mardi 23 mai 2006 - par jean charles espy

Off ou pas off ?

La publication du livre de Franz Olivier Giesbert, La tragédie du président, est en train de provoquer un véritable débat dans la blogosphère autour du thème du ON et du OFF.

Diffusé fin mars, avant la crise du CPE et l’affaire Clearstream, le livre, devenu depuis best-seller, délivre le témoignage off d’un homme, d’une famille, d’un cercle qui ne vivent que pour le pouvoir : les Chirac. Tout au long de cette chronique riche en informations, à dominante assassines, le directeur du Point utilise les notes prises en off lors de voyages, de repas, de tête à tête, auprès du président et de ses proches. Ses fameux cahiers à spirales font mouche sans complaisance, sinon envers Nicolas Sarkozy miraculeusement épargné (on ne sait jamais, s’il devenait président ?).

Comme il le reconnaît lui-même : « Alors que son règne arrive à son couchant, il m’a semblé qu’il était temps de vider mes carnets... Si l’on veut garder sa part d’ombre, il ne faut pas fréquenter les journalistes. » Autre citation : « Quand j’écris un livre je n’ai plus d’amis, c’est la terre brûlée. Les gens qui me parlent savent à quoi ils s’exposent ». D’où la polémique, véritable sujet d’école de journalisme. Le on et le off, question existentielle qui lie le journaliste à sa source. Claude Moisy, ancien patron de l’AFP, résume le sujet sur leblogmedias.com : « Du simple oui ou non, il y a tout un éventail de réponses dictées par la morale, l’amitié, l’engagement politique, l’ambition, l’appât du gain, la crainte de sanctions, bref tout ce qui détermine le commerce entre les hommes ».

Il est vrai que le vocabulaire du off est lui-même assez complexe. Du « vous pouvez publier en me citant/ sans me citer/ sans citer de source » à « vous ne devez en aucun cas faire état de cette information ». Dans le cas du livre de FOG, difficile d’imaginer un vieux renard comme Chirac s’épancher auprès d’un journaliste du « microcosme », qui affectionne l’écriture de livres à révélation, sans imaginer la divulgation de ces informations. On ne peut pas reprocher à l’auteur d’appliquer le célèbre mot d’Albert Londres : « Il trempera sa plume dans les plaies de notre société ». Les critiques se situent davantage au niveau du timing de la sortie du livre : attendre, tout comme pour Mitterrand, que l’homme soit à terre, « en fin de règne », sans danger pour l’avenir.

En publiant La tragédie du président en 2006, FOG avoue vingt ans de silence. La moitié du livre aurait pu être écrite avant les élections de 2002, avec des infos du style rendez-vous secrets avec Le Pen. Pourquoi ne pas avoir fait à ce moment-là le vrai boulot d’information ? « A partir du moment où un politique se confie à un journaliste, c’est pour que cela se sache ; sinon il ne dit rien. C’est pourquoi je ne vois pas l’intérêt de ne pas publier ces informations », attaque Daniel Carton. Et Giesbert de répondre : « Entre journalistes et politiques, chacun sait que le off est fait pour être grillé. Quand ? A chacun d’en juger ! ».

Il est vrai que les mêmes révélations dans Le Point en temps et en heure auraient rapporté beaucoup moins en droits d’auteur. En 2003, l’ancien journaliste du Monde, Daniel Carton, avait livré un témoignage acerbe intitulé Bien entendu...c’est off, dénonçant parfois la difficulté, mais souvent l’autocensure et la promiscuité de la presse envers les différents pouvoirs : l’édition, la politique, l’industrie et la finance. Si le débat autour du livre de FOG est si virulent, au même titre que celui de la relation Schönberg-Borloo (et tant d’autres, voir le dossier de Télérama du 10 mai sur "Journalistes et politiques"), c’est que nous vivons la fin d’une époque de lecteur passif de plus en plus conscient du mélange des genres et du flou entre information, communication, et parfois même manipulation. Et si le véritable problème de la presse venait de cette prise de conscience ?

L’entretien télévisé de Mitterrand mené en 1991 par deux épouses de ministres en place (Christine Ockrent et Anne Sinclair) serait-il encore réalisable aujourd’hui ? Je ne le pense pas. Mais l’affaire Clearstream ne serait-elle pas l’arbre qui cache la forêt ? La question de la presse en tant que quatrième pouvoir se pose réellement. D’où l’émergence de nouveaux médias, dits citoyens, et l’explosion des blogs personnels.



