mercredi 26 octobre 2005 - par Jean-Paul Droz

Internet, e-démocratie et... E-stonie

 Libération du dernier WE, sous la plume de Christophe Alix, revient longuement sur le e-vote historique des Estoniens aux municipales. Au demeurant, le système ayant bien fonctionné, il sera reconduit pour les législatives de 2007. Je ne résiste pas à l’intérêt de "piller" quelques citations.

Andrus Ansip, premier ministre : En Estonie, 90% des transactions bancaires se font déjà en ligne. Si l’Internet est un moyen sûr pour faire transiter des millions de couronnes chaque jour, je ne vois pas pourquoi cela ne fonctionnerait pas pour garantir le vote.

Ulle Madise, responsable du projet : Il faut se connecter sur le site des élections et être reconnu par le système, via la puce de sa carte d’identité. L’électeur est alors automatiquement dirigé vers sa circonscription, avec la liste des candidats. Une fois qu’il a fait son choix intervient le vote, validé en entrant un code à 5 chiffres qu’il est le seul à posséder. C’est la garantie que personne ne pourra voter à votre place.

Silver Meikar, étudiant : Le vote en ligne n’est plus un problème technique, mais une question de confiance.

Enfin Peeter Marvet, journaliste : Paradoxalement, notre absence d’un long passé démocratique peut être une chance pour avancer plus vite dans la modernité. Cela ne signifie pas que nous ne fassions pas des erreurs, comme lorsqu’il s’agit des garanties à apporter à la protection de notre vie privée. Mais elles sont très utiles pour progresser et ne remettent pas en cause la conviction, largement partagée ici, que plus de nouvelles technologies dans les affaires publiques, c’est plus de transparence. Et au terme, plus de démocratie

L’Estonie connaît une croissance supérieure à 7%, et si le développement puissant de l’e-administration y était pour quelque chose...

Petite demande à Alexandre Santos, qui a écrit un post intéressant dans Agoravox sur les nouvelles pratiques démocratiques avec DemExp : écrivez un billet plus synthétique et plus pédagogique.



8 réactions


  • Pierre MULLER (---.---.167.193) 26 octobre 2005 13:15

    C’est reposant, c’est façon de voir l’actualité en rose smiley. Dormez, brave gens, tout va bien, on s’occupe de tout, ne pensez plus à rien... Sur un autre site, j’ai appelé cela « Bisounours, ou mensonges par omission ? »

    Pourtant ces articles de Libération sont bien faits : détaillés et équilibrés. Donc pour rétablir l’équilibre, je vais y aller moi aussi de mes citations :
    - un fonctionnaire du bureau des élections suédois est moins convaincu : « On n’a rien compris à ce qui se passait, réagit-il, mais un dépouillement high-tech peut-il être autre chose qu’une affaire d’experts ? »
    - Pour ses opposants, au contraire, la législation estonienne ouvre une brèche dangereuse dans les impératifs [] de secret du vote.
    - « Je ne suis pas inquiet pour l’Estonie, explique Jaak Allik, député du Parti du peuple (centre gauche), mais le fait qu’une délégation de Bahreïn venue observer notre vote en ligne soit repartie enthousiaste ne me paraît pas très rassurant. »
    - « Les tests réalisés ont généralement montré qu’il posait plus de questions nouvelles qu’il n’en résolvait d’anciennes, explique Thierry Vedel, chercheur au Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences-Po.

