mardi 16 juin 2009 - par Fabien Tarby

Le Petit Prince du OFF

La politique entre ON et OFF

L’un des jeunes princes du PS, Manuel Valls - l’avenir même de ce grand parti moribond - déambulait dans le marché d’Evry, ville dont il est député-maire, quand il se mit à susurrer, à la vue du spectacle : « Belle image, belle image de la ville d’Evry. J’aimerais bien [faudrait ?] quelques blancs, quelques white, quelques blancos », cependant, hélas, qu’une caméra et un microphone, non loin, le traquaient en mi-off.

A l’insu, sans doute, de son plein gré... A moins qu’il eut, le petit prince, un moment de naïveté sur l’auto-censure et la probité médiatiques, ou bien, simplement, de lâcher-prise. Nous n’en saurons pas plus. Sinon que l’image et le propos sont là.
Des exemples existent, ces derniers temps, favorisés de surcroît par le travail du Net, qui exposent crument la différence sensible entre le discours politique officiel des uns et des autres et leur raccourcis ou attitudes semi-privées. On se souvient, dans le genre, des remarques de Nicolas Sarkozy, sur le plateau de France 3, avant l’interview, scène édifiante diffusée par Rue89. Ou bien de la vidéo de Ségolène Royal, judicieusement portée à notre attention à l’orée des présidentielles, où La Madonne entendait veiller à réformer le scandaleux temps de travail des enseignants.

Sans doute doit-on voir en de tels phénomènes (y compris manipulateurs) l’émergence d’une nouvelle forme de médiatisation, à la fois sauvage, diagonale, minoritaire. Sauvage parce que la distinction entre le propos privé et le propos public est niée, diagonale parce qu’échappant aux mises en scènes préméditées, minoritaire parce qu’appartenant d’abord au net – ou aux petites chaînes télévisuelles – et n’accédant à la pleine lumière qu’à la condition de trouver dans ces sphères une caisse de résonance inouïe. Le Net, en un mot, reste minoritaire face à la puissance millionnaire de diffusion directe des Journaux Télévisés. Il convient de ne pas trop fantasmer sur sa puissance de propagande. Néanmoins il agit, exhibe, montre.

Pauvre Manu ! Il était bien certain, à son corps défendant, qu’il avait trouvé là de quoi nous fournir un joli buzz. Les questions de couleurs de peau, ça paye... Quelques-uns, d’ores et déjà, au PS, dans sa propre citadelle, ont exigé des explications et une condamnation émanant directement de la Première Secrétaire.
Je vois en cela deux sortes de considérations :

1. L’ambiguïté du propos de Manuel Valls qui peut donner lieu à deux lectures.

a- La première, qui risque fort d’être majoritaire, et qui explique d’ores et déjà que quelques bouches fassent crachats, verra dans de tels propos l’expression d’un racisme, ou d’un mépris, en tout cas. On veut du blanc, quoi, et l’on en a assez de ce qui ne l’est pas. Mais cette lecture est superficielle, naïve. Elle ressort de cette tendance qui est la nôtre de faire tête de jivaros de tout cerveau qui fait le constat d’un problème à la fois social et ethnique en ce pays. On finit par voir du racisme un peu partout, à tout propos et égards. Et d’autant plus que le thème est médiatiquement porteur, exaltant à la fois les bonnes volontés anti-racistes, et les fils, effectivement réels, de la haine ethnique.

