vendredi 25 juillet 2008 - par Acidifié

La tyrannie des intervenants

C’est une curieuse mode qui envahit la presse depuis peu, que celle qui consiste à faire appel à des intervenants extérieurs, "gens du peuple" ou "experts", pour parler des différents sujets que journaux et radios devraient traiter eux-mêmes. Que cache ce procédé ?

Un racolage aisé

Tout d’abord, ces procédés permettent aux médias de se dire "proches du peuple". Finies ces accusations de sectarisme journalistique : la justification est là, les journalistes font appel aux gens, aux vrais gens. On le voit bien sur certaines radios. L’exemple de RMC est frappant : cette radio ("Sport - Talk - Info"), pour un prix exorbitant, "permet" aux auditeurs, après être passés par la sélection du studio, de s’exprimer "librement". C’est ce principe qui a fait le succès de la station : entendre des gens "comme vous" parler, avec des mots normaux, des problèmes normaux de M. X, attire.

C’est indéniable, et pourtant c’est malsain. Le rôle du journaliste est-il d’interviewer platement M. X, en se contentant de le cantonner dans les limites du politiquement correct ? N’est-il pas plutôt d’élever l’âme ?

Encore, si les défauts de ce procédé se limitaient à un racolage de bas-étage, entre Secret Story et la Nouvelle Star, on pourrait passer l’éponge.

Une subjectivité non assumée

Le principal défaut de ce procédé, c’est en réalité de permettre aux grands journaux de référence de se défausser de leur "mission d’objectivité". L’intervenant, bien souvent impliqué, reste subjectif. Témoin, le dernier article du Monde, présentant une interview de la patronne de l’université de Troyes, à propos de l’autonomie des universités. Cette dernière ayant souhaité l’autonomie pour son université, il est évident qu’elle ne brossera pas de portrait négatif de la réforme.

Et pourtant, cette subjectivité n’est pas assumée par les journaux. Nulle part, elle n’est affichée.

Au contraire, on peut soupçonner parfois qu’elle est utilisée à dessein : la preuve, à nouveau dans le Monde, qui publie des recueils de "Témoignages" sur des thèmes divers. Dernier en date : "Avez-vous eu des difficultés à emprunter ?" Plutôt que de chercher des chiffres, les journalistes du Monde ont fait répondre "Oui" à cette question à une dizaine de personnes. Vous n’êtes pas d’accord ? Circulez.

Où est donc le journalisme objectif là-dedans ? N’est-il pas temps d’assumer ?


12 réactions


  • Lapa Lapa 25 juillet 2008 11:57

    bah c’est du micro trottoir adapté. degré zéro du journalisme.

    ceci étant c’est pas le journsaliste qui est sensé élever l’âme mais l’art.


    • bobbygre bobbygre 25 juillet 2008 12:44

      Oui, si ils pouvaient élever notre connaissance de nos politiques et de leurs combines, par contre, on leur en serait reconnaissant.


  • HELIOS HELIOS 25 juillet 2008 12:46

    Journaliste ? voyons, de quoi parlez vous svp ? où avez vous vu des journalistes, vous ?

    Je ne vois partout que des employés, les mêmes, absolument irresponsbles et incompetents dans le domaine qu’il exercent. Impossible de parler de metier, il n’y a plus de metier.


    — Avez vous vu un banquier dans une banque vous ? il n’y a plus que des automates ou des employés vendeurs de contrat preremplis.

    — Avez vous vu un assureur dans un cabinet d’assurance

    — Avez vous vu un mecanicien dans un garage, un boucher a carrefour, un peintre, un maçon etc... non non vous voyez des employés qui font ce qu’on leur dit de faire dans une gamme de responsabilité la plus restreinte possible, la tête sur le billot, sous la hâche du politiquement correct....

    Il y a beaucoup de raisons a cela, mais c’est hors sujet.

    Bientôt a l’hopital, quand vous n’aurez plus de medecins, de chirurgiens, d’anesthesistes que nous restera-t-il ? même pas des politiques pour nous plaindre car ce sont DEJA des employés de leur parti, qui votent comme un seul homme et dont les convictions n’existent que 15 jours avant les elections.


  • tvargentine.com lerma 25 juillet 2008 13:12

    Vous vous présentez comme "Je suis un webmaster engagé"

    Personnellement je connais le métier de webmaster mais pas celui d’engagé !

