mardi 30 novembre 2010 - par Pierre de La Coste

Le monde selon WikiLeaks

La dernière opération de WikiLeaks nous fait changer de monde. Il ne s’agit pas d’un « 11 septembre diplomatique », mais plutôt d’un « 11 septembre informatif », qui met à mal le système d’espionnage universel mis en place par les anglo-saxons après la deuxième guerre mondiale.

Qu’on le déplore ou non, le "cablegate", la dernière opération de WikiLeaks (lire la présentation qu’en fait Wikipedia) nous fait changer de monde. Il ne s’agit pas d’un "11 septembre diplomatique", contrairement à ce qu’a affirmé maladroitement le ministre des affaires étrangères italien, mais plutôt d’un "11 septembre informatif".

Avant WikiLeaks, il y avait, d’un côté, un système espionnage généralisé, mondialisé, universel, entre les mains d’une puissance unique, les Etats-Unis d’Amérique. Et de l’autre une planète faite de réseaux, aspirant à toujours plus d’information, demandant toujours plus de transparence.

Rappelons que dés la fin de la deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis et les puissances anglo-saxonnes ont mis en place le réseau Echelon, destiné à espionner toutes les communications mondiales, de toutes natures. Avec la création d’Arpanet, puis de l’Internet, cette espionite permanente, orchestrée par la NSA, n’a fait que s’aggraver.

WikiLeaks se contente de pratiquer une petite ouverture dans le barrage qui défendait une zone à haute pression, où l’information est en quelque sorte comprimée. Instantanément, l’information envahit la zone de basse pression. C’est un système de vases communicants qui s’installe (comme l’indique plus ou moins clairement le logo de WikiLeaks ci-contre). 

Aujourd’hui, le fracas causé par cette éruption d’information est assourdissant. Mais demain ? L’information pertinente sera plus que jamais cachée dans la masse, comme une aiguille dans une botte de foin. 

L’utopie de la transparence universelle

Nous devons apprendre à vivre avec une nouvelle conception de l’information. Le problème n’est plus qu’elle soit accessible ou disponible au plus grand nombre. C’est de disposer des outils de recherche et d’analyse permettant de l’exploiter. Ainsi WikiLeaks s’est appuyé sur les outils développés par le site français Owni, très informé et parfois assez critique sur WikiLeaks. 

Faut-il regretter le monde ancien ? Evidemment non. Hillary Clinton, qui demandait à ses ambassadeurs de récupérer les traces ADN ou les numéros de carte de crédit de leurs correspondants, a-t-elle des leçons à donner à WikiLeaks ?

Néanmoins, la soi-disant "transparence" universelle est une utopie. Les manipulations de l’information ne vont pas cesser. L’esprit critique, la distance, l’indépendance d’esprit sont plus que jamais indispensables pour nous y retrouver dans un village global, où comme dans un vrai village d’autrefois, tout le monde sait tout sur tous et rien sur rien. 



3 réactions


  • vergobret 30 novembre 2010 16:14

    Houou, PDLC,
    comme je suis heureux de vous retrouver en ces murs, à cette place...
    Votre Saigneurie...

    « L’esprit critique, la distance, l’indépendance d’esprit sont plus que jamais indispensables »,
    Vous me subjuguez, là.
    Je ne sache pas que vous fussiez tenant des Encyclopédistes (1751, mais pré-révolutionnaires -le vilain mot- ’s’pas ?), mais plutôt de l’Ancien Régime, considérant (beaucoup) vos propres assertions, bien sûr...
    Y-aurait-il une -délicate- contradiction dans vos aspirations ?
    Mais, bon bougre, je suis prêt à croire que Diderot et les Lumières sont désormais vos potes...

    Je vous prenais pour Louis XVIII, mais il faut croire qu’un Richelieu sommeille en vous ?

    Vouzinquiettez-pas, vous pouvez vous livrer à vos diatribes habituelles adressées à vos contradicteurs, j’ai appris depuis à ne pas clasher sur les fous...

    Vouzinquiettez pas non plus pour notre Ancien Monde, notre Concino Concini national (qui fut conseiller de la Galigaï, sous Chirac Feurst Ministeur, comme bien le savez) finira par trouver son Vitry.

    Votre Saigneurie,
    Touchez ma bosse


  • franchamont franchamont 1er décembre 2010 10:14

    Excellentes remarques et observations. J’ai aimé en particulier :

    "Evidemment non. Hillary Clinton, qui demandait à ses ambassadeurs de récupérer les traces ADN ou les numéros de carte de crédit de leurs correspondants,  a-t-elle des leçons à donner à WikiLeaks ? »

    "L’esprit critique, la distance, l’indépendance d’esprit sont plus que jamais indispensables pour nous y retrouver dans un village global, où comme dans un vrai village d’autrefois, tout le monde sait tout sur tous et rien sur rien."


    • Pierre de La Coste Pierre de La Coste 3 décembre 2010 13:05
      Bonjour,
      D’après Le Monde, WikiLeaks a été lâché par son fournisseur de noms de domaines, après avoir été lâché par Amazon, son hébergeur.
      Mais WikiLeaks est acessible sur deux adresses IP :
      et
      ainsi que sur son adresse helvète :
      D’autre part, il semble que le nouvel hébergeur de WikiLeaks soit (en partie) le français OVH 
      Conclusion : il est impossible de censurer WikiLeaks, malgré le désir des américains, d’autant plus qu’une partie des données transite par des réseaux peer-to-peer.

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