jeudi 3 juillet 2008 - par Jean Claude BENARD

Citizen (Kane) Sarkozy

Le patron du groupe audiovisuel public a réclamé ce mercredi des garanties budgétaires pour France Télévisions du fait de l’arrêt de la publicité. Il qualifie de "stupide" les critiques sur son groupe, y compris celles de Nicolas Sarkozy. Et il évoque à mots couverts son possible départ.

"Jamais je ne soumettrai un quelconque concept d’émission à un quelconque visa venu de l’extérieur de l’entreprise. Que cette chose soit dite, elle est claire et simple", a-t-il insisté.

Le chef de l’Etat de son côté lui tient le langage suivant (piste lancée au mois de janvier) :

"En supprimant la publicité, nous voulons donner à notre télévision publique les moyens d’une plus grande liberté. La publicité, c’est pas mal, mais la publicité a une logique. Ce n’est pas pour vous faire plaisir, à vous les dirigeants du service public, que des investisseurs achètent des écrans publicitaires. C’est pour rencontrer certains téléspectateurs qu’on voit comme des consommateurs. Et la publicité amène à la tyrannie de l’audience quart d’heure par quart d’heure et à la ménagère de moins de 50 ans." Source Rue89

Fort émoi dans l’opposition et même dans des milieux pourtant d’habitude peu revendicatifs. Certains parlent même de la remise en place d’un "ministère de l’Information" informel.

Mais de quoi parlent-ils ?

Il faut en effet avoir plus de 50 ans pour se souvenir que le général de Gaulle avait de curieuses pratiques avec les médias. Homme de guerre et de pouvoir, de Gaulle fut également un pionnier de l’utilisation des médias télévisés. Il mit un temps à la tête d’un secrétariat d’Etat puis d’un ministère de l’Information Alain Peyrefitte qui exerçait tout simplement la fonction de censeur de l’audiovisuel.

Ceux qui seraient trop jeunes pour avoir connu cette époque pourront trouver beaucoup d’information à ce sujet en consultant l’ouvrage d’Aude Vassalo : La Télévision sous de Gaulle, le contrôle gouvernemental de l’information 1958-1969. De large extraits sont disponibles en ligne.

Seulement, l’erreur serait de croire que le départ de "Mon Général" mis fin à ce ministère qui aujourd’hui continue d’exister sous des cieux dictatoriaux. Il serait tout aussi malhonnête de dire ou penser qu’il en était l’inventeur. Une simple recherche sur l’ami Wikipédia nous indique les noms et durée dans ce "beau ministère" depuis... 1938

* 13 mars 1938 - 10 avril 1938 : Ludovic-Oscar Frossard

* 21 mars 1940 - 5 juin 1940 : Ludovic-Oscar Frossard

* 5 juin 1940 - 16 juin 1940 : Jean Prouvost

* décembre 1940 - 2 janvier 1941 : Paul Baudoin

* 25 février 1941 - 12 août 1941 : Henri Moysset

* 12 août 1941 - 18 avril 1942 : Paul Marion

* 18 avril 1942 - 20 août 1944 : Pierre Laval

* 24 septembre 1941 - 28 juillet 1942 : André Diethelm

* 28 juillet 1942 - 7 juin 1943 : Jacques Soustelle

* 7 juin 1943 - 10 septembre 1944 : Henri Bonnet

* 10 septembre 1944 - 30 mai 1945 : Pierre-Henri Teitgen

* 30 mai 1945 - 21 novembre 1945 : Jacques Soustelle

* 21 novembre 1945 - 26 janvier 1946 : André Malraux

* 2 juillet 1950 - 12 juillet 1950 : Jean Letourneau

* 12 juillet 1950 - 11 août 1951 : Albert Gazier

* 11 août 1951 - 8 mars 1952 : Robert Buron

* 17 mai 1958 - 1er juin 1958 : Albert Gazier

* 12 juin 1958 - 7 juillet 1958 : André Malraux

* 7 juillet 1958 - 8 janvier 1959 : Jacques Soustelle

* 8 janvier 1959 - 5 février 1960 : Roger Frey

* 5 février 1960 - 24 août 1961 : Louis Terrenoire

* 28 novembre 1962 - 8 janvier 1966 : Alain Peyrefitte

* 6 avril 1967 - 30 mai 1968 : Georges Gorse

* 30 mai 1968 - 10 juillet 1968 : Yves Guéna

* 5 avril 1973 - 23 octobre 1973 : Philippe Malaud

* 23 octobre 1973 - 24 mai 1974 : Jean-Philippe Lecat

Si effectivement le poste disparaît en 1968, il reprend sa place de 1973 à 1974 sous la présidence de Georges Pompidou pour disparaître définitivement. Alors, quelle mouche a piqué notre actuel président alors qu’il ne manque pas dans les médias classiques comme audiovisuels des thuriféraires prêts à le défendre ou le valoriser ?

Tout d’abord réussir un coup double comme il les aime. Mettre en difficulté l’opposition de gauche (qui en a souvent parlé sans jamais passer à l’acte) tout en aidant TF1 (et accessoirement M6) à récupérer des ressources publicitaires.