    C’est pour cela que vous ne trouvez pas de boulot ;il faut supprimer (deleter) le mot "engagé"

    EN plus vous lisez un journal "LE MONDE" que personne ne lit plus tellement il n’est plus crédible



















     

  • Jeune Cadre Dynamite Jeune Cadre Dynamite 25 juillet 2008 14:14

    De la part d’une girouette effectivement, « engagé » est p-ê un terme ardu à appréhender... http://www.usurpateur.com/

    Et quel besoin de lire la fiche d’auteur et de la commenter ? A oui, rien à dire...

    Par ailleurs, vous faites ici une très belle démonstration du propos de l’auteur. Car un média comme Avox est la parfait exemple de cette tyrannie des Intervenants, les auteurs étant de faits des intervenants et le commentateurs se plaçant au même niveau quand ils ne s’établissement pas en commité de trolling/censure. Résultat : peu de discussions de fond, beaucoup d’épidermique, mais surtout le commentaire et la généralité prennant le dessus sur le fait.

    L’auteur cite l’exemple du Monde qui commence à suivre l’exemple d’autres parutions web et à limiter les articles pouvant être commentés. A juste titre de mon point de vue, étant donné le caractère épidermique et l’indigence de certains commentaires.


  • Lisa SION 2 Lisa SION 25 juillet 2008 14:15

    " ...Un racolage aisé
    Tout d’abord, ces procédés permettent aux médias de se dire "proches du peuple". Finies ces accusations de sectarisme journalistique : la justification est là, les journalistes font appel aux gens, aux vrais gens. On le voit bien sur certaines radios.... ... Entendre des gens "comme vous" parler, avec des mots normaux, des problèmes normaux de M. X, attire...." avez vous écrit.

    Vous faites allusion à cette vitrine du paradis fiscal de notre sud à nous, et ce que vous dites s’y rapporte très bien. Mais je n’écoute que très peu cette radio et la plupart des autres, ne correspond pas à vos termes. Très souvent, les " gens du peuple " disent des vérités bien plus claires et facilement acessibles, là où des experts peuvent être inaudibles et incompréhensibles. C’est une sélection rigoureuse qui assure à la radio la qualté des interventions publiques et cela apporte une qualité conséquente à l’auditeur. Mais cela permet tout particulièrement de découvrir le nombre important de " petites gens " expertisans, doués de bon sens actif, et scrupuleusement attentifs à l’actualité. L’intérêt essentiel de cette diversité est qu’ils dénoncent très souvent des informations loin d’être à la "une" mais néanmoins d’extrème importance. Je ne parle pas là que de faits divers locaux, mais de résumés qui peuvent en faire la synthèse pointue. La tyrannie provient souvent des présentateurs de votre radio qui montent le son et le ton...


  • Telhemnos Telhemnos 25 juillet 2008 17:57

    Bonjour,

    je rejoins tout à fait l’auteur sur sa pénultième question :
    Où est donc le journalisme objectif là-dedans  ?

    Il me semble — subjectif ... — qu’un journalisme objectif se doit :

    • de rapporter des faits, dans leur intégralité et sans ajout d’information périphérique non directement liée au fait, et laisser au destinataire de l’information se faire son propre jugement,
    • OU de rapporter ces faits et d’en proposer une analyse complète sans parti pris.

    Le second point est délicat quant à l’analyse : difficile pour tout un chacun de mettre de côté sa subjectivité — opinions, culture, éducation, expérience, ... — pour prétendre présenter au lecteur/auditeur/téléspectateur, avec un nombre de mots ou de secondes limité, tous les tenants et aboutissants d’un fait. Et même en cas de réussite de ce difficile exercice, cela pourrait passer pour du pédantisme ("J’ai réfléchi, parce que je sais que vous n’auriez pas pensé à tout ça ..."), ou bien conduire à l’habituel catalogage/étiquetage "journaliste de XXXX = forcément pro/anti YYY ". Il ne faut de plus pas nier les pressions exercées sur les journalistes — des salariés qui douvent bien vivre, et là je parle de journalistes, pas de présentateurs de JT — par leur rédaction, voire le(s) propriétaire(s) du média concerné. Donc analyse objective : on oublie.

    Le premier point est également délicat : si je suis exhaustif, mais ne glisse pas les quelques informations qui, bien que décorrelées du fait, peuvent susciter débat/controverse/émotion, ben on ne relèvera pas l’info et demain les gens discuteront ainsi : "j’ai vu/entendu sur XXXX", "j’ai lu dans YYY", et XXX ou YYY ce n’est pas ma boîte, c’est la concurrence.

