lundi 19 février 2007 - par Charles Bwele

Porno moteur : la ruée vers l’or rose

A l’avant-garde d’évolutions technologiques majeures, l’industrie du X a souvent fait pencher la balance en faveur d’un standard ou contribué à la diffusion d’un produit grand public.

Big Bande

Au milieu des années 1970, la bataille fait rage entre les formats VHS (JVC) et Betamax (Sony) pour la conquête des magnétoscopes de salon, le nippon étant unanimement reconnu par les vidéophiles pour sa qualité supérieure malgré des durées d’enregistrement plus courtes. Malheureusement, l’ultra-protectionnisme de la firme japonaise envers sa licence Betamax offrira de sacrées longueurs d’avance à la concurrence. Alléchés par les juteuses perspectives de la vidéo domestique, les producteurs du X adoptent rapidement le VHS, entraînant Hollywood dans leur sillage. Le Betamax demeurera confiné au monde professionnel.

Au début des années 1980, la quasi-totalité des motels américains de banlieue ou de campagne - gigantesque marché adulte très prisé par le X - proposent ouvertement une pléthore de cassettes roses à la location ; les câblo-opérateurs emprunteront ensuite cette voie royale. Corollairement, l’essor de la hot video coupera définitivement l’herbe sous le pied du cinéma porno, bientôt victime de la contre-révolution reaganienne.

Cash en chaleur

Réalisant 95% de la production planétaire hot DVD pour un chiffre d’affaires annuel de 4,6 milliards $, San Fernando est l’étoile solaire du X. Ici, le krach de la bulle Internet de la fin des 90’s relève d’un conte fantastique. En effet, dès les premiers pas du Web, la Porn Valley a vite su trouver son business model : l’entreprise virtuelle agile.

Ayant installé ses myriades de serveurs dans des paradis fiscaux et/ou technologiques (Caraïbes, Pays baltes, Océanie, etc.), la vallée rose n’a quasiment rien à craindre de la législation américaine. D’ailleurs, selon le département de la Justice, à peine 30% de