mardi 1er juillet 2008 - par Isabelle Alexandrine Bourgeois

Oui à une information équitable

C’est un virage on ne peut plus positif dans le monde des médias. Les télévisions et les radios roumaines pourraient êtres invitées prochainement à diffuser des journaux composés pour moitié d’informations positives. Craignant pour la santé morale des Roumains, les sénateurs viennent d’adopter à l’unanimité une loi en ce sens.

« Les programmes d’actualités des télévisions et des radios devraient, dans la même proportion, contenir des informations positives et négatives », prévoit la législation, qui a été adressée au président Traian Basescu pour être éventuellement promulguée. Les sénateurs qui ont lancé ce projet ont évoqué « l’extraordinaire nocivité » des informations « négatives » et leurs « effets irréversibles sur la santé et sur la vie des gens ». L’objet de la législation serait « d’améliorer le climat général et d’offrir au public la chance d’avoir des perceptions équilibrées de la vie quotidienne, psychiquement et émotionnellement ».

La loi a été immédiatement critiquée par les journalistes qui espèrent qu’elle ne sera pas promulguée. Ces derniers lui reprocheraient de leur imposer une forme de dictature positive, à l’écart des grandes problématiques de ce monde. Or, du point de vue du consommateur de l’information, devrions-nous trouver plus normal que cela soit les médias qui imposent leur loi par la prédominance des mauvaises nouvelles ? De quel droit la presse serait-elle la seule à juger de l’importance d’une nouvelle ? Le monde vu par les journalistes s’arrête à la perception que ces mêmes journalistes ont sur le monde. Ils décrivent leur réalité, passée au tamis de leur éducation, de leur culture, croyances, vécu et expériences. Leur vérité n’est pas La Vérité et, pourtant, le plus naturellement du monde, nous la digérons comme telle.

En outre, la loi proposée par les sénateurs roumains n’impose en rien une information positive unilatérale, mais une juste répartition entre bonnes et mauvaises nouvelles. Il faut que nous puissions avoir le choix de recevoir une information équitable et qu’ensuite chacun se nourrisse de la part dont il a besoin. C’est au citoyen de pouvoir choisir et non aux têtes de médias d’imposer une actualité catastrophe au nom de la rentabilité. Détourner l’actualité sur ce qu’elle présente de plus sombre est une manipulation par omission. Ceci a un effet désastreux sur notre vécu car elle banalise la violence, dresse un tableau sinistre des comportements humains, creuse les fossés d’incompréhension entre les cultures. Et, surtout, cela nourrit le phénomène de la peur qui nous rend si vulnérable, voire contrôlable, voire des acheteurs compulsifs de tout ce qui pourrait nous rassurer, des loisirs aux assurances en passant par les traitements médicaux ou l’acquisition de biens matériels. Car toutes les études l’ont montré : lorsqu’on est bien dans sa peau, on est un très mauvais consommateur. Nous n’avons besoin de rien (ou presque) car nous n’avons aucune frustration. Et cela, les publicitaires, comme les éditeurs, le savent très bien.

Le vrai débat ne se situe donc pas dans « faut-il imposer ou non une actualité positive », mais bien plus dans le rôle que les médias devraient jouer dans la société : désirent-ils aider les hommes à sortir de leurs souffrances, à contribuer au progrès et au bonheur de l’humanité en proposant une actualité porteuse de solutions, d’initiatives de paix ou de victoires sur la fatalité ? Ou préfèrent-ils céder aux études de marché au détriment d’une vision, d’un art de vivre, en insistant sur des nouvelles qui nous enfoncent dans nos angoisses - tout en se rassurant qu’ils le font à la demande des lecteurs ? Ce qui relève d’une croyance solidement enracinée. Il y a quelque temps, le quotidien La Croix avait publié une série de bonnes nouvelles sur plusieurs semaines et avait vu exploser ses ventes au numéro...

Cette nouvelle loi qui devrait faire boule-de-neige et inspirer d’autres Etats n’oblige aucunement les gens à aller mieux, mais elle propose de leur offrir la possibilité d’un territoire où ils pourraient aller mieux. Je souhaite une actualité qui me rende meilleure et plus humaine. Quand les médias reconquerront-ils la liberté et l’indépendance de traduire le monde tel qu’il est et non tel qu’on les incite, très subtilement et parfois à leur insu, à le voir et à le décrire au nom du dieu argent ?