    Et pour ceux qui ont envie de rire au nez des politiciens qui promeuvent le vote électronique en annonçant que l’abstention va reculer...
    - « Tout le monde, ici, est au courant du vote par Internet et au moins cela nous fait une image de marque à l’étranger, sourit-il. Mais pour moi, cela reste plus pratique et surtout plus agréable de me déplacer au bureau de vote le dimanche. Maintenant, demandez à mon fils de 20 ans qui passe ses après-midi libres à jouer aux jeux vidéo ce qu’il en pense, sa réponse sera peut-être différente même si je sais que cette fois, il n’ira pas voter, ni en ligne, ni au bureau de vote. »
    - « Les partis pro e-vote espèrent que la possibilité de voter depuis sa cuisine leur rapportera de nouveaux électeurs parmi les jeunes, de loin les plus enclins à l’abstentionnisme explique Jaak Allik, député du parti du peuple, un parti agraire de centre-gauche. Mais ils auront beau leur offrir trois ordinateurs, ils ne voteront pas plus, en Estonie comme ailleurs, s’ils n’ont aucun candidat pour qui voter en raison d’un débat politique qui se résume à un jeu d’ambitions personnelles. »

    Certes, les politiques qui s’expriment ont des arrières-pensées (dans un sens ou un autre), c’est d’ailleurs bien montré dans l’article.

    Quant au Premier Ministre, il nous sort la comparaison récurrente et infondée entre banque et vote en ligne. Vous pouvez contrôler l’exactitude d’une transaction bancaire a posteriori, par exemple en vérifiant vos relevés de compte. Et deux systèmes informatiques sont en jeu dans chaque transaction. Et surtout, ils peuvent garder toutes les informations nécessaires à l’intégrité des données : il n’y a pas de secret entre vous et votre banque. Au contraire, un système de vote anonymise votre suffrage : vous n’aurez jamais le moyen de vérifier ultérieurement si il a été enregistré et compté. Ou alors, cela veut dire qu’il y a possibilité de rompre le secret du vote.

    J’aimerais connaitre la réponse des services de Mme Ulle Madise à la question posée au Forum e-democratie, à savoir si on tapait son code PIN sur un clavier intégré au lecteur de carte, ou sur le clavier de l’ordinateur. Dans le deuxième cas, c’est facilement piratable. Les deux types de lecteurs (avec et sans clavier) existent.

    Quant à la croissance (réelle) dûe à l’e-administration, pourquoi toujours amalgamer vote et administration électronique ? Le premier pose d’énormes problèmes que voient les informaticiens tels que moi, informaticiens par ailleurs tout à fait favorable à l’administration électronique. C’est interdit, les ventes liées, il me semble smiley

    Les trois articles : ici et , et un panorama du vote par internet en Europe : “Une pratique limitée”, avec comme résumé des projets de la Grande-Bretagne (dont on parle beacuoup que de l’Estonie...) :
    - des tests ont été effectués lors des élections locales de 2002 et 2003, permettant à des millions d’électeurs de voter par l’Internet et SMS. Expériences coûteuses, qui n’ont pas permis de faire reculer l’abstention, et dont la généralisation ne semble plus à l’ordre du jour.

    Pierre Muller,
    webmestre de www.recul-democratique.org
    Citoyens critiques envers le vote électronique, où qu’il soit smiley


  • Michel Monette 26 octobre 2005 14:08

    Je demeure vraiment @-septique en ce qui concerne le vote électronique dans des machines à voter, encore plus pour le vote sur le Web. À tout le moins, une preuve matérielle du vote doit absolument être conservée pour recomptage, avec dépouillement d’un échantillonnage suffisant de ces votes sur format papier qui garantisse qu’il n’y a pas de distorsions lors du « dépouillement » électronique. Mes études de maîtrise en archivistique m’ont assez alerté sur les difficultés que pose la conservation des preuves électroniques, sans compter que l’informatique n’est exempte de défauts, loin de là.

    Et puis, que seront nos bonnes vieilles soirées des élections avec les amis si les résultats sont connus quelques minutes à peine après la fermeture des polls smiley


  • Jean-Paul Droz (---.---.160.105) 26 octobre 2005 16:04

    Au delà de toute interprétation, les faits sont les faits. Les Estoniens sont satisfaits du e-vote aux municipales et vont l’étendre pour les législatives de 2007.

    Je pense que certaine personne craigne le e-vote car elle fantasme sur le vote papier. Il n’est pas possible de recompter les voix par exemple.

