jeudi 7 février 2013 - par Pelletier Jean

Geneviève Tabouis … mélancolie des années 1950

Dressons le décor, 1958, j’ai six ans. Nous sommes dans la cuisine il est 19 heures, le repas se tient sous les auspices du poste de radio à lampe, dit TSF (Télégraphie sans fil…), qui délivre la Famille Duraton sur Radio Luxembourg. Du haut de mes six ans j’entends alors une voix nasillarde et éraillée qui monte et qui descend, comme une alerte : « Attendez-vous à savoir ». C’était genevieve Tabouis.

Née Geneviève le Quesne, Geneviève Eugénie Marie-Laure Tabouis est née le 23 février 1892 à Paris, elle est morte dans son grand âge, toujours à Paris le 22 septembre 1985.

Issue de la grande bourgeoisie, elle épouse Robert Tabouis en 1916 qui sera plus tard administrateur de Radio Luxembourg. Sa vocation la conduit au journalisme, sous l’ombre bienveillante de ses deux oncles, tous deux ambassadeurs, Paul et Jules Cambon. A trente ans elle travaille à la Petite Gironde puis passe au quotidien, l’Œuvre de 1930 à 1940. Son milieu, très lié au milieu du pouvoir de la IIIe République, lui ouvrira toute grande les portes des ambassades. Sa force ? Elle s’est constitué dès ces années là le plus fabuleux carnet d’adresse en France et à l’étranger. Elle accède ainsi à nombre de renseignements du simple papotage à la confidence politique.

La guerre l’amène à fuir la France où elle a condamné le nazisme. Son aptitude est résolument antinazi et farouchement anti munichoise. « Frau Tabouis » C’est ainsi qu’Adolphe Hitler parlait d’elle. C’est d’abord Londres, puis les Etats Unis où elle trouve refuge. Elle y dirige un journal francophone Pour la Victoire à New York. Son activité de journalisme l’amènera à côtoyer, puis à s’en faire une amie, Eleanor Roosevelt, la femme du président des Etats Unis.

A la libération, elle accompagnera les américains et reprendra à Paris ses activités de journaliste : La France Libre (1945-1949), l’Information (1949-1956), Paris Jour (dès 1959).sa langue est vive, caustique, elle manifeste une volonté de fer, elle se fait de nombreux ennemis, ce qui lui valut d’être accusée de renseigner les autorités soviétiques.

Mais c’est à partir de 1957 qu’elle commence à tenir cette fameuse chronique sur Radio Luxembourg qui rythma mes repas du soir d’enfant. Elle y parla ainsi tous les soirs, jusqu’en 1981 à l’âge de 88 ans. Son fameux « les dernières nouvelles de demain » a fait de sa chronique internationale une référence absolue dans le monde politique et celui des médias. Elle acquit un véritable statut de star. Avec cette voix repérable entre toutes, nasillardes elle énonçait des vérités, et des prévisions toujours très attendues. C’était le feuilleton du soir, à la portée de tous, elle avait le talent de rendre intelligible les manœuvres politiciennes de tous bords et de tous pays.

Pour en savoir plus :

  • Denis Maréchal, Geneviève Tabouis : les dernières nouvelles de demain (1892-1985), Nouveau monde éd., coll. « Collection Culture-médias. Études de presse », Paris, 2003, 289 p. (ISBN 2-84736-029-8)
  • Jean Lacouture, Les impatients de l'Histoire, Paris, 2009, (ISBN 2246744512)

 



24 réactions


  • Dwaabala Dwaabala 7 février 2013 11:05

    Attendez-vous à savoir que les souvenirs sont les mêmes.


  • MKT 7 février 2013 11:47

    Elle plongeait la population dans la crainte d’une apocalypse nucléaire imminente.

    A la fin de chacune de ses interventions, on se disait que nous ne passerions pas la semaine sans que quelques mégatonnes ne nous tombent sur le coin de la figure.

    Par bonheur, ses prédictions ne se sont pas réalisées.

    Je suis étonné qu’elle ait pu être accusée de renseigner l’URSS dans la mesure où ses interventions me semblaient farouchement anticommunistes.