Isabelle Bourgeois
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4 réactions


  • LaEr LaEr 1er juillet 2008 13:37

    Ho oui, vive le positivisme ! Vive l’information dictée par les parlementaires ! Le monde est merveilleux !
    Cessons de parler du Darfour, des OGMs, du réchauffement climatique !!!
    Parlons plutôt de la sortire du cd de Carla Bruni !

    Ha tiens, cette loi est déjà appliquée en France ???? :)

    Trêve de plaisanterie, cette loi légalise la propagande, et je m’étonne de voir une journaliste la soutenir. L’information n’est pas fait pour vous rendre meilleure, mais pour vous informer... Les journalistes ont déjà du mal à le faire, pas besoin de leur demander en plus de "positivier".

    Regardez bien le monde tel qu’il est : avec une bonne couche de pourriture. Réalisez-le, et faîtes en sorte de l’améliorer à votre niveau : CELA vous rendra meilleure....

    La politique de l’autruche n’amène qu’à une chose : le fond du trou dans le sable....


  • ronchonaire 1er juillet 2008 14:29

    Encore un article dont le titre n’a rien à voir avec le contenu, mais qui permet à l’auteur de caser abusivement le mot-clé "équitable", sans doute pour augmenter le nombre de lecteurs.

    Par ailleurs, je doute que l’on puisse considérer comme "un virage on ne peut plus positif dans le monde des médias" le fait qu’un Parlement légifère sur ce que les médias doivent diffuser ou pas comme information. Si on vous suit, le contrôle des infos diffusées sur les sites internet en Chine est aussi un "virage on ne peut plus positif dans le monde des médias" ; après tout, ces sites ne sont autorisés à diffuser que des bonnes nouvelles...pour le régime chinois !


  • maggie maggie 1er juillet 2008 20:25

    Ecrire un article pour inciter les gens à aller visiter son site... Personnellement je ne suis pas adepte du publireportage.


  • Isabelle Alexandrine Bourgeois Isabelle Alexandrine Bourgeois 10 juillet 2008 23:16

    Je viens d’apprendre que cette proposition de loi sur les informations "positives" vient d’être décrétée "non constitutionnelle"par la Cour constitutionnelle. Je lis aussi que Reporters sans frontières (RSF) a qualifié cet amendement d’"inacceptable pour un pays membre de l’Union européenne", estimant que "seuls des Etats comme la Chine ou la Corée du Nord se dotent encore de ce type de législation rétrograde et anachronique".

    Cette réaction me met en colère car j’ai besoin d’objectivité et d’honnêté. Imposer en majorité et de manière unilaltérale des informations alimentant la peur et la violence n’est-elle pas une autre forme de dictature ? Pourquoi devrions-nous accepter la loi des médias qui nous impose une prédominance de nouvelles alimentant massivement la perte de confiance en l’homme ? Pourquoi la liberté d’expression ne consisterait-elle pas à nous donner la liberté de choisir nous-même l’actualité dont nous avons besoin, avec une
    publication justement proportionnelle de bonnes et mauvaises nouvelles ? Pour moi, il n’y a aucune liberté d’expression à nous imposer une vision unilatérale du monde dans le traitement de l’actualité tel qu’il existe aujourd’hui. Pour moi, la liberté d’expression consiste à traduire le monde tel qu’il est, dans ce qu’il a de pire comme ce qu’il a de meilleur. Et il en va de notre liberté de choisir ce que nous souhaitons lire et ce dont nous souhaitons nous inspirer. Ce n’est pas aux médias de nous dicter la manière dont nous devons juger les événements. Je n’ai pas besoin d’un tuteur pour ne pas dire un "dictateur" pour m’aider à lire et à décrire l’actualité. Or, aussi longtemps que les médias feront le jeu des politiques, des grands lobbies économiques et de tous ceux qui font commerce de la peur, le plus gros marché de la planète, cette cause ne sera pas entendue...


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