    Les solutions :
    • l’expert : il décortique tout les faits et, grâce à son savoir incommensurable dans le domaine, distille au profane son oracle ; autant dans certains domaines on peut leur faire crédit, autant dans d’autres (ex. entendu — désolé je n’ai aucune référence concrète — il y a quelque temps sur France-Info, de la part d’un "spécialiste du Proche et Moyen Orient" : "La situation entre Israël et Palestiniens est tendue, et il ne faut pas s’attendre à une améliration des relations, à moins d’un gest de l’un ou l’autre des protaganistes") c’est du pipeau ("demain il fera beau ou il pleuvra"),
    • le micro-trottoir : sondage à pas cher, qu’il est facile de rendre non représentatif ("Non, là, le beauf en marcel, j’en veux pas, on le coupe au montage ...") et qui de toute façon, compte tenu de l’échantillonage, ne vaut rien car non représentatif, même si une ou des perles de bon sens se glissent dans les propos de l’intérrogé(e). Son grand intérêt réside dans le fait qu’on interroge un X plus ou moins semblable au destinataire de l’info, plus à même de faire vibrer sa corde émotionnelle : une victime, un témoin, un voisin, un riverain, un "professionel du secteur", ...
    • et le pire : l’avis du people ou de l’intellectuel célèbre, qui mixe un peu des deux.
    Ainsi, moi journaliste, je me contente de rapporter ce qu’en disent d’autres ; j’ignore si tout est dit, si tout ce qui est dit est vrai, si tous les aspects de la question sont abordés ... Mais l’expert est un expert, il sait de quoi il cause ... les 5 personnes intérrogées sont du coin, elles se savent de quoi elles parlent, l’intellectuel, ben c’est un ilntellectuel, et le people son avis compte.

    On a désormais l’impression qu’il n’y a plus de journalistes — attention, je ne généralise pas — mais plutôt des rapporteurs, rédacteurs, présentateurs, "interviewers" ...

    On nous donne du prémaché, volontairement ou non incomplet ou déformé. On compte sur nous pour prendre ce que l’on nous distribue pour argent comptant ; heureusement les esprits critiques ne sont pas — tous — endorùis, et il existe encore des leiux de débats, de confrontation d’idées, et donc de réel traitement de l’information.





  • patrice patrice 26 juillet 2008 10:53

    Je crois que l’auteur oublie un élément essentiel du rôle des intervenants. Ils servent de justification à la pseudo objectivité des journalistes. Les intervenants ne le sont pas. Tous le monde le sait sauf quelques naïfs indécrotables (ceux qui croient que TF1 ou l’huma sont des médias indépendants et objectifs).

    Le problème de la presse française est surtout celui de la fausse objectivité. La plupart de nos médias sont orientés. Presque aucun ne l’assume ni n’accepte de l’afficher.
    TFI est UMP car bouygues l’est, pourtant cette chaîne se présente comme objective ;
    France télévision est toujours à la remorque de son directeur de l’info, qui est nommé par le pouvoir en place...
    Idem pour France inter, france info etc...
    Europe 1 c’est la radio de lagardère (UMP) ;
    RTL, (la radio ou officie apathie) n’a pas d’ennemi chez les libéros !
    Paris Match est un relais du sarkozysme, on l’a vu avec son changement de rédacteur en chef.
    Même chose avec france soir...
    Marianne se présente comme objectif, mais ne diras jamais de mal de Bayrou ni des socios-libéros du PS.
    Le Monde, a des éditos économiques parfois plus à droite que ceux du Figaro.

    Au final, le figaro, politis, courrier inter etc.... me semble quelques uns des rares médias français à être honnêtes vis-à-vis de leurs lecteurs.  Ils ont une ligne éditoriale marqué, l’assument et ne s’en cachent pas. Je suis d’ailleurs convaincu que c’est plus facile de faire un bon article dans de telles conditions.
    Ces médias savent en effet que "ce n’est pas parce que l’on dit ce que l’on crois que l’on dit la vérité". Ils ont compris que l’objectivité selon quelqu’un est toujours intimement liée aux valeurs auxquels croit cette personne.


  • Francis, agnotologue JL 26 juillet 2008 11:17

    Sur le fond, l’auteur n’a pas tort, mais n’est-il pas lui-même coupable de livrer à cette facilité qu’il dénonce ? Il me semble que ce sujet méritait mieux que ce billet écrit sur un coin de table, désolé.


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