  • Furax Furax 7 février 2013 12:49

    @Jean,

    Je me demande si vous ne commettez pas une petite erreur.
    Il me semble que l’émission de Geneviève Tabouis était hebdomadaire et diffusée le dimanche, avant ou après l’inénarrable « Tribunal des trois cloches » (immanquable à la maison ! !).
    Mais je peux me tromper...
    Amicalement.


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 7 février 2013 18:44

      @Furax,


      je suis né en 1952, c’est en effet un peu loin, je me souviens de cette voix qui me faisait un peu peur, mais était ce seulement le dimanche, je ne saurai le dire.
      Bien à vous


    • Fergus Fergus 7 février 2013 23:35

      Bonsoir, Furax, bonsoir Jean.

      En déplacement à Paris, je découvre cet article sur Geneviève Tabouis avec beaucoup de plaisir. Moi aussi, j’étais un gamin lorsque j’ai découvert ses chroniques, et malgré mon très jeune âge, c’est à cette femme que je dois de m’être intéressé, sans toujours comprendre les enjeux, aux questions sociopolitiques.

      Merci à Jean pour cette évocation d’une journaliste qui a été à la radio ce qu’a été pour moi dans la presse Alexandre Vialatte, un homme qui ne disait jamais « attendez-vous à savoir... » mais qui concluait ses chroniques par le célèbre « Et c’est ainsi qu’Allah est grand ! »

      Petite précision : Furax a raison, la chronique de Tabouis était hebdomadaire.

      Cordialement.


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 8 février 2013 11:15

      @Fergus,


      Nous progressons, c’était donc le dimanche, je vais profiter des corrections des uns et des autres, ainsi que de leurs compléments pour faire une mise à jour sur mon blog.

      merci à tous.



       

  • aimable 7 février 2013 13:58

    bonjour jeune homme !!
    c’était le dimanche midi et chez moi c’était « silence dans les rangs » et cela ne ratait jamais c’était le brouhaha , que de souvenirs aussi !!!


  • Furax Furax 7 février 2013 14:12

    Allons-y !
    Marcel Fort et Monsavon, Zappy Max « Ca va bouillir), Carmen et la Hurlette »Sur le banc« ..
    les »Chansonniers de Montmartre« la mardi soir.
    La chronique de Raymond Cartier du dimanche soir et sa façon inimitable de prononcer »Chou-en -Laï« ou »Adlaï Stevenson«  » !
     smiley
    Salut les anciens « djeunes » !
    Voilà un débat qui fait du bien...


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 7 février 2013 18:48

      @Furax,


      Zappy Max oui je m’en souviens très bien.... Lucien jeunesse aussi...il a duré un certain moment !

       smiley)



    • Furax Furax 7 février 2013 19:14

      Maintenant encore lorsque je me retrouve devant une grosse connerie, mais une très grosse connerie (les spécialistes, sur AV, se reconnaitront), j’ai en tête :
      « Je t’ai reconnu, tu es l’homme des voeux mais je n’ai pas ma capsule ! »
      L’« Homme des voeux Bartissol »...
      Je vous parle d’un temps...


    • Fergus Fergus 7 février 2013 23:37

      Ne pas oublier Kurt von Straffenberg, alias « Le tonneau » dans « Ca va bouillir ».


  • verdad 7 février 2013 16:19

    Elle faisait aussi ses causeries sur le Radio Suisse ( Genève ) je la captais
    depuis l’Europe Centrale.

    verdad


  • plexus plexus 7 février 2013 16:35

    @ Furax
    Oui, c’est magnifique que des « jeunes » aient autant de mémoire !!
    Outre le son nasillard de sa voix, ne pas oublier la ponctuation de ses phrases péremptoires par le claquement de son dentier « Attendez vous à ce que.....(clac !)......et vous verrez......(clac !)...
    C’était magnifique, je me répète.
    Petit détail, le frère de Geneviève était officier général, je crois.
    Quant à »Signé Furax« , de Pierre Arnaud de Chassy-Poulet, c’était un vrai bonheur, sympa de le prendre pour pseudo.
    En ce moment, ça barde dans plein de »Filékistan« , et un certain nombre de »Malvinas" se manifestent en politique.
    Comme disait Pierre DAC, profitons encore longtemps du vin d’ici, plutôt que de l’eau de là !!