b- La seconde inversera la lecture. Elle est le système de défense du principal intéressé dans l’interview, qui suit la diffusion des images. Le petit prince signifiait simplement, par-là, qu’il refusait la ghettoïsation, qu’il voulait un Evry ’’black, blanc, beur’’, etc. Qu’il n’acceptait pas que cette ville soit réductible à des quartiers identifiables à une couleur ou religion, au communautarisme de misère ou d’auto-suffisance spirituelle. Ecoutez attentivement la vidéo, qui n’est pas de bonne qualité sonore. N’y a-t-il pas un brin d’ironie dans la manière dont l’intéressé dit : « des blancs, des white, des blancos » exactement comme d’autres parlent de « nègres, de noirs, de blakos » ? Comme si le discours ethnique se retournait sur lui-même, se mordait la queue. Remarque d’homme politique qui en a vu d’autres, à mon avis, et qui traite finalement la question au ras-des-pâquerettes, il est vrai, mais sans exprimer autre chose que le constat que sa ville n’est pas encore idéale, de ne point rassembler sur les marchés ’’fromages blancs, blakos, et beurs.’’
Je précise, ayant pris l’habitude des malentendus, que je ne cherche par-là nullement à me faire l’avocat de Manuel Valls et du PS. Je rappelle simplement, aux lecteurs, qu’il y a deux lectures.

2. La question, plus générale, des nouveaux rapports introduits dans le système de la douce propagande médiatico-démocratique par la brouille de la distinction entre le off et le on, le propos privé ou public. Le off révélé est bien sûr une pierre dans le jardin des cérémonies réglées, celles qui nous ont jadis donné une image des Mitterrand, Chirac, Jospin bien différente de la réalité humaine de ces êtres – à moins que l’homme politique finisse par devenir une caricature vivante de sa propre marionnette politique, ce qui semble être, il est vrai, son destin...

Le off est ce danger salvateur que la politique commence à traiter en organisant sa reprise en on : d’où qu’Obama ira chercher hamburgers et frites à ses collaborateurs au MacDo du coin, tandis que Nicolas Sarkozy sera nounours-surprise des ’’femmes actuelles’’ venues rencontrées Carla à l’Élysée. Jeux de dupes, à la fine frontière, maintenant, du privé et du public. Mise en scène d’un nouveau genre. On/Off.

La grande force médiatique (je ne parle pas de politique pure) de Daniel Cohn Bendit, face à François Bayrou, fut d’installer le débat dans un espace qui ne soit pas de pure cérémonie. D’intégrer mieux que par la caricature (Obama et ses hamburgers, Sarkozy et les amis d’un jour de Carla) ce déplacement possible de la donne médiatique. Se mettant à tutoyer Bayrou, lors d’un des rares débats politiques médiatiques consacrés aux élections européennes de ce mois de Juin 2009, parlant directement, apostrophant, il a plu parce qu’il a montré ce que c’était, la puissance du off investissant le on.

Les vidéos mentionnées - entre On-Off, et Off-Off - ici.


9 réactions


  • souklaye 16 juin 2009 11:38

    Je ne sais plus si ce sont les grandes manœuvres qui font les évènements majeurs ou l’inverse ?

    Le spectacle qui va être donné dans les jours à venir est à mi-chemin entre la frape préventive communautairement individuelle et la désertion responsable votée à l’unanimité des participants.

    Le paradoxe du consensus réside dans le fait d’offrir un visage universel à une infinité de particularismes territoriaux, tout en prêchant pour sa chapelle tout en stipulant que l’on connaît encore les rudiments de la guerre sainte.

    Quand les mêmes personnes multifonction prétendent et claironnent régler toutes les crises, on peut se dire qu’il n’y a pas un problème de maladie, mais de diagnostic.

    la suite ici

    http://souklaye.wordpress.com/2009/04/01/bloc-note-le-bal-des-seconds-couteaux/


  • Traroth Traroth 16 juin 2009 11:55

    Valls, l’avenir du PS ? Dans ce cas, ce parti est effectivement foutu ! Je préfererais qu’il redevienne un parti de gauche, personnellement, pas que les petits copains de Nicolas, qui hier encore hésitaient à entrer au gouvernement, prennent le pouvoir !


  • LE CHAT LE CHAT 16 juin 2009 13:43

    celui qui passe son temps à cracher dans la soupe de ses copains de la rue de Solférino aurait mieux fait de la fermer , les micros ont des oreilles ! a t il honte d’être un élu du ghetto ? ça marque mal dans son petit monde bobo droitdelhommiste , c’était presque digne d’être une citation de son voisin Olivier Dassault le ploutocrate .


