Geneviève Tabouis … mélancolie des années 1950
Dressons le décor, 1958, j’ai six ans. Nous sommes dans la cuisine il est 19 heures, le repas se tient sous les auspices du poste de radio à lampe, dit TSF (Télégraphie sans fil…), qui délivre la Famille Duraton sur Radio Luxembourg. Du haut de mes six ans j’entends alors une voix nasillarde et éraillée qui monte et qui descend, comme une alerte : « Attendez-vous à savoir ». C’était genevieve Tabouis.

Née Geneviève le Quesne, Geneviève Eugénie Marie-Laure Tabouis est née le 23 février 1892 à Paris, elle est morte dans son grand âge, toujours à Paris le 22 septembre 1985.
Issue de la grande bourgeoisie, elle épouse Robert Tabouis en 1916 qui sera plus tard administrateur de Radio Luxembourg. Sa vocation la conduit au journalisme, sous l’ombre bienveillante de ses deux oncles, tous deux ambassadeurs, Paul et Jules Cambon. A trente ans elle travaille à la Petite Gironde puis passe au quotidien, l’Œuvre de 1930 à 1940. Son milieu, très lié au milieu du pouvoir de la IIIe République, lui ouvrira toute grande les portes des ambassades. Sa force ? Elle s’est constitué dès ces années là le plus fabuleux carnet d’adresse en France et à l’étranger. Elle accède ainsi à nombre de renseignements du simple papotage à la confidence politique.
La guerre l’amène à fuir la France où elle a condamné le nazisme. Son aptitude est résolument antinazi et farouchement anti munichoise. « Frau Tabouis » C’est ainsi qu’Adolphe Hitler parlait d’elle. C’est d’abord Londres, puis les Etats Unis où elle trouve refuge. Elle y dirige un journal francophone Pour la Victoire à New York. Son activité de journalisme l’amènera à côtoyer, puis à s’en faire une amie, Eleanor Roosevelt, la femme du président des Etats Unis.
A la libération, elle accompagnera les américains et reprendra à Paris ses activités de journaliste : La France Libre (1945-1949), l’Information (1949-1956), Paris Jour (dès 1959).sa langue est vive, caustique, elle manifeste une volonté de fer, elle se fait de nombreux ennemis, ce qui lui valut d’être accusée de renseigner les autorités soviétiques.
Mais c’est à partir de 1957 qu’elle commence à tenir cette fameuse chronique sur Radio Luxembourg qui rythma mes repas du soir d’enfant. Elle y parla ainsi tous les soirs, jusqu’en 1981 à l’âge de 88 ans. Son fameux « les dernières nouvelles de demain » a fait de sa chronique internationale une référence absolue dans le monde politique et celui des médias. Elle acquit un véritable statut de star. Avec cette voix repérable entre toutes, nasillardes elle énonçait des vérités, et des prévisions toujours très attendues. C’était le feuilleton du soir, à la portée de tous, elle avait le talent de rendre intelligible les manœuvres politiciennes de tous bords et de tous pays.
Pour en savoir plus :
- Denis Maréchal, Geneviève Tabouis : les dernières nouvelles de demain (1892-1985), Nouveau monde éd., coll. « Collection Culture-médias. Études de presse », Paris, 2003, 289 p. (ISBN 2-84736-029-8)
- Jean Lacouture, Les impatients de l'Histoire, Paris, 2009, (ISBN 2246744512)