mercredi 25 mai 2011 - par GHEDIA Aziz

Emission « entre les lignes » de la chaine 1 et Ligue arabe

Contrairement à une idée largement répandue au sein de l’opinion publique algérienne, nos médias radiophoniques (particulièrement la chaine 1) ont, apparemment, depuis longtemps abandonné la langue de bois. J’ai eu personnellement à le constater, j’allais dire de visu, or c’est plutôt par l’ouïe, depuis plusieurs semaines maintenant. La chaine 1, par exemple, qui émet en langue arabe et que je n’écoute pourtant que rarement, ne donne plus, comme je m’y attendais, que des informations sur la politique nationale et les activités de tel ou tel ministre, le tout, avions-nous l’habitude d’entendre, sur un ton monocorde et ronronnant à faire chialer un chien.

Non, le temps et le ton propagandistes à la Pravda de nos chaines Radio sont, semble-t-il, bel et bien révolus. A la chaine 1, l’on ose maintenant aborder même des questions qui fâchent. Et cela, croyez-moi, n’a aucun rapport avec les révoltes et révolutions qui secouent actuellement le monde arabe. Comme tout un chacun le sait, ces révolutions ont commencé vers la fin de l’année écoulée. Or, ce que j’ai constaté personnellement concernant les médias dont je parle ici remonte à bien plus longtemps ; disons au mois de septembre ou peut-être même bien avant. En effet, de cette avancée révolutionnaire de nos médias audio, je m’en suis rendu compte au début la rentrée scolaire de l’année en cours. Et cela dans des circonstances des plus ordinaires : pour « tuer » le temps, comme on aime bien dire chez nous, chaque dimanche soir, entre 20 ET 21h, j’allume la radio de ma voiture, je module la fréquence sur la chaine 1 et je suis, peinard, bien calé sur le siège de ma voiture à l’arrêt, l’émission culturelle qui y passe et qui est animée par un certain professeur de Sociologie de l’Université d’Alger dont le nom est Mustapha Madhi. Cette émission culturelle est intéressante à plus d’un titre. D’abord le journaliste de la chaîne qui dirige le débat, qui pose des questions et qui lit parfois des textes (de la personnalité historique ou de l’auteur du jour) en usant d’une voix un peu rauque (je dirais même un peu artificielle) et dont on n’a aucune peine à deviner qu’elle n’est pas vraiment à lui. En fait, celui-ci se comporte, vocalement parlant, comme s’il essayait d’imiter un speaker du Moyen-Orient. Je ne vous le cache pas, ça m’énervait un petit peu mais bon…. Il n y’a pas de quoi fouetter un chat. Disons que je trouve ça même un peu marrant. J’aurais maintes fois voulu prendre le téléphone et l’appeler pour lui dire de s’exprimer naturellement et simplement, en algérien tout court, mais quand il s’agit de faire dans le culturel, parler de Camus, de De Gaule ou de la civilisation arabo-musulmane du temps de l’Andalousie, je comprends bien que notre parler algérien ne s’y prête pas. Ça ne fait pas très sérieux auprès des auditeurs. La science, la littérature, la culture sont des choses assez importantes et on devrait autant que faire se peut les exposer dans un arabe classique pour capter l’attention des auditeurs qui s’y intéressent. Après tout, ce n’est pas une discussion entre deux amis dans un café maure du coin mais une émission culturelle d’une chaine de radio nationale qui doit être suivie par des milliers de personnes. Le deuxième élément qui fait la particularité de cette émission radiophonique c’est que notre ami le sociologue présente un tic qui consiste à « sucer du citron », et ce, après chaque mot qu’il prononce.

