lundi 29 mai 2006 - par Phil

Blogs de journalistes : la liberté de ton retrouvée

Les blogs de journalistes se multiplient, et l’on assiste à la naissance d’une liberté nouvelle. Affranchie des contraintes éditoriales habituelles. Gonzo, mais pas trop.

Jean-François Guyot, reporter à l’AFP, recense les blogs de journalistes à l’occasion du Festival de Cannes. Impressionnant. Pas moins de huit blogs, et encore il en a oublié (celui du magazine Fémina, notamment).

Il y a peu, un étudiant en journalisme me demandait si ces blogs, animés par des professionnels de l’information, répondaient à un effet de mode... Ma réponse a été très claire :

"Non, je pense que les journalistes ne pourront plus s’en passer dans un avenir proche. A cause de la relation avec les lecteurs. Les journalistes ne peuvent plus se placer sur un piédestal et diffuser de l’info. Ils sont désormais au milieu de l’agora virtuelle du Net, et échangent à égalité avec leur lectorat. C’est un des effets important de la révolution en cours".

LE PLAISIR D’ÉCRIRE AUTREMENT

Une réponse certes un peu lapidaire. J’aurais pu ajouter que les journalistes redécouvrent la liberté de ton, le plaisir d’écrire autrement. Pourquoi ? Parce que sur un blog, l’envoyé spécial du Monde ou de Télérama est son propre éditeur. Il n’est plus soumis à sa hiérarchie, à l’oeil critique d’un chef de service, ni au coup de patte d’un secrétaire de rédaction pointilleux (pléonasme), à l’humeur tranchante d’un rédacteur-en-chef soucieux de ménager la chèvre et le chou, ou bêtement d’un actionnaire (c’est bête, pas vrai ?).

Bref, toutes ces contraintes qui enchâssent le reporter de base dans un cadre convenu, que l’on nomme aussi "ligne éditoriale".

Sur les blogs, les journalistes redécouvrent la relation directe avec les lecteurs (si tant est qu’ils aient jamais eu une relation avec eux. Ce n’est pas toujours le cas). Et ces lecteurs, qui font la démarche d’aller sur le blog (comme on achète son journal au kiosque), donnent leur avis, critiquent le critique, auscultent chaque mot, enrichissent les textes en informations, s’insurgent ou applaudissent. Bref, ils commentent - chacun leur tour s’il vous plaît - et créent la vie autour d’un événement. Des liens de proximité se tissent...

UN TON DÉBRIDÉ

Certains blogs de journalistes - installés depuis des mois, des années maintenant - fédèrent autour d’eux de véritables communautés : c’est le cas de Corine Lesnes, Guy Birenbaum, Francis Pisani, Olivier Bonnet, Pierre Assouline ou encore Benoït Raphaël pour ne citer que mes favoris. Il y en a évidemment beaucoup d’autres. En revanche, les blogs journalistes du Festival de Cannes n’affichent en moyenne que peu de commentaires. Le signe, sans doute, qu’il faut laisser du temps au lecteur pour qu’il "signe" un commentaire... Il serait bon, sans doute, que ces blogs-événements perdurent.

Reste que "l’an prochain, la revue de presse officielle du Festival devrait intégrer au moins les blogs des journalistes les plus influents", indique Jean-François Guyot. Autrement dit, les blogs sont d’ores et déjà intégrés comme des médias à part entière, ce n’est pas rien.

Peut-être assiste-t-on à la naissance d’un nouveau ton journalistique. Plus proche du journalisme Gonzo, débridé et à la première personne. Il faut le souhaiter...



11 réactions


    • Phil Philippe Gammaire 29 mai 2006 11:02

      « Ca me plaît me plaît...ce fichu billet » : c’est le principal. Pour le reste du commentaire, j’avoue Demian que je n’ai pas tout compris (sans vouloir vous offenser). Mais ça avait l’air sympa, enfin je crois.


    • zen (---.---.7.149) 29 mai 2006 13:26

      Pas de souci...A certaines heures de la journée, Demian se veut sibyllin. Mais il lui arrive de produire des discours cohérents et compréhensibles par tous.