11 réactions


  • marcel thiriet, (---.---.11.65) 23 mai 2006 10:53

    Oui, la vraie question est : pourquoi CE livre, MAINTENANT ?... N’ayant lu pour ma part que des extraits , pourriez-vous, autant que possible, être plus explicite ? Merci


    • miaou (---.---.101.219) 23 mai 2006 15:28

      N’exagérons pas, la non-paticipation de la guerre en Irak fut aussi une grande décision (là encore, ça ne coutait rien, bien au contraire)


  • Béatrice (---.---.1.121) 23 mai 2006 13:26

    Il est évident que le titre comporte déjà une orientation partisane et est, à dessein, mal choisi. « Chirac ou la tragédie française » aurait été une manchette plus appropriée. Le déclin de la France n’est effectivement pas une tragédie exclusivement chiraquienne ; c’est l’histoire du drame de la politique française qui, depuis De Gaulle, n’a pas eu les hommes de pouvoir à la hauteur de ses ambitions.

    Je préfére le livre « Les turqueries du Grand Mamamouchi » de Philippe de Villiers ; décapant !


    • Icks PEY (---.---.232.221) 23 mai 2006 14:13

      Bonjour,

      Vous dites que la tragédie est française et non celle du Président. Vous rajoutez que depuis De Gaulle, nous n’avons pas eu de gouvernants dignes de ce nom.

      Je crois, au contraire, que le titre du livre est très bien choisi. Le sujet est bien de traiter le désastre d’un homme, Jacques CHIRAC, et non d’un pays.

      Car, mise à part la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans les actes de Vichy, je ne vois pas bien quels actes ou gestes forts, Jacques CHIRAC a-t-il inscrit dans l’Histoire.

      Bien cordialement,

      IP


    • Béatrice (---.---.0.21) 23 mai 2006 14:21

      @cks PEY

      « Je crois, au contraire, que le titre du livre est très bien choisi. Le sujet est bien de traiter le désastre d’un homme, Jacques CHIRAC, et non d’un pays. »

      Je vois plutôt le désastre d’un pays du à la faute d’un homme. Qu’il y ait aussi un désastre pour lui, peut-être, mais ce n’est même pas sûr.

      « je ne vois pas bien quels actes ou gestes forts, Jacques CHIRAC a-t-il inscrit dans l’Histoire. »

      Justement AUCUN (à part celui que vous citez et qui ne coûtait rien), et c’est justement ce que beaucoup lui reprochent.

      Je pense que vous m’avez mal comprise


    • Icks PEY (---.---.232.221) 23 mai 2006 15:56

      Re,

      Je crois comprendre que vous vouliez dire que la tragédie française, c’est d’avoir eu Jacques CHIRAC comme président.

      Néanmoins, personnellement, je ne crois pas qu’il ait marqué la France, ni dans un sens, ni dans l’autre.

      IP


    • Béatrice (---.---.206.93) 23 mai 2006 16:43

      @Icks PEY

      « Je crois comprendre que vous vouliez dire que la tragédie française, c’est d’avoir eu Jacques CHIRAC comme président. »

      Oui, exactement, mais il n’est pas le seul repsonsable ; néanmoins, il a pesé très lourd.

      « Néanmoins, personnellement, je ne crois pas qu’il ait marqué la France, ni dans un sens, ni dans l’autre. »

      Marqué, sans doute pas, mais il s’est opposé et a bloqué toute réforme qui aurait pu redresser la situation.


    • Icks PEY (---.---.169.225) 24 mai 2006 01:47

      @ Béatrice

      Je ne crois pas qu’un autre aurait réellement fait mieux.

      Mais peut-être que personne aurait pu faire pire ... smiley

      Je ne crois pas qu’aujourd’hui, les politiques aient finalement énormément le choix dans leurs actions. J’ai dans l’idée que l’essentiel est dicté par des logiques financières et économiques qui les dépassent et qui ne laissent des marge de manoeuvre que de façon très périphérique.

      Mais je vous rejoins pour dire que nos hommes politiques sont majoritairement plus préoccupés par leurs réélections potentielles que par le souci de l’intérêt général.

      De mon point de vue, la côte de Sarko repose justement sur le fait que les gens se disent que lui aura la trempe de viser l’intérêt supérieur de la France quitte à botter le fesses de certains intérêts catégoriels.

      Bien cordialement,

      IP


  • Daniel Milan (---.---.168.91) 23 mai 2006 16:26

    Chirac a été jusqu’à dernièrement le moins pire des politiques. Depuis il semble être aux ordres de Sarkozy ou de de Villepin ! Entre ces deux agités, il doit avoir le tournis !


  • (---.---.61.148) 24 mai 2006 10:51

    J’ai lu le bouquin. C’est du potinage de concierge. J’ai eu la même impression qu’en lisant France-Dimanche dans la salle d’attente du dentiste.

    Pour faire court : ça n’amène rien d’intéressant au débat.


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