  • Dwaabala Dwaabala 7 février 2013 21:33

    Il y avait aussi Line Renaud, sa Cabane au Canada, et Jean Nohain avec sa Reine d’un Jour, et même Monsieur Champagne, l’incollable, tout cela revient par bribes. Dop, Dop, Dop !
    Et radio pastiche le dimanche à midi, sur la radio nationale, qui succédait aux chansonniers.
    tout cela écouté dans le fading, et les parasites qui faisaient perdre quelques passages car on était sur la modulation d’amplitude et non de fréquence.
    Merci.


  • Sacotin Sacotin 8 février 2013 09:55

    Mme Tabouis était une « voix », c’est vrai, mais que de prophéties érronées !

    Autrement, la radio de mes parents diffusait « Reine d’un jour », sur Radio-Luxembourg, je crois, « Nous sommes quarante millions de français », de Jean Nohain — mais je ne me souviens plus quelle était le poste , le Parisien ? — « Le Grenier de Montmartre », le dimanche midi — poste parisien, je crois.
    J’écoutais aussi des pièces de théâtre de la « Cie Art et travail »l, d’Anita Soler et André delferière. Elles m’ont laissé de grands souvenirs. 


  • le crocodile 8 février 2013 10:47

    Étant de 47 , je me souviens très bien de madame Tabouis , de ses « attendez vous à savoir  » , « des dernières nouvelles de demain » et de sa façon un peu particulière d´énoncer le nom de certains politiques étrangers .

    L´un d´eux s´appelait Mac Millan , elle prononçait Mac Milune ,

    un autre , un chinois , s´appelait Chou Enlai qui se prononçait Chou N Laï , elle disait carrément Chou en lait smiley

     

    Mais c´était un autre temps , le temps où la France était encore peuplée de français qui étaient joyeux de vivre après la guerre , il y avait du travail pour tous , on avait les moyens de s´acheter une petite maison et de manger à sa faim .

    Il n´y avait en France que quelques mosquées et les cités peuplées de dealers n´existaient pas . Personne ne brulait de voitures , personne ne pensait à caillasser et à tirer sur les voitures de police ou de pompiers , personne n´arrachait les colliers des vieilles dames Les gens pouvaient se promener le soir sans se faire braquer ou matraquer gratuitement . Les jeunes de l´époque respectaient leurs parents , les anciens et les autorités .Des écoles  sortaient des gens qui savaient parler et écrire français et qui savaient compter , car les élèves travaillaient et respectaient les instits et les profs . Les politiques de l´époque travaillaient pour la France , pour son bien et pour celui des français . Ils ne complotaient pas ,ne se vendaient pas et ne profitaient pas de leurs mandats pour se remplir les poches . Et , le meilleure de tout , la loi scélérate Pompidou de 1973 n´était pas encore votée . La loi qui interdit à la banque de France de prêter de l´argent à l´état français à taux d´intérêt nul et qui obligeat l´état à emprunter l´argent dont il a besoin à des banques PRIVÉES avec un taux d´intérêt frisant l´usure ce qui a fait qu´aujourd´hui , la France se retrouve avec une dette colossale , tellement colossale qu´elle est impossible à rembourser et que l´état est en fait entre les mains et dirigé en coulisses par les banques et les banquiers ÉTRANGERS  .....

    Mais , c´était un autre temps , un temps qui ne reviendra , malheureusement , jamais . C´était le bon temps ........


  • lesdiguières lesdiguières 13 février 2013 05:20

    Henri Lesdiguières vous présente, comme jadis feue Madame Geneviève Tabouis les dernières nouvelles de demain.
    « Mesdames, Messieurs, attendez-vous à savoir que … »

    http://www.atramenta.net/lire/attendez-vous-a-savoir-que/35689


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