  • zoï (---.---.58.60) 29 mai 2006 15:09

    Merci de nous fournir ces liens : en tant que lecteur des biographies écrites par Pierre Assouline, je suis heureux d’apprendre qu’il y a aussi un blog à son nom.


  • toto (---.---.235.231) 30 mai 2006 00:43

    Moi j’ajouterai qu’il n’est pas bon d’oublier ceux qui dans d’autres pays pour mille et une raisons ne peuvent meme pas lire ou ecrire une phrase sur une page du net.

    Alors pensons un peu à ceux-là aussi . Il ne faut pas les oublier.

    Les blogs ont eu aussi du succès car ils ont démontrer qu’ils pouvaient aussi etre solidaire.


    • Phil Philippe Gammaire 30 mai 2006 09:08

      @ Toto : certainement. Je crois qu’il y a autant de sujets de blogs (y compris des blogs solidaires ou humanitaires) qu’il y en a dans la « vraie vie ». Simplement, ce n’était pas le sujet de l’article.


  • L'enfoiré L’enfoiré 30 mai 2006 10:03

    Bonjour, Fin 2005, en réaction à l’intervention d’un journaliste à la télévision belge, j’écrivais « Concurrence bloguée » (URL) pour exprimer les différences majeures qui existaient entre un journaliste et un blogueur. A mon avis, il y fallait voir plus un complément qu’une concurrence. Votre article semble confirmer mon impression. Les journalistes qui jouent de plus en plus sur les deux tableaux pour exprimer un peu plus intimement leurs propres idées. Je n’y vois que du bien. Ils sont aussi citoyens à part entière. Quant au commentaire de toto et à votre réaction, je ne suis pas vraiment d’accord de placer le sujet hors propos. Le partage des idées devrait être mondial. Combien d’idées fausses ou filtrées nous parviennent et idées qui pourraient compléter utilement nos avis. Cordialement


    • Phil Philippe Gammaire 30 mai 2006 10:38

      En réalité, j’adhère au propos de Toto mais je pense que c’est un autre débat - tout aussi intéressant d’ailleurs (désolé d’avoir été abrupt dans ma réponse). La « fracture numérique » existe au demeurant aussi dans notre pays. A noter l’initiative de Nicholas Negroponte (MIT) qui a créé le « Laptop » à 100 dollars, l’ordinateur du pauvre en quelque sorte. Francis Pisani en parle ici : http://pisani.blog.lemonde.fr/pisani/2006/03/bill_gates_lind.html#comments Voilà quelqu’un qui oeuvre concrètement au partage mondial des idées. A propos de journalistes et blogueurs, vous parlez de complément. Entièrement d’accord, j’ai même envie de dire « valeur ajoutée ». Tant il est vrai que les commentaires peuvent enrichir le texte de base. Mais c’est également l’expression même des journalistes sur les blogs qui est modifiée, plus intime comme vous le notez justement. Cordialement


  • Ici et maintenant (---.---.178.8) 4 juin 2006 21:53

    Lu sur http://blogonautes.blogomaniac.fr/ Depuis l’explosion de la blogosphère, la question des conséquences sur le journalisme traditionnel se pose régulièrement. Deux articles viennent apporter leur contribution au débat.Dans Le ’e-journalisme citoyen’ fait peur aux patrons de presse, publié sur Silicon.fr, Yves


  • Kid (---.---.243.253) 10 janvier 2007 13:46

    Bravo pour votre travail.C’est une bonne contribution aux multiples questions, débats...sur le métier. Aujourd’hui, j’ai appris quelque chose, ce qui n’est pas toujours le cas, loin s’en faut, avec nos interlocuteurs sur le terrain dont on pourrait écrire les réponses avant même d’avoir posé la question. Peut-être assiste t-on à l’émergence d’une tendance, ou plutôt à la résurection de la profession, ce serait souhaitable. Bien souvent, dès lors que l’on évoque le « parler vrai », il y a mensonge sous roche. Il suffit d’écouter les commentaires de nos politique sur la langue de bois, plutôt stupéfiants, lorsqu’on la parle pour la dénoncer et s’attirer quelques sympathie chez ses adversaires du premier degré. Mercie encore. Question : Jack London ne serait-il pas l’un des premiers grands journalistes gonzos ?


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