jeudi 17 août 2017 - par C’est Nabum

Le plan « Communication »

Je tombe des nues.

L’art et la manière de faire savoir se nomme parait-il « Plan communication ! » Les mots en la matière doivent le plus souvent être coupés, abrégés ou bien en anglais. Vous devez imaginer que je me sens dans ces conditions aussi à l’aise qu’un poisson sur la plus haute branche d’un arbre. Il me faut faire bonne figure quand ma collègue d’écriture se lance ainsi dans des explications que je peine à intégrer.

Autre nouveauté pour moi, cette nécessité de développer un plan de bataille pour vendre un livre. C’est mon troisième enfant mais pour les deux premiers, je n’ai pas eu le sentiment d’avoir participé à une telle stratégie de contournement, encerclement, conquête des médias et des institutions. Il est vrai que pour mes pauvres bonimenteries, le fiasco fut retentissant avec un silence des médias locaux assourdissants. La faute à qui ? Je commence à avoir quelques doutes sur la générale en chef de l’époque.

Je découvre avec stupeur qu’il convient d’informer ceux dont le métier est précisément de le faire. Plus encore, il est impératif de leur faciliter la tâche et même de mâcher si bien le travail qu’ils n’ont plus grand chose à faire. Moi qui avais l’incroyable prétention que mon livre fût lu pour bénéficier d’un article ou d’un interview, je comprends qu’il n’en est rien. Un bon résumé, quelques petits extraits et surtout les matériaux pour construire un article qui paraisse intelligent suffiront au bonheur des professionnels de la synthèse.

Il m’a fallu collaborer avec une femme de radio pour découvrir que les mots ne sont rien s’ils ne sont pas enveloppés dans des images, des vidéos, des anecdotes, des portraits qui n’ont rien à voir avec le livre en question. L’enveloppe prime sur les mots, une belle photographie assurant alors un succès d’estime puisque l’auteur est jugé sur sa bonne mine et non sur son style, qui ne touche que quelques spécialistes archaïques. Je comprends mieux le succès de certains confrères qui vendent du vent à longueur de colonne mais qui portent fort beau.

Je me plie donc aux exigences de ma collègue, supporte sans trop broncher mais pas sans ronchonner, une séance photo que notre ami et néanmoins illustrateur a bien voulu nous proposer. La pause, la posture pour avoir l’air intelligent à défaut de jouer les jeunes premiers. Je crains qu’en dépit du talent de notre Pirate, la mission soit impossible. Mais bon, puisque c’est le plan Com, autant s’y vouer corps et âme.

Le béret sur la tête, les pieds nus et la bourriche sur le côté, me voilà facilement estampillable : « Auteur régionaliste ! » à moins que des esprits plus taquins ne me pensent Benêt ou bien Bredin. Qu’importe puisque le but est de faire parler de soi, en bien de préférence même si la moquerie est, elle aussi, porteuse. Je choisis donc le côté grand Guignol qui me va si bien et colle au personnage qui se produit sur scène. Les vaches sont bien gardées quand on n’est pas surpris par le comportement du chien de berger !

Pour un livre, il convient donc de proposer des images, des photos entourées de mots simples, directs, facilement compréhensibles. Le texte doit être court, lapidaire, même si cet adjectif est à proscrire, m’explique ma collègue. Je ne parviens pas toujours à saisir pourquoi obsolète et muscadin sont des termes à éviter dans ce genre de communication. Le poids des mots est sans doute moins tangible que celui des images.

Pire que tout, je dois baisser pavillon tricolore en tolérant dans le dossier de presse des mots anglophones qui me font frémir d’effroi. La modernité de la démarche se passera aisément de mes réticences, mes cris de vierge effarouchée par des mots venus d’ailleurs. Je dois tout autant en rabattre un peu, garder le propos mielleux et le sourire de magazine. Il ne va pas être facile pour moi de mettre mon mouchoir dans ma poche ou pire, encore accepter de parler de notre livre en trente-quatre secondes, entre deux spots de publicité. Je suis pris dans les filets des grands communicants, gens de peu d’éloquence mais si pragmatiques et performants.

Je m’offre ce petit billet en guise de compensation secrète, de cautère sur la langue de bois que je vais devoir appliquer pour satisfaire aux besoins de l’objectif. Je sais que ma camarade veillera au grain et sera toute disposée à me gratifier de virulents coups de coude ou bien de pied si elle sent venir le dérapage, le terme abscons, la tirade ampoulée ou bien le propos acide. Elle saura me remettre dans le droit chemin de la communication acidulée ou mieux encore, me couper la parole pour sauver les meubles et nos ventes.

Je me prépare à cette rude épreuve avec confiance et bonnes intentions. Je promets d’être sage, poli, courtois, compréhensible, disert mais pas trop. Tout à fait moi en somme. Fort heureusement dame Nadine est quant à elle, bien plus à l’aise dans cet univers et même si, là je la fais passer, dans cette farce, pour un effroyable dragon, une harpie, une directrice de conscience sourcilleuse et sévère, elle se montrera comme souvent charmante et bienveillante pour me pousser à ne pas jouer le Caliméro de service ou bien pire encore, l’éléphant dans la rotative. Tout sera donc parfait dans le plus parfait des univers médiatiques.

