lundi 26 décembre 2005 - par L’enfoiré

Concurrence bloguée ?

Les médias officiels annoncent très clairement q’ils n’apprécient pas du tout les blogs. Une image de concurrence déloyale est mise en avant pour appuyer leur sentiment.

Ce mardi encore, au cours du journal télévisé, les médias s’inquiétaient. Après une séquence présentant les blogs comme concurrence à la presse officielle, le présentateur n’a pas manqué de conclure : « Mais nous nous défendrons ».

Les blogs, ce nouveau journalisme citoyen qui surgit à la vitesse d’un blog par seconde, déplaît, manifestement.

Pour quelle raison ?

La chasse à l’information est chasse gardée, et ne peut sortir de l’enceinte des journalistes qui sont payés pour apporter aux lecteurs, aux auditeurs et aux télespectateurs la meilleure matière possible quand il s’agit de relater les événements du monde.

Le but de ce nouveau mode d’expression n’est pas, d’après moi, d’informer, comme la presse en a le devoir par essence, mais plutôt, comme la "pire" concurrence, de réagir à l’information avec ses propres sentiments, en y ajoutant une note moins objective peut-être, mais qui se rapproche plus de l’individu. La subjectivité bien comprise par le lecteur n’est pas un mal en soi. Pourquoi avoir peur de ce besoin de présence des citoyens ? Les habituels ténors politiques ou autres sont les bienvenus auprès des médias pour exprimer leurs états d’âme sur la politique et leur croyance dans le parti qui les abrite, à condition qu’ils soient dans la ligne du parti de la rédaction.

Les budgets nécessaires à la recherche de l’information ne sont pas à la portée du commun des mortels. Donc, pourquoi cette phobie ?

A côté d’une grande partie des blogs qui ne sont, il faut bien le dire, que des photos familiales, il existe du bon, du très bon, et refuser leur entrée gratuite dans la chaîne de l’information serait une preuve de non démocratie.

La presse doit vendre ses journaux, doit donc chercher la plus grande audience, et flatter un peu son auditoire et son lectorat.

Les blogueurs n’ont pas cet impératif. L’audience de qualité est leur plus vif attrait. La forme qui lui apportera le plus de plaisir dans les contacts et les réactions de ses lecteurs sera sa plus grande satisfaction, sans penser au côté "business"..

À cause de la prolifération des appareils photographiques, que l’on caractérise commercialement comme professionnels, les photographes auraient-ils perdu la place qu’ils occupaient dans le champ des faiseurs d’images ? Les photographes de plage, à l’affût de couples amoureux, oui, certainement. Les photographes de belles images chocs, ou ayant une âme, resteront à portée des déclics de professionnels. L’imagination pure, déployée sur les bases d’un enseignement, restera toujours au pouvoir.

Les hobbies et les obligations de réparer et de restaurer son logis avec le budget le plus serré possible ont également apporté un mauvais coup aux professions associées. Sont-elles devenues obsolètes, ou moins sollicitées pour autant ? La réalité porte à croire qu’il n’en est rien, quand on voit le délai nécessaire pour apporter remède à nos petits problèmes.

Ma manière de "bloguer" ne correspond pas nécessairement à une volonté de réagir d’une manière urgente à l’actualité, comme le fait la presse.

Bien au contraire, je veux prendre plus de recul, associer les événements qui ne sembleraient pas liés de prime abord, ajouter un peu de subjectivité à l’objectivité, pratique interdite à tout journaliste...

Telle est ma vision des blogs.

Alors, concurrents ?

Non, complémentaires, simplement.



8 réactions


  • (---.---.126.31) 26 décembre 2005 12:16

    Les grands médias actuels (TV, radio et presse) sont des médias d’opinion. Ils abordent leurs « communications » (car ce n’est pas seulement de l’information) de manière clairement subjective.

    Les blogs font de même. Mais sur Internet, tout le monde a la parole.


    • L'enfoiré L’enfoiré 28 décembre 2005 14:22

      Il y a une différence majeure : les sources. Pour le journaliste, l’objectivité ne dépend que d’elles. Si le journaliste donne une information subjective, il sera un « blogueur déguisé ». Un journaliste doit protéger ses sources pour pouvoir les garder pour un article suivant. Le blogueur informatif doit se référer à elles de manière explicite pour rester crédible.


  • phil.franco (---.---.129.108) 27 décembre 2005 00:57

    les médias vont-ils prendre conscience qu’il ne font plus que recopier les autres médias pour faire leur information ? et arrêter de considérer l’opinion des medias comme étant l’Opinion ?