  • anny paule 16 juin 2009 17:41

    Manuel Valls faisait partie des invités officiels du groupe Bilderberg, en 2008... pourquoi penserait-il autrement que les gens « bien nés » ? Certes, il peut exister deux (voire davantage encore) lectures de ses propos « off », mais cette information réelle(Sa présence dans ce cercle très fermé) peut induire une lecture moins favorable encore... Quand il entrera au gouvernement, nous pourrons décrypter le sens de son propos ! Il semblerait qu’il soit sur la liste des pressentis !!! 


  • Philippe D Philippe D 16 juin 2009 18:13

    Réactions Au PS :

    ON
    Valls devra s’expliquer sur ce malheureux écart de langage qui risque de le discréditer, lui et tous nos camarades du PS, dont l’action quotidienne est au contraire de faire obstacle aux mesures discriminatoires du gouvernement ....

    OFF
    Putain, on a un sérieux problème avec ce thème de l’immigration. Martine devrait nous organiser un séminaire avec quelques experts en communication. Si on ne peut même plus dire quelques vérités sans s’en ramasser plein la gueule. Surtout que là, Valls y est allé doucement, par rapport à ce que l’on se dit tous entre nous ....


  • Michael Jordan Manson (MJM) Michael Jordan Manson (MJM) 16 juin 2009 19:39

    Pour résumer :


    6x : Technologie, Mode, Citoyenneté

    Leader : Santé, société, international

    Super leader : Médias

    * Sports, religion ...


    Le jaune, le bleu à ne pas prendre en compte ... peut-être fight club, défouloir ou autre ...

  • Vitalia 16 juin 2009 20:31

    Faisons abstraction de la personne qui a prononcé ces paroles, de son appartenance politique, de ses ambitions.

    Le maire d’une ville de banlieue plutôt « défavorisée », parle « off ».
    Dans cette ville, ce que l’on appelle pudiquement « l’intégration » pose depuis des lustres des fichus problèmes.
    La maire dit qu’il souhaiterait plus de mélange dans les couleurs, plus de « blancs », moins de « ghettos ». Il n’a pas dit qu’il ne voulait « plus du tout de noirs », il a dit qu’il voulait « plus de blancs ».
    Un membre du PS s’offusque et dit que le propos est « raciste » parce qu’il assimile la couleur et l’origine sociale. Or on peut être blanc et pauvre, noir et riche. Dans l’absolu. A Neuilly, sans doute.

    Mais ne soyons pas faux-culs : dans les villes défavorisées, la plupart des noirs sont pauvres et vivent dans des ghettos. Il n’y a pas de mixité socioculturelle. Paris intramuros s’est « délesté » des plus pauvres vers les banlieues, qui doivent gérer à la fois les problèmes de la précarité et de l’hétérogénéité socioculturelle.

    Donc, au lieu de faire la chasse aux gros mots et au Valls, le PS ferait mieux de réfléchir d’urgence à cette question. La bienséance, ça va une minute mais deux c’est trop.


  • docdory docdory 21 juin 2009 17:19

    @ Fabien Tardy


    Il y a quelques années , Manuel Valls avait , toute honte bue , osé remettre en question la loi de 1905 et réclamer le financement public des mosquées !!!! Jaurès a du s’en retourner dans sa tombe ! Ça , un socialiste ??? Ce n’est pas ce genre de fossoyeur des fondamentaux de la gauche , tels que la laïcité , que le parti « socialiste » retrouvera un électorat .
    Soit le PS redevient laïque , soit il est condamné à une longue cure d’opposition .
    Quant à Manuel Valls , il semble mur pour être un ministre d’ouverture chez Sarkozy : ils ont tous les deux le même mépris pour la laïcité ...

Réagir