Là où son machiavélisme en prend un coup, c’est d’abord parce dans son camp, plusieurs élus et spécialistes savent pertinemment que le montage financier est une gigantesque "usine à gaz" qui ne permettra pas d’assurer à terme la survie des médias audiovisuels publics. De plus, alors qu’une augmentation de la redevance aurait été logique, mais aurait "plombé" un peu plus le pouvoir d’achat promis, le projet de taxe sur les opérateurs téléphoniques ou d’accès à l’internet risque d’être rejeté par la Commission européenne auprès de laquelle les opérateurs envisagent sérieusement de déposer un recours (qui a toutes les chances d’aboutir).

La réalité est bien plus prosaïque : notre chef de l’Etat gère la France comme il gérait sa commune, puis sa circonscription et son Conseil général, en faisant tout lui-même et surtout en gérant les vieilles rancunes accumulées pendant les années passées à attendre le titre suprême.

L’argument "l’Etat en tant qu’actionnaire doit pouvoir nommer le président de l’audiovisuel public" est une manipulation de plus pour contrôler un levier de plus.

Le pire dans cette attitude ? Dans ce mode de gouvernance ? C’est de croire que les Français sont crédules au point de céder aux sirènes d’une communication ou d’une propagande organisée. Le dernier sondage LH2 que nous avons cité dans un précédent article montre que l’appropriation des outils de communication ne fait pas oublier le vide sidéral de projet pour la France de demain. Notre président lui-même semble l’avouer lorsqu’il fait planer une incertitude sur le fait d’effectuer un autre mandat au terme du premier.

L’homme est heureux. Heureux de son poste, de son épouse, de ses amis. Rien ne doit pouvoir venir entacher ce bonheur, même pas un ou une journaliste de rédaction régionale.

Une fois qu’il aura réalisé tout ou (grande partie) de ses objectifs, il ne pourrait semble-t-il y avoir qu’une place de président du monde qui représenterait un challenge à sa hauteur.

Malheureusement pour lui et pour nous, la fonction reste à inventer. En attendant, il nous reste quatre ans pour découvrir les recettes et secrets de "Nicolas tout-puissant".

Crédit et copyright image

JIHO

 

 



8 réactions


  • tvargentine.com lerma 3 juillet 2008 10:23

    FRANCE TELEVISION pourrait etre un groupe privée aujourd’hui !

    Pourquoi devrions nous accepter de financer ce groupe pour produire autant de mauvaise qualité particulièrement sur FRANCE 2 et FRANCE 3

    La qualité devrait être à l’image de FRANCE 5 et FRANCE 4

    Le choix de la publicité et de l’organisation que cela entraine dans une société déphase complétement l’objectif de produire une télévision publique de qualité

    Aujourd’hui à FRANCE2 le choix c’est le ratio "part de marché publicitaire" et non le citoyen qui verse une redevance

    Remettre la notion de service publique et produire des programmes qualité cela existe et nous le voyons sur FRANCE 5,sur ARTE et sur FRANCE4 sans que cela ne coute beaucoup d’argent

    Visiblement vous n’aimez pas le Président,libre à vous mais vous devriez éviter d’écrire autant de propagande anti-sarkozy car même les gens qui ne partagent pas les idées du Président ne pensent pas
    comme vous


    • Jean Claude BENARD Jean Claude BENARD 3 juillet 2008 10:33

      Dieu merci. J’ai eu le baptême du Lerma du jour !!!

      Bon, les autres peuvent commencer à commenter

      Au revoir Lerma


    • Traroth Traroth 3 juillet 2008 14:14

      "car même les gens qui ne partagent pas les idées du Président ne pensent pas
      comme vous" : Si !


    • Vieux Sachem 4 juillet 2008 10:45

      @ Lerma
      Visiblement, vous souhaitez une télévision de service public avec des programmes qui n’intéresseront que l’élite comme France5 ; est-ce le but d’une société de service public de faire fuir son audience vers TF1 et M6 ?
      C’est peut-être ce que vise d’ailleurs votre vénéré Président bien-aimé !
      Les programmes actuels de France2 et France3 sont trés bien parce que "équilibrés". Assurément, cet équilibre ne vous plait pas, vous préférez "la voix de son maître". Rendez-nous SVP la"Chance aus Chansons" : il y a et il y aura de plus en plus de séniors en attente de distraction pour vivre leurs dernières années. Peut-être nous considérez-vous comme des "vieux cons" ? Je partage à ce sujet l’avis sensé de Brassens qui ne doit pas être votre copain, car il ne craint pas d’étaler sa vérité, notre vérité, votre vérité.


  • morice morice 3 juillet 2008 10:52

     la France est gérée comme une start-up !!! 


  • Traroth Traroth 3 juillet 2008 13:54

    "Malheureusement pour lui et pour nous, la fonction reste à inventer" : J’aurais dit "Malheureusement pour lui, mais heureusement pour nous"...


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 3 juillet 2008 20:20

    Ca fait quand-même cinq commentaires ...


    • Jean Claude BENARD Jean Claude BENARD 4 juillet 2008 09:58

      Rocla,

      Oui j’en suis également surpris. Néanmoins, lorsque celui qui est en cause traite son opposition (politique et sociale) par le plus grand des mépris, la lassitude s’installe avant de devenir de l’apathie.


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