mercredi 28 juin 2006 - par LA TELE EN CLAIR

Extension TNT et arrêt de la télévision analogique, des chantiers loin d’être clos

Le 19 juin dernier, le ministre de la Culture et de la Communication remettait pour avis au CSA et au Conseil d’Etat son projet de loi visant à organiser l’arrêt de la télévision hertzienne analogique et l’extension de la couverture de la TNT.

Le texte s’articule en deux grandes parties, l’une consacrée à l’organisation de la migration de l’analogique vers le numérique, l’autre consacrée aux conditions d’ouverture des services de télévision du futur, télévision haute définition et télévision sur les mobiles. En limitant l’analyse à la première partie, plusieurs remarques méritent d’être soulignées en parcourant un texte, qui, faut-il le rappeler, est issu d’une large consultation auprès des professionnels.

Alors que depuis plusieurs mois nous savons que la couverture des chaînes de la TNT souffre d’un problème de zones d’ombre pour bon nombre de foyers français, en particulier ceux situés dans les zones frontalières et les zones à reliefs, le gouvernement avait annoncé haut et fort, notamment par la voix du ministre de l’Aménagement du territoire, M. Christian Estrosi, que la loi allait proposer un service antenne par satellite constitué des 18 chaînes gratuites de la TNT. Ce message avait d’ailleurs été largement repris le 4 mai dernier, lorsque Jacques Chirac annonça de nouvelles mesures législatives pour accélérer l’extension de la télévision numérique et l’arrêt de la télévision analogique prévue en 2011. Il faut croire que le message n’a pas été transmis au ministère de la Culture, qui, dans la version actuelle de son projet, limite ce service antenne satellite à la diffusion numérique gratuite des 6 chaînes hertziennes historiques (TF1, France 2, ...., M6, Arte) déjà diffusées par les émetteurs terrestres analogiques. Peut-être plusieurs éléments d’explication à ce recul :

  • Le premier pourrait être la difficulté juridique à imposer, par la loi, la diffusion et la réception par satellite des chaînes privées. En effet le CSA, régulateur du secteur audiovisuel, n’a aucun pouvoir d’attribution ni de gestion sur les fréquences du domaine satellitaire appartenant au secteur des télécommunications. Certes, cette subtile distinction juridique peut paraître curieuse sur le plan opérationnel, puisque les 18 chaînes gratuites de la TNT sont déjà présentes sur le satellite Atlantic Bird 3 afin de desservir les émetteurs terrestres de la TNT. Toutefois le grand public ne peut toujours pas capter directement les chaînes (à l’exception des chaînes du secteur public) car la norme de diffusion adoptée est volontairement spécifique et à usage professionnel, donc non compatible avec les équipements de réception grand public du commerce.
  • Le second est qu’il est nécessaire, pour assurer la migration, de prévoir dans la loi un service antenne satellite qui pourrait être proposé, comme service alternatif équivalent, aux foyers situés dans une zone où le CSA déciderait de mettre fin à la diffusion analogique des chaînes hertziennes historiques. Le texte de loi prévoit en effet que le CSA planifie d’ici novembre 2009, zone par zone, l’arrêt des émetteurs terrestres analogiques afin de récupérer leurs fréquences et de les réattribuer, après accord du Premier ministre, à l’extension de la TNT, éventuellement à des services futurs comme la haute définition et la télévision mobile. En adoptant la solution du service antenne satellite limité aux chaînes hertziennes historiques déjà bénéficiaires de fréquences terrestres analogiques gérées par le CSA, la loi devenait plus facile à rédiger, et la négociation avec ces chaînes peut-être plus facile pour le CSA, notamment pour les inciter à arrêter la diffusion analogique ; du moins en apparence, car un certain flou juridique persiste lorsqu’on évoque la mise à disposition d’un service équivalent à un service que l’on vient d’arrêter. N’oublions pas qu’en analogique l’achat d’un adaptateur n’est pas nécessaire pour recevoir la télévision, alors qu’il est indispensable pour recevoir le numérique ; avec le satellite, il faut même rajouter une antenne parabolique. Il est par conséquent justifié de se demander ce qu’est en réalité un service dit équivalent. Le Conseil d’Etat aura probablement un avis sur cette question.
  • Le troisième élément est d’ordre économique. En imposant par la loi un service antenne satellite aux 18 chaînes gratuites de la TNT, celles-ci pourraient le cas échéant demander à l’Etat une contribution financière pour assurer leur diffusion par satellite, puisque dans ce cas le service antenne pourrait être assimilé à un "must carry" (obligation de diffusion) ainsi que prévu dans la directive "paquet télécom" transposée dans la loi nationale en juillet 2004.

Les quelques observations précédentes montrent que les dispositions de la loi auront des difficultés à être véritablement opérantes pour accélérer de manière significative le raccordement des foyers à la TNT. La décision d’arrêt de l’analogique, même prise zone par zone, ne pourra s’effectuer sans qu’un minimum de foyers aient acquis l’équipement de réception numérique. Le projet de loi le mentionne d’ailleurs, dans la mesure où il demande au CSA de tenir compte du taux d’équipement des foyers pour réaliser sa planification d’arrêt de l’analogique.

Indépendamment de la loi, il n’y plus qu’à souhaiter voir les chaînes gratuites de la TNT s’accorder rapidement pour offrir aux quelque 20% de foyers isolés de la couverture des émetteurs terrestres une solution satellite qui leur permettra de recevoir le numérique sans attendre les décisions des pouvoirs publics sur l’avenir des fréquences terrestres ; il est à craindre que l’attente soit longue.




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