mardi 12 novembre 2013 - par Hicham Hamza

Des milliers de morts aux Philippines : Le Parisien retire son « titre honteux » sur l’absence de victimes françaises

Ethnocentrisme. Au lendemain du passage dévastateur d’un super-typhon aux Philippines, plusieurs journalistes français ont braqué le projecteur sur le nombre de morts éventuels parmi leurs compatriotes. Démonstration.

"Pas de français parmi les victimes" Votre titre est honteux. C’est tout à fait secondaire par rapport aux morts, aux dégâts, à la détresse de ces pauvres gens.

Telle est la réaction postée en ligne -ce dimanche 10 novembre, en matinée- par un lecteur indigné sur le site du journal Le Parisien. A 7h05, voici l’intitulé choisi par le journaliste-rédacteur web pour son article (co-rédigé avec l’Agence France-Presse) relatif au premier bilan de victimes décédées à la suite du récent passage d’un super-typhon aux Philippines.

A l’instar d’un compte Twitter dédié aux Unes des journaux, le portail d’actualité du site de Free a conservé automatiquement le titre originel de l’article.

free

L’article précise également la chose suivante :

Pas de Français parmi les victimes. Selon le Quai d’Orsay, aucun Français n’est à ce stade répertorié parmi les victimes. Quelques ressortissants, en bonne santé, se sont toutefois exprimés depuis les Philippines, notamment sur France Info.

Cet élément d’information (pas de mort français), sollicité auprès du Quai d’Orsay, a été repris et souligné, dans la matinée, par la chaîne BFM TV.

5 heures après sa mise en ligne, l’article du Parisien était toujours consultable avec le même titre, comme en témoignent plusieurs internautes consternés s’exprimant sur les réseaux sociaux. L’un d’entre eux, prénommé Skander, précisa avoir entendu la même remarque chez la concurrente de BFM TV : I Télé.

Vers 13h, une première mise à jour de l’article du Parisien modifie le titre qui devient : "VIDEOS. Typhon : au moins 10 000 morts aux Philippines, le Vietnam en alerte".

A 16h30, l’article -mis en ligne à 7h05- est, de nouveau, modifié et actualisé. Son titre change : "VIDEOS. Typhon : au moins 10 000 morts et des scènes de pillage aux Philippines".

parisien

L’article contient toujours la mention relative à l’absence de victimes françaises mais ne met plus cette "information" (relayée par la tandem BFM-ITélé) en avant dans le corps de la titraille.

Entre le journaliste anonyme à l’origine de l’intitulé "Pas de Français parmi les victimes à ce stade" et le lecteur du Parisien qui fut le premier à s’en indigner publiquement, la conception de la valeur d’une vie humaine, selon son appartenance culturelle, semble considérablement différer.

Voici ce qu’écrivait récemment l’auteur des ces lignes à propos du traitement médiatique des victimes d’un autre fléau qui frappe aveuglément -le terrorisme :

Dans les écoles de journalisme et la plupart des rédactions de la presse généraliste, une technique d’écriture est prescrite pour attirer le lecteur ou l’auditeur : il s’agit de la « loi du mort-kilomètre ». En clair, selon les enseignants et les rédacteurs en chef qui en assument l’application, le « public » est censé s’intéresser aux décès selon l’éloignement géographique de l’évènement. Cas pratique : 1 mort à 1 kilomètre ou 10 morts à 10 kilomètres pourraient ainsi, selon les praticiens de cette coutume, retenir particulièrement l’attention. Il ne s’agit pas nécessairement là d’informer le citoyen sur un sujet d’actualité d’intérêt général mais, pour l’essentiel, de garantir un audimat performant et convoité par l’industrie médiatique.

Une autre règle, non formulée explicitement et tout autant cynique, vient contredire cet usage : on pourrait la qualifier de « loi du mort occidental ». Vu de Paris, Londres ou Washington, la mort brutale d’un Européen ou d’un Américain dans le monde sera toujours plus fructueuse à couvrir -aux yeux des responsables de l’information- que celle de dizaines de non-Occidentaux.

« L’attentat » survenu hier à Boston illustre tristement cette pratique. Les chaînes d’information françaises ont réalisé des « éditions spéciales » afin d’en dramatiser le récit journalistique. 3 morts et plus de 130 blessés : pour les familles de victimes, le caractère tragique est indéniable. Mais pourquoi consacrer autant d’heures au sujet alors que des centaines de citoyens sont fauchés, chaque année, par le terrorisme sans que BFM TV ou France 24 ne daignent leur consacrer un sonore de 10 secondes ?

Si plus de 10000 Australiens avaient perdu la vie en raison d’une catastrophe naturelle équivalente dans la région, l’ensemble des médias audiovisuels français auraient probablement interrompu leurs programmes, couvert en direct les sauvetages et mis en place des passerelles de donations à destination des ONG locales.

En dépit du gigantisme de ses moyens financiers et technologiques, la mondialisation croissante de l’information ne vaut toujours pas, vu d’Occident, considération égale de la vie d’autrui.

 



12 réactions


  • LE CHAT LE CHAT 12 novembre 2013 10:47

    En dessous de tout les médias français !
    Samedi alors que BBC et CNN commentaient en direct les ravages du Typhon , que dalle , nib de nib sur A2 , M6, BFMTV , LCI etc etc etc


  • bourrico6 12 novembre 2013 11:16

    Mais c’est toujours comme ça.

    Dans l’ordre d’apparition, les victimes Françaises (valeur maximale), ensuite les victimes occidentales (valeur importante), puis les autres (comptées avec le mobilier).