A l’entendre parler ainsi, des souvenirs vieux de plus de quarante ans remontent à la surface : « Arrêtes de sucer le citron », me disait ma mère quand il m’arrivait de le faire, ce tic, quand j’étais enfant. Vous voyez ce que je veux dire maintenant ? Le sociologue « suçait du citron » certes, mais de sa bouche sortent des mots qui, assemblés les uns avec les autres, reliés les uns aux autres forment une chaine (pas la chaine 1 dont il est question ici, mais une chaine au sens propre du mot) de connaissance sociologique à faire pâlir de jalousie le plus érudit des sociologues d’outre-mer. En outre, croyez-moi bien que je n’exagérerais point si je vous disais que ce Madhi porte bien son nom. La traduction littérale, de l’arabe au français, du terme « Madhi » donne ceci : aiguisé, acéré. De ce fait, sa langue est aussi acérée qu’une lame de bistouri No 24. Il dissèque de façon méthodique, patiemment, tel un chirurgien chevronné, les évènements et les hommes, particulièrement lors de la dernière émission (dimanche 15 mai) consacrée, actualité oblige, à la Ligue arabe. Avec son tic, il donne l’impression de ne pas maîtriser son sujet. Mais en réalité, quand on prend la peine de l’écouter et de suivre son raisonnement, l’on se rend compte que ce tic, loin de constituer un handicap à l’orateur, ajoute plutôt une touche symphonique à sa déception. Il est déçu par la tournure des évènements qui se déroulent actuellement dans certaines parties du monde arabe, il est déçu par la non implication de l’élite des pays arabes dans la question palestinienne par exemple ; il est déçu par le manque de compétitivité sur le plan de la production des idées au niveau du monde arabe. Pourtant le monde arabe recèle un potentiel humain universitaire non négligeable. Rappelez-vous, lors de la révolution tunisienne, tous les commentateurs insistaient sur un point particulier : l’existence dans ce pays arabe d’une jeunesse instruite, cultivée et diplômée de l’université, malheureusement pour la plupart au chômage ! Pareil en Egypte où il n’est pas rare de tomber sur un Dr en Sociologie ou en littérature qui, pour arrondir ses fins de mois, est obligé de recourir au système D, chauffeur de taxi dans le meilleur des cas ! Ces exemples peuvent être multipliés à l’infini et concernent la majorité des pays arabes. Si le monde arabe ne s’est que peu développé depuis les années des indépendances jusqu’à nos jours, c’est parce que ses élites ont toujours été marginalisées par des gouvernants tyranniques et souvent incultes eux-mêmes. Mais, entre nous, soutenus quand même par l’Occident parce que ça faisait son affaire !  

Comme quoi et pour revenir à mon dernier article où je parlais « des idées », les idées ne sont pas l’apanage des seuls peuples de l’Occident. Sur ce plan-là, il est indéniable que nos sociologues, nos historiens, nos intellectuels d’une façon générale, n’ont rien à envier à ceux des pays dits développés. Ce qui leur manque c’est des rencontres et des débats au cours desquels ils pourront exprimer, sans entrave aucune, leurs idées et leur opinions. Autrement dit, il n’y a pas de « boites à idées » dans notre pays. Ceux qui peuvent jouer le rôle de « think tank » et qui peuvent donc éclairer la lanterne de nos hommes politiques sont dispersés au quatre coins de la planète. Il est temps que les pouvoirs publics de façon générale et l’Université algérienne de façon particulière fassent leure cette préoccupation majeure qui revient comme un leitmotiv dans la bouche de notre sociologue. Et, il va de soi qu’en tant qu’auditeur du dimanche de cette chaine et que rédacteur de chroniques à mes heures perdues, je partage pleinement cet avis. Il y va de la sécurité de notre pays.

Le Sujet de la dernière émission étant très sensible, je n’ai pas manqué de prendre quelques notes sur un bout de papier, comme au bon vieux temps lorsque j’étais étudiant en médecine, notes qui m’ont servi à rédiger cet article. Ces notes, je vous les livre d’abord en vrac, puis au fur et à mesure j’essaierais de développer. Parlant de la ligue arabe, le sociologue Madhi a insisté sur le fait de « ne pas analyser à chaud » et ce quelle que soit l’importance de l’évènement. Il faut toujours prendre du recul, avais-je compris, par rapport à l’évènement dont on veut analyser les tenants et les aboutissants. C’est tout à fait normal puisqu’il s’exprime en sa qualité de sociologue. Le rôle du sociologue étant, à ma connaissance, de comprendre le mode de fonctionnement des sociétés humaines, il est évident que celui-ci doit disposer du temps nécessaire pour le faire. Mais est-il permis à l’homme politique de ne pas commenter à chaud l’actualité ? A ce que je sache non. Pour avoir mis du temps, beaucoup de temps même à s’exprimer sur les derniers évènements qu’a connu l’Algérie, par exemple, A. Bouteflika, notre Président, a essuyé des tirs à boulets rouges venant de la part de l’opinion publique et des partis politiques toutes tendances confondues. 