Communicativement leur.

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17 réactions


  • Giordano Bruno - Non vacciné Giordano Bruno 17 août 2017 12:07

    Je me demande si les conseils que l’on vous donne sont adaptés. Prenons un cas particulier, peut-être trop : moi. Ce type de « communication » avec ses agrégats de mots clés et ses anglicismes me font fuir parce que justement je préfère les auteurs qui usent de la langue comme vous le faites. Vos conseilleurs risquent d’éloigner de vous ceux qui auraient le plus apprécié votre prose pour attirer d’autres lecteurs qui y seront moins sensibles.

    Cela me rappelle ceci. Je souhaitais lire le livre d’Ayn Rand, « Atlas shrugged ». Le thème m’intéressait et je trouvais le titre du livre séduisant, particulièrement bien vu. Mais hélas, ma maîtrise de l’anglais étant insuffisante j’ai souhaité lire une traduction. Celle que j’ai trouvé a remplacé l’excellent titre anglais pas « La grève » ! Quelle horreur ! Sans doute une idée d’un de ces « spécialistes » de la « communication ». Cela a suffit à me faire abandonner le projet d’acheter le livre.


  • juluch juluch 17 août 2017 12:55

    Si il faut en passer par là.....go sir !!!  smiley


  • baldis30 17 août 2017 13:57

    bonjour,

    mais la communication c’est très simple ...

    Il faut un produit d’appel même si le consommateur doit être marri de tomber dans le piège .. !

    Je viens de lire un ouvrage très technique, remarquablement fait sur un produit agricole, ... ça n’intéressera pas grand’ monde ...

    L’éditeur l’a compris alors..... alors.... on trouve in fine in chapitre sur le réchauffement climatique et l’avenir du produit ...

    Il le fallait même si à la lecture de ce cette partie on s’aperçoit qu’elle est bourrée de conditionnels, de subjonctifs, de verbes d’incertitude... ce qui signifie clairement ... que cela n’a aucune importance ... mais le produit d’appel est là ....

    Il faut vendre ... facile en ce moment rajoutez un chapitre sur le RCA comme on rajoutait jadis un chapitre sur les percepteurs, ou sur la 4cv Renault, ou le compteur bleu.... 


    • Henry Canant Henry Canant 17 août 2017 15:42

      @baldis30
      Nabum pensait benoîtement que sa simple signature faisait office de produit d’appel et que Pivot reviendrait pour commenter son oeuvre.


    • C'est Nabum C’est Nabum 17 août 2017 18:51

      @baldis30

      Le dérèglement climatique joue sur la psychologie des tueurs en série

      Merci

      j’ai trouvé un créneau


  • Henry Canant Henry Canant 17 août 2017 14:49

    Nabum,

    malgré les nombreux communiqués publicitaires publiés ici, ton livre ne vend pas.

    On ne peut mettre aucunement la qualité de ton oeuvre.

    Cela peut-être soit l’oeuvre d’un complot dont les conjurés feraient partie de la horde de hyènes qui t’harcèlent quotidiennement, soit tous en dehors d’agoravox ne sont que des analphabètes incapables de comprendre la profondeur de ton livre, ou pourquoi pas les deux.

    • C'est Nabum C’est Nabum 17 août 2017 18:51

      @Henry Canant

      Je n’ose pas même vous l’offrir

      Vous le brûleriez


    • Henry Canant Henry Canant 17 août 2017 20:06

      @C’est Nabum
      Je l’ai commandé, mais toujours pas reçu.Ce sont les vacances, je pourrai donc patienter juqu’au mois de septembre.



      Brûler un de vos livres, n’y pensez pas. D’ici 5 ou 10 ans ils valeront une fortune, surtout pour une première édition.

      Si cela prend plus du temps pour que votre génie soit enfin reconnu, alors ce seront mes enfants ou petits enfants qui en bénéficieront.

      Je peux alors crever heureux, sachant qu’ils ont en leurs mains une oeuvre culturelle inestimable et qu’en cas de problèmes financiers, ils pourront malheureusement la céder contre une petite fortune.


  • marmor 17 août 2017 21:41

    Le plan com ne marche pas bien, 5 visiteurs !! pour un deuxième contributeur, c’est la loose....Bof, c’est le rythme habituel de Mr D’orleans


  • Henry Canant Henry Canant 17 août 2017 23:31

    Le Christ n’avait seulement que12 apôtres et pas internet. 

    Gageons que Nabum sera regrouper ses nombreux disciples actuellement en vacances pour révolutionner la littérature.
    La Loire sera le Jourdain et Dieu guide ses doigts sur le clavier.
    Au sauna du plus haut des cieux, c’est notre gourou.

  • Le421... Refuznik !! Le421 18 août 2017 08:21

    Parlant de « plan com », j’en connais un qui « disrupte » grave ces derniers temps...

     smiley


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