  • (---.---.245.34) 27 décembre 2005 16:43

    oui je trouve que c’est très bien toute cette émergence du public - qui parfois écrit même de manière plus intéressante que certains journalistes ayant été formatés dans leurs études.

    On sait que le journal TV est scénarisé pour faire de l’audimat.

    Le citoyen se rend bien compte qu’à l’instar du politique, le journaliste fait un boulot qui s’apparente de plus en plus à de la m.... (oui bcp de copier-coller). S’ils ne vendent plus leurs journaux, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes car leurs articles sont de plus en plus insipides, sans fond, sans sens critique, de la pure langue de bois. Les journalistes sont de plus en plus frileux et sans intérêt ; la noblesse de ce métier est à reconsidérer. Le ghetto de la presse s’en va en fumée et c’est tant mieux dans un sens.


  • JC Morand (---.---.24.226) 28 décembre 2005 12:19

    Attention, il y blog et blog. Je ne pense pas que les journalistes professionnels viseront ceux qui emettent des idées originales, des commentaires qui apportent une réelle valeur ajoutée ou diffusent un scoop.


    • L'enfoiré Guy Van Rinsveld 28 décembre 2005 14:10

      Si je vous suis, les journalistes viseraient par leur aversion tout ce qui n’est pas intéressant, original ou innovant à leurs yeux ? Seraient ce les albums de famille ? Ils n’en ont certainement rien à cirer. Je ne vois qu’un seul point qui pourrait énerver : le scoop qui arriverait dans un blog avant leur propre info officiel. Là encore, je ne vois pas beaucoup d’occasions possibles pour permettre au blogueur d’entrer dans ce jeu là.


    • L'enfoiré L’enfoiré 2 janvier 2006 09:06

      Le talent de l’écriture se découvre d’entrée de jeu pendant les études. Le diplôme de journaliste en poche, alors oui, on peut revendiquer une place en tant que tel. Des talents d’écrivain sont par contre quelque chose qui se découvre pendant la vie. Pas de branche à l’université spécifique. Le seul jury est celui qui achète votre bouquin ou non. Je ne suis ni l’un ni l’autre actuellement. Seulement quelqu’un qui observe et réagit à l’info.


  • HKac HK 2 janvier 2006 17:57

    Bonjour, Oui, les journalistes devront effectivement apprendre co-exister avec un journalisme populaire et alternatif sans règles explicites tel qu’il peut être véhiculé par les blogs.

    Pour ma part, et ça n’engage que moi car je suis loin d’être Madame Irma, je pense que le journalisme professionnel tendra à se réorienter vers du contenu d’analyse plus fouillé, vers de la véritable investigation, vers des dossiers thématiques. Dans ce scénario, ce type de journalisme qui nécessite du temps d’analyse de journalistes et beaucoup de moyens laisserait une place royale aux supports hebdomadaires. Sur ce créneau le Canard enchaîné est imbattable depuis des décennies. C’est l’un des rares journaux d’investigation indépendant en France qui semble marcher.

    Là où il va y avoir des grincements de dents c’est au niveau des supports quotidiens. En effet, la « presse » quotidienne est très menacée par :
    - leurs propres versions en ligne (cannibalisation volontaire ?),
    - la presse qutodienne gratuite,
    - les fils d’actus des agences de presse,
    - et bien sûr, comme évoqué par vous tous ici, par les bloggeurs.

    Et puis, en troisième lieu, il y aura aussi de l’information quasiment en temps réel si des moyens de syndication encore plus rapides voyaient prochainement le jour, par exemple une sorte de Blog 2.0 qui indexerait du contenu en quelques secondes. Une sorte de mix de Blog et de Chat (IM). Dans ces nouveaux supports, il serait également possible de publier des instantanés pris avec les téléphones mobiles, de petites séquences vidéos, de la voix (technologies Text2Speech), des SMS-Web. De l’hyper blog en puissance en quelque sorte. Ici, ce seraient aussi les photographes professionnels et les reporters qui se verraient marcher sur leurs pieds par des amateurs.

    L’impact socio-économique de ce changement de paradigme, si on peut dire, pourrait aller bien au-delà de la profession journaliste pour également concerner sérieusement toute la chaîne des arts graphiques, des imprimeries et des métiers satellites dépendant encore fortement de la technologie « papier ». Voyez aussi au sein d’AgoraVox, plusieurs auteurs sont journalistes y compris professionnels. Ils se préparent déjà à cette évolution irrémédiable en diversifiant leurs supports et leurs audiences. Des journalistes qui ont de l’instinct de survie. Bonne journée à tous.


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