Le 15 mai, la ligue arabe a procédé à l’élection ou plutôt à la désignation de son nouveau secrétaire général. Comme on s’y attendait, ce poste est revenu encore une fois à un Egyptien. C’était l’occasion à notre sociologue de s’adonner, lors de cette émission culturelle de la chaine 1, à une critique en règle mais constructive de la ligue arabe qu’il compare à « une structure sans âme », « budgétivore », et qui « a toujours fait le jeu d’Israël » Qui peut le contredire ? « Structure sans âme », la Ligue arabe ? Effectivement elle l’est. Et, à ce titre, la boutade des Israéliens « les arabes se sont mis d’accord pour ne plus être d’accord » reste toujours d’actualité plus de quarante ans après qu’elle ait été prononcée. De ce point de vue, on peut, sans risque de se tromper ou d’être contredit, dire que la Ligue arabe a, depuis longtemps, vendu son âme au diable. Au sein de cette Ligue, il n’y a jamais eu de consensus sur une question quelconque concernant l’avenir du Monde arabe. Elle n’a jamais pu mettre fin aux divisions idéologiques et politiques qui minent le Monde arabe du Maghreb au Machrek. Elle n’a jamais pu s’opposer à l’interventionnisme des forces étrangères contre l'un de ses membres (cas de l' Irak) ni éviter la scission, sous les coups de boutoir des forces secrètes de l'Occident, du Soudan, par exemple. 



4 réactions


  • katalizeur 25 mai 2011 13:01

    SILENCE ON TUE DES LIBYENS.....

    .....http://www.alterinfo.net/Silence—On-tue-des-Libyens_a59065.html.....

    une fois de plus la ligue des zarbis a fait son boulot.......apres l’irak, aujourd’hui la libye, demain ce sera le tour de votre pays mon cher ami.....

    je vous souhaite une bonne journée......


  • Yvan 25 mai 2011 13:31

    vous omettez cher auteur un détail, les pays arabo-musulmans sont gangrénés par le chiisme iranien.
    ne rien dire concernant l’irak, la syrie, le liban...est significatif en la matière. 
    intervenir au bahrein également comme agir au yémen.
    les « forces secrètes » occidentales n’ont pas grand chose à voir la dedans.


    • Yvan 25 mai 2011 22:45

      omar, le sionisme est le mouvement national de libération d’Israël

      l’aipac est un lobby comme il en existe beaucoup aux USA

      gaza est le résultat du hamas. je rappelle qu’Israel s’est retiré de gaza (beau résultat smiley

      la flottille de la paix n’avait de paix que le nom. un coup médiatique pour opinion publique
      les palestiniens sont manipulés par téhéran.


  • Hadj Ahmed 25 mai 2011 13:42

    Merci pour le billet Hakim,

    La ligue arabe ? Une ch’tite usine à gaz, une curiosité scientifique et au final, un bug permanent. Quant aux questions du genre Est-ce voulu ? Ferait-elle le jeu d’Israël ? Franchement aucune importance à ce stade de nullité.

    à lire le « budgétivore » de votre sociologue, je me souviens avec délectation d’une époque où la trésorerie était tellement dans le rouge - ben oui les complexes hôteliers de lusque ne sont pas gratuits non - que l’ex SG était lui même aux fourneaux à répéter à qui voulait l’entendre que certains pays qu’il ne nommait pas ... ne payaient jamais leurs redevances. Tutrendcompte ma pauv dame.

    Par contre, le modèle du conseil du golfe me semble beaucoup plus intéressant à examiner. A tout le moins, ils sont capables d’arriver à des consensus, de prendre des décisions collégiales et surtout de les faire appliquer... C’est déjà énoooorme.

    Sinon selon vous l’unique commencerait à s’amender (du moins la radio), eh bé j’ai failli attendre smiley

    Laakouba lla télé, pas demain la veille

    Un regret de taille pour moi, que la question du Sahara occidental continue des dizaines d’années plus tard, de rendre impossible tout rapprochement entre deux peuples que rien ne devrait séparer, vous savez lesquels.


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