mercredi 24 mai 2006 - par Christian Jegourel

La vidéo à la demande et les enregistreurs numériques menacent l’économie des chaînes de télévision

Jusqu’ici, les responsables de réseaux de télévision ne considéraient pas la VOD comme une vraie menace pour leur audience. Une étude américaine menée conjointement par Forrester Research et l’Association des annonceurs montre son impact négatif sur la publicité.

Cela commence à faire beaucoup pour les chaînes de télévision. Entre les nouveaux entrants Internet qui vampirisent la publicité, la multiplication des chaînes par la TNT et par l’ADSL, la dispersion du téléspectateur s’accélère. Et voilà qu’en plus les technologies permettant la vidéo à la demande et les enregistreurs numériques (type TiVo mais également des fonctionnalités présentes sur les sets top box de certains FAI) nuisent à l’audience des images payantes.

L’étude de Forrester Reseach menée aux Etats-Unis n’est peut être pas encore représentative de la situation en France, mais elle devrait faire réfléchir les TF1, M6 et autres chaînes qui vivent de la publicité.

70% des annonceurs américains déclarent que les services de VOD et les enregistreurs numériques nuisent à l’efficacité de leurs spots publicitaires, et 60% d’entre eux pensent réduire leurs budgets dans les spots traditionnels.

Nul doute que ces budgets vont se retrouver sur les supports Internet qui permettent de mesurer plus efficacement les retombées publicitaires avec des outils de gestion de relations clients.

97% des annonceurs interrogés dans l’étude souhaitent une meilleure traçabilité de leurs clients potentiels. Il est clair que les logiciels de CRM sophistiqués utilisés par les sites Web leurs offrent cette possibilité.

Certaines chaînes américaines imaginent donc des messages insérés entre les spots publicitaires qui permettent de gagner des lots divers afin que les spectateurs soient incités à regarder les clips payants. Bien souvent, ces messages renvoient aux sites Internet de la chaîne, ce qui permet de faire un teasing multi-supports et de proposer aux annonceurs de suivre leurs clients. Certains network US ont même été jusqu’à la gestion de l’acte d’achat avec de la vente en ligne.

TiVo, l’un des fabricants leader d’enregistreurs numériques, qui s’était fait connaître en proposant aux utilisateurs de zapper automatiquement la publicité de leurs programmes, propose aux annonceurs de la publicité interactive. J’avais abordé ce sujet dans un précédent article (ici). La nouveauté est que pendant un spot délivré par TiVo, un message interactif dans lequel le spectateur peut cliquer apparaît. Un test avec Lexus a déjà été réalisé.

L’étude de Forrester montre qu’environ 20% des foyers américains sont équipés d’enregistreurs numériques, et que la grande majorité les utilisent pour zapper la publicité.

Il faut faire remarquer qu’aux US le nombre de spots dans un programme n’est pas limité comme en France, et que zapper devient nécessaire si l’on veut suivre le programme. Quoi qu’il en soit, c’est une tendance qu’il faut étudier en Europe, car si le marché des enregistreurs de type TiVo n’est pas développé, les sets top box des FAI sont de plus en plus nombreuses et le déploiement de l’ADSL, puis de la fibre optique, va accroître dans les prochaines années la capacité d’accès à ce type de fonction. L’autre point important, c’est que TiVo n’est pas en très grande forme, et qu’il pourrait être racheté (ici). Imaginez un rachat par Google ou Yahoo, qui proposent des TiVo low cost en France, et qui commercialisent leurs propres pubs complémentaires de leurs campagnes Internet. Avec la boulimie d’acquisitions qu’ont les GYM en ce moment, cela n’a rien d’utopique. Et là, ce n’est pas pour dans cinq ans, c’est dès 2007. Cela pourrait également être une fonction proposée dans les Xbox de Microsoft...

S’il n’y a péril aujourd’hui, il y a donc une vraie menace pour les chaînes. Si l’on regarde le CA publicitaire de TF1 en 2005 (1,65 M€) et celui de M6 (623 millions €), 20% de recettes en moins, cela fait plus de 450 millions d’euros en moins !

Bon courage pour les budgets prévisionnels dans quelques années. Il va falloir innover, ou réduire la voilure.