    Ma proposition est la suivante : que le e-vote soit expérimenté par les associations (par exemple les Associations de Parents d’Elèves). Je rappelle que dans certaines régions ,les élections aux CCI furent réalisées par e-vote.

    Au plaisir


  • Pierre MULLER (---.---.167.130) 26 octobre 2005 17:34

    “Les Estoniens sont satisfaits.” Ce n’est pas vous qui nous disiez il y a peu que les Français n’en voulaient pas, au seul vu des blogs ? Mais peut-être en effet les Estoniens sont contents. Et après ? Sont-ils bien informés ? Le débat a-t-il été aussi pauvre qu’en France ?

    fantasme sur le vote papier”. Bizarre expression. J’aurais plutôt l’impression que le fantasme et le rêve sont dans la magie du vote électronique. Mes fantasmes vont ailleurs smiley

    “Il n’est pas possible de recompter les voix par exemple.” Ce n’est pas bien clair comme argument. Est-ce une allusion au fait qu’on ne garde pas très longtemps les bulletins papier en France ? C’est un choix, d’autres pays en font de différents. Et en vote électronique, qu’est-ce vous recomptez au juste ?

    M. Droz, votre entreprise peut-elle être amenée à conseiller ou à vendre du vote électronique ?

    Pierre Muller,
    webmestre de www.recul-democratique.org


  • Alexandre Santos (---.---.166.143) 26 octobre 2005 21:18

    à JP Droz :

    Message bien reçu. Je ferai un article simplifié et plus didactique, et utiliserai l’ancien comme référence pour ceux qui veulent aller plus loin.

    En tout cas, c’et sûr que la fiabilité et la confiance dans les procédures de votation électroniques vont encore faire couler beaucoup de bits.


  • Manu (---.---.77.234) 27 octobre 2005 22:26

    Pour faire comprendre le problème inhérent au vote électronique, je prendrai comme exemple... la voiture !

    Il y a encore quelques années, les bricolos du dimanche pouvaient encore facilement remédier aux pannes de leur véhicule (selon la gravité). Aujourd’hui, ça n’est plus possible car il est nécessaire d’avoir l’équipement électronique adéquat...

    Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : informaticien de gestion en monétique moi-même, , le principe en lui-même ne me gêne pas ; par contre ce qui est discutable, c’est l’impossibilité pour quelqu’un n’ayant aucune connaissance en informatique de contrôler la procédure de vote.

    Sur ce point, le vote papier a de beaux jour devant lui !


  • Pierre MULLER (---.---.66.134) 28 octobre 2005 01:47

    Manu,

    Quelle impression vous fait le concept de bulletin imprimé vérifié par l’électeur ? Est-ce vraiment contrôlé par le citoyen ?

    Pour info, Yannick Blanc, le haut fonctionnaire en charge du vote électronique, a dit qu’il rendrait son tablier si jamais ce système était imposé en France...

    Pierre Muller,
    webmestre de www.recul-democratique.org
    Citoyens critiques envers le vote électronique


  • Pascal (---.---.2.86) 31 octobre 2005 15:17

    Vote électronique en E-stonie : un tout petit pas pour le vote par internet

    Thierry Vedel [fr] revient sur l’expérience du vote électronique en Estonie le 16 octobre dernier. Après l’enthousiasme initial, les chiffres publiés sont plutôt décevants : malgré le fait que 50% de la population estonionne dispose d’un accès à Internet, seul 1% des votes auront été enregistrés en ligne. Cette faible participation s’expliquerait par le faible taux d’équipement en lecteurs de cartes requis pour ce type de « transactions » sécurisées. En tout, cas pas de contestations des résultats à ce jour.

    sources : http://blog.netpolitique.net/index.php/2005/10/30/134-vote-electronique-en-e-stonie-un-tout-petit-pas-pour-le-vote-par-internet

    http://vedel.blogspot.com/2005/10/estonia-did-it.html


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