guerre-éclair. Un régime considéré comme un des plus forts de la région fut facilement déchu. Comme les Anglo-saxons refusent de voir quelqu’un survivre à leurs yeux, Saddam Hussein fut exécuté par pendaison.
Est-ce que le président Robert Mugabe n’a jamais pensé que ce qui est arrivé à ses compères peut aussi lui arriver ? Cet embargo qui vient de mettre tout un pays à genoux ne risque-t-il pas de balayer ce président sénile au risque de plonger son pays dans le chaos, même après sa mort ?
Un président jadis considéré comme héros et dieu vivant dans la communauté noire sud-africaine, commence à agacer ces mêmes populations noires quand elles voient leurs voisins zimbabwéens quémander dans les quartiers chics sud-africains de la nourriture.
Fini le héros des indépendances et de la lutte contre la domination blanche en Afrique australe. Tout ce que veut la majorité des zimbabwéens et des autres populations de la région est que cet homme de plus de quatre-vingt ans s’efface, en espérant que la population zimbabwéenne pourra retrouver la dignité d’autrefois.
Mugabe, avec son âge, est peut-être en train de se dire qu’il n’a rien à perdre et qu’il a déjà fait son temps. A ses successeurs de se débrouiller avec les Occidentaux. Et nous espérons que la disparition de Mugabe ne plongera pas ce pays dans une guerre civile à l’instar, autrefois, d’autres pays comme le Congo, le Rwanda, Burundi et l’Irak.