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6 réactions


  • Forest Ent Forest Ent 24 mai 2006 12:22

    Encore bien vu. :)

    Un FAI comme Free peut mesurer l’audience réelle d’une chaîne télé chez tous ses abonnés. (Nielsen et Médiamétrie ont à ce sujet du souci à se faire.) Seulement Free ne peut pas savoir si l’abonné regarde la chaîne ou l’enregistre sur son PC pour la regarder sans publicité en time shift.

    J’imagine qu’en ce moment Procter&Gamble, premier annonceur tous supports confondus, fait beaucoup d’études pour savoir quel support vend vraiment. Pour deviner la suite, il serait intéressant de voir vers quoi ils orientent leurs budgets publicitaires.


  • (---.---.162.15) 24 mai 2006 12:24

    C’est une bonne chose, cela ramènera les télévisions à une place plus modeste. Leurs prestations ne justifient pas d’avoir un budget de média dominant. Vive la dispersion !

    Am.


  • parkway (---.---.18.161) 24 mai 2006 16:19

    les budgets de la pub vont diminuer !!!

    Putain la bonne nouvelle !!!

    Vive la décroissance !


  • Christian Jegourel Christian Jegourel 24 mai 2006 16:29

    Il n’est pas sûr que ce soit une bonne chose pour les entreprises et la production française car le risque est que les coûts de production ne puissent plus être amortis par la diffusion sur des chaînes généralistes financées par la publicité et que nous ayons des programmes de plus en plus pauvres et globalisés. Autant dire américains ou sud américains puis Indiens. Je ne critique pas la qualité des productions étrangères mais la fiction locale est essentielle pour la survie de notre identité culturelle. Et je ne parle pas des emplois induits.


  • Romain C. (---.---.224.53) 25 mai 2006 20:22

    « le risque est que les coûts de production ne puissent plus être amortis par la diffusion sur des chaînes généralistes financées par la publicité et que nous ayons des programmes de plus en plus pauvres et globalisés » De toute façon les fictions (téléfilms) de tf1, france2, france3 sont déjà globales dans le sens où elles n’ont rien de spécifique. C’est le principe du plus petit dénominateur commun qui domine.

    « Je ne critique pas la qualité des productions étrangères mais la fiction locale est essentielle pour la survie de notre identité culturelle. » Vous parlez d’identité culturelle et dans le même temps vous diffusez un texte rempli de termes anglais : low cost, sets top box, vod, crm, network US. Tous les mots ont un sens. Chaque anglicisme employé est une fêlure de plus dans la culture française. Les chefs d’entreprises et les cadres sont les premiers promoteurs de la langue anglaise en France. Essayez de vous en souvenir lors de votre prochain discours ou de votre prochain article. Il suffit d’un peu de volonté. Par exemple il est possible de remplacer « business model » par « modèle économique »... Faîtes marcher votre imagination.


    • Christian Jegourel Christian Jegourel 5 juin 2006 12:25

      Merci de votre commentaire même si je ne partage pas entièrement votre position. Pour moi la culture français doit être conservée mais non sanctuarisée. Je reviens de l’étranger et ai rencontré des personnes de plusieurs nationalités dont beaucoup d’Européens. Notre langue commune a été l’anglais, ni le français ni l’italien. C’est un fait : aujourd’hui la langue dominante est l’anglais et refuser cette évidence ne fera que nous isoler un peu plus sur la scène internationale. Mes contacts en Europe, au Canada ou au Etats-Unis ne comprennent plus rien à ce qui se passe en France. La langue dominante sera peut être demain le chinois. Pour moi la culture est différente de la langue même si les deux sont liés. Il est tout à fait possible de concevoir des programmes de culture française en langue anglaise, espagnole ou chinoise afin que le plus grand nombre ait accès à notre manière de voir le monde. Si j’introduis des termes anglais dans mes articles c’est intentionnel afin d’essayer de montrer que dans le domaine des technologies de l’information, ce sont les anglophones qui ont presque tout inventé. Je pense que le fait de sanctuariser la langue française est un facteur de blocage de l’innovation et une forme d’intégrisme culturel. Mais je ne critique pas ceux qui pense autrement, j’ai peut être tord et toute opinion est recevable si elle argumentée. Je ne cesserai donc pas d’introduire des termes anglais dans mes publications. Cordialement


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