lundi 8 octobre 2007 - par Daniel RIOT

Le journalisme à l’ère électronique : radiographie d’une crise

En crise le journalisme ? Evidemment... Périls économiques, perte de crédibilité, audiences volatiles... et retombées (positives et négatives) d’internet et des gratuits, des nouvelles technologies... Alain Joannès offre un manuel qui vaut lecture. Un excellent diagnostic et de bons remèdes... pour reconstruire la fiabilité du journalisme, capter et fidéliser les audiences par l’interactivité.

1d00750168cce5cf8e77aefce660ba1c.jpgAncien éditorialiste rigoureux du Républicain lorrain, homme de culture et de réflexion, passionné par tout ce qui fait vraiment bouger le monde (il a mis en place la webradio d’Arte), auteur (apprécié) de Communiquer par l’image, Alain Joannès vient de publier un ouvrage à plusieurs dimensions. Qui vaut lecture et méditation non sur le « cyberjournalisme », mais sur le journalisme à l’ère électronique.

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Ce manuel (à mettre en toutes les mains et pas seulement entre celles des étudiants en journalisme) est riche d’infos pratiques, de conseils en tous genres, de ces mille et un « trucs » qui sont indispensables si l’on veut bien tirer parti de ces nouvelles technologies qui ont révolutionné les circuits de l’information sans que l’on prenne pleinement conscience des conséquences de cette révolution. Tout va trop vite. Et trop est trop en tout. Gutenberg dépassé par Mac Luhan, bien sûr... mais ce dernier est déjà dépassé lui-même !

Nous voici tous des « médianautes » « multicanaux ». Et la grande mutation est loin d’être terminée : les « neurotechnologies » commencent seulement leur règne. L’être parlant, donc « communiquant », y trouvera de nouvelles sources d’épanouissement ou d’étouffement, de progression ou de régression, de libérations ou d’aliénations.

Stupides de se montrer technophobe ! Il importe de maîtriser pour ne pas être écrasé. Pour ne pas subir les effets pervers de cette déstructuration de notre perception du temps et de l’espace qui est déjà la marque de cette ère où « l’homo sapiens sapiens » est d’abord un « zappanthrope » pour reprendre un mot de Castoriadis.

C’est en cela que ce manuel est aussi et surtout un ouvrage de réflexion. Sur le rôle nouveau du journaliste, ce « passeur » professionnel, et sur les attitudes, les comportements, les moyens d’informer et d’être informés de tous les citoyens.

Car le droit de l’information n’est pas qu’un droit de la presse : il est un droit d’informer et d’être informés. Un droit de savoir. Puisqu’il n’est point de démocratie sans connaissance. Sans ces éléments d’appréciations qui permettent de dépasser les préjugés, les a priori, les réflexes, les idées reçues et de ne pas être victimes de « l’air du temps », des « pensées uniques », des « pensées dominantes », des clichés en tous genres, des conformismes anesthésiants ou paralysants, des drogues de la paresse, toute cette « propagande au quotidien ».

Un constat essentiel dans cette perspective : Joannès met bien en relief une caractéristique nationale que nous ne reconnaissons pas assez, l’inforexie des Français. « L’inforexie est à l’information ce que l’anorexie est à l’alimentation ; un manque d’appétit ». Et un manque d’exigence. D’où le primat de l’émotionnel, la force des rumeurs, la puissance des imprécisions, le culte de la superficialité, le moule des conformismes (ce qui ne date pas d’aujourd’hui !).

La sur-information décrite si souvent masque une réelle « sous-information » qui favorise bien des « dés-informations ». Avec des écrans qui font écran !

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De cette « inforexie », les journalistes (« métier à reconfigurer », en effet !) sont à la fois responsables et victimes. Par paresse et conformisme, par « engourdissement corporatiste », par routine et mélange des genres, par oubli de l’essentiel : ce ne sont pas les « tuyaux » qui comptent, mais ce que l’on met dedans, ce que l’on y fait couler.

Or, les nouvelles technologies ne changent rien à ces « fondamentaux » du journalisme trop oubliés sur nos scènes d’ « info-spectacle », sur nos usines d’ « info-marketing », sur nos magasins d’ « info-divertissement », où le présupposé « intéressant » prime sur le pré-analysé « important ».

Ces « fondamentaux » se résument en quelques mots qui forment une chaîne (laquelle par définition n’a que « la force de son maillon le plus faible ») : recueillir, vérifier, décrypter, analyser, structurer, hiérarchiser, mettre en perspectives, formuler et diffuser. Les technologies nouvelles favorisent chacun de ces fondamentaux, mais tout (ou presque) se passe comme si elles les affaiblissaient, ce qui est un comble ! Sans doute parce que le « rich media » exige le respect d’autres « fondamentaux » : ceux des « éducateurs », des « instituteurs », des « professeurs ». Dans information, il y a FORMATION.

Merci à Alain Joanès pour cette brillante contribution qui trouve son prolongement sur internet, évidemment, avec un blog ! http://www. journalistiques.fr

Daniel Riot

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2 réactions


  • Daniel RIOT Daniel RIOT 8 octobre 2007 10:22

    Si le retour aux « fondamentaux » du journalisme vous semble être du bavardage, vous êtes un cyberbavard de première classe. Cordialement. Lisez le livre de Joannès, peut-être reviserez-vous votre cyberprésence...


    • caramico 8 octobre 2007 16:17

      Comment ne pas paraître médiocre tout en étant aux ordres ?

      Voilà le vrai défi de la plupart des journalistes.

      Malheur à celui qui sort du rang (Denis Robert...)

      Ils attendent sagement que la boîte à décérébrer ait fait son oeuvre, plus la clientèle est bête plus on lui fait croire n’importe quoi.


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