    Valable pour tous types de catastrophes.

    C’est l’ordre naturel des choses, plus c’est loin et « différent », plus ça nous en touche une sans faire bouger l’autre.


    • ZenZoe ZenZoe 13 novembre 2013 10:21

      Oui, c’est toujours comme ça.
      Les catastrophes naturelles avec des victimes occidentales attirent plus d’attention que les autres.
      Ce qui est triste, c’est qu’elles attirent aussi bien plus de dons, n’importe quelle ONG vous le dira. Et c’est là qu’on voit que l’intérêt des gens est ailleurs que dans un besoin d’être informé, comme il est dit plus bas. La vérité brute est que, pour un occidental, une vie occidentale étant plus digne d’intérêt que plusieurs vies de non-occidentaux - l’inverse étant néanmoins sûrement vrai aussi !


  • bakerstreet bakerstreet 12 novembre 2013 11:44

    L’écoute d’un bulletin d’information est objet de tant de révoltes. 

    On nous prend pour plus cons qu’on n’est, ou cherche t’on à nous faire que les autres le sont ?

    Un temps équivalent donné sur france inter ce matin au désastre, qu’à la ennième rencontre autistique Nadal-Djokovichk.......

    N’y aurait il pas matière à ouvrir les frontières de réflexion, au lieu de les refermer, comme un court de tennis quand il pleut ?

    Le lien, bon sang, le lien. ....C’est pourtant pas difficile à lier les français et le désastre philippin d’une manière un peu plus astucieuse, qu’en cherchant les cercueils tricolores !

    Prenez par exemples ces bonnets rouges, j’allais dire les bonnet bruns......Pas de taxe, pas d’emmerdeurs, des gens qui veulent que les camions continuent à s’agiter et à polluer comme ils le veulent, sans rien devoir à personne, ni rendre de compte, sont bien en rapport avec les cause de la catastrophe. 

    Le bilan carbone, non ce n’est pas une marque de bière ou de bonnet. 
    Parfois, de tant de bétise et d’intellingence, lié uniquement au culte imbécile de ses interets immédiats, les bras vous en tombent. 

    Voir le monde par le petit trou de la serrure, et aller en asie pour s’éclater, faire du trekking, et faire certaines choses en toutes umpunités, sans avoir besoin alors de bonnet rouge, ni même de préservatif. 

    Voilà venu le temps des grands prédateurs, comptant petit !

  • Loatse Loatse 12 novembre 2013 12:33

    J’t’en ficherai moi de l’ethnocentré !!!

    Le lecteur a le droit de savoir si oui ou non des compatriotes ou concitoyens sont parmi les victimes...

    pourquoi ? parce que et d’une c’est cela l’information...et de deux qu’il est toujours utile de savoir si dans son village, dans son voisinage il ne se trouve pas aussi des familles en détresse, isolées..

    A moinsse qu’il y ait des bons morts et des mauvais morts, les seconds pour lesquels bientôt il sera conseillé d’aller cracher sur les tombes parce qu’ils seraient partis en asie s’éclater, et donc obligatoirement prédateurs sexuels entre deux trekkings, le tout sans trop se préoccuper du bilan carbone..

    Je serai le Parisien, je n’aurai pas cédé à cette espèce de chantages de bien pensants haineux qui voient le mal partout... des con centrés quoi !


  • Renaud Delaporte Renaud Delaporte 12 novembre 2013 13:54

    @ l’auteur :
    Il y a assez de raisons de s’indigner pour ne pas se détourner vers de faux problèmes en retombant sur ces sempiternels procès d’intention.
    A chaque catastrophe, les proches des personnes susceptibles d’être présentes sur les lieux submergent les différents services impliqués de demande de nouvelles. Il est utile d’informer globalement ces proches, cela soulage autant les personnes interrogées qui ont bien d’autres chats à fouetter que de répondre à ces appels.
    Si un de vos proches avait été sur place et que le titre du journal vous avait rassuré, auriez fait ce papier ?

    @ Loaste : vu votre post après avoir rédigé le mien. Oui, nos petites haines sont bien les maillons de la plus rigide de nos chaînes.


  • Loatse Loatse 12 novembre 2013 18:26

    @Renaud

    Pourquoi NOS petites haines ? je n’ai pas de petites haines ni de grandes d’ailleurs, que de saines colères spontanées, rares et un peu vives mais éphèmères... la haine c’est l’étage du dessus, ca se cultive, ca s’entretient, ca lache pas prise...ca vous bouffe


    • Renaud Delaporte Renaud Delaporte 12 novembre 2013 18:43

      Je ne généralisais que pour ne pas accabler l’auteur par la mise en exergue de son propre message.
      Mais vous avez raison. Il n’est pas bon de généraliser. C’est déjà un jugement de valeur.


  • soi même 12 novembre 2013 19:38

    Toute une question, cette épreuve , doit faire la une des journaux, si y a pas a déplorer de victime Française ?


  • qui pense 13 novembre 2013 08:32

    bjr

    je suis ravi qu il n y ait pas de français mort aux Philippines mais cela ne m empêche pas de compatir a la peine des philippins et de les aider par un modeste don a une ONG

    malgré que je sache qu au passage il va y avoir des profiteurs ! !

    les catastrophes naturelles n ont pas de frontières
    comme celles des hommes (( sauf pour les nuages de Tchernobyl ! ! ! ))

    a plus


  • soi même 13 novembre 2013 10:31

    Belle opération sous couvert humanitaire, le redéploient des forces Américaine dans la région.


Réagir