L’intime conviction de Patrick Sébastien
Dans un entretien récent accordé au quotidien Le Parisien pour la promotion de son livre, Patrick Sébastien affirme qu’il "représente les gens normaux" et que "les élites méprisent le saltimbanque que je suis". Cette volonté de normalité et ce désir de divertir le plus grand nombre me le rendent tout à fait sympathique. Je n’en suis que plus à l’aise pour dénoncer, dans la même interview, les propos absurdes qu’il tient sur Nicolas Sarkozy. A la fois, il s’affiche chiraquien et reproche à ce dernier de vouloir "le pouvoir à tout prix". Il y a là comme un paradoxe. Certes, dans le PAF, il faut un certain courage pour proclamer aussi vertement ce qu’on pense, mais l’audace n’a jamais garanti la pertinence du fond.
Pour autant, ce
n’est pas son intime conviction sur le plan politique qui m’intéresse
au premier chef, mais Intime conviction, sa nouvelle émission, dont
j’ai vu la deuxième diffusion. Intime conviction étant un concept qui
renvoie à la Cour d’assises - la promotion a été faite, peu ou prou,
sur le caractère judiciaire -, j’ai été curieux de voir ce qu’il
en était exactement et si, en particulier, ce spectacle télévisuel
méritait de diviser les juristes.
Ma réponse est clairement
négative. Cette émission - et je reprends les termes utilisés par le
Président Sébastien lui-même, puisqu’il joue le rôle du président de la Cour d’assises - est "un divertissement, un jeu de hasard, un jeu", et
ce serait l’accabler que de prétendre y chercher une quelconque
finalité pédagogique ou exemplaire. Elle ne concerne que le
téléspectateur, et en aucun cas le citoyen. Sur le plan criminel, elle
contient un nombre incalculable d’erreurs, des plus bénignes aux plus
graves, et elle ne donne absolument pas une image fidèle, même adaptée
pour l’audiovisuel, du tragique, de la gravité et du rituel de la Cour
d’assises.
Plus que l’intervention d’un jury composé de personnalités très inégales (Sarah Marshall !), la présence de deux véritables avocats pouvait en donner l’illusion. L’un se voyant attribuer la mission de l’avocat général, c’est dire que vraisemblablement, aucun magistrat n’a voulu s’impliquer dans cette entreprise dont le caractère est faussement hybride, et à ce titre, plus ridicule qu’éclairant. Qu’on me permette de dire que voir maître Gilbert Collard promu conseiller technique de l’émission n’a pas été pour me rassurer, ou plutôt m’a confirmé que nous allions bien tomber en plein divertissement !
Il faut dire que, dans ce seul registre, j’ai trouvé l’émission remarquable. La qualité du scénario, l’habileté des pièges et des indices, la construction et l’intensité dramatiques, le talent des acteurs, l’absence de vulgarité de Sébastien qui, s’il avait eu un autre look, aurait fait un président tout à fait passable, avec sa bonne voix et ses propos convenables, faisaient un spectacle qui maintenait le téléspectateur en haleine.
Mais le citoyen et le passionné de vérité judiciaire restaient totalement sur leur faim.
Alors
que la structure du procès est si naturellement accordée à l’univers de
la télévision qu’on pourrait concevoir une infinité de projets à la
fois sérieux et attractifs, fondés sur l’antagonisme des thèses et
des discours, Patrick Sébastien a manqué une occasion et a fait
regretter, aux plus âgés d’entre nous, Messieurs les jurés.
Le parti était inverse : celui du respect le plus scrupuleux possible
de la Cour d’assises et de son fonctionnement.
J’ai cru
comprendre que Patrick Sébastien n’était pas satisfait de l’audience.
Il ne lui reste donc qu’à se remettre au travail et à imaginer autre
chose.
Que le saltimbanque talentueux n’oublie pas le citoyen qu’il sait être, et on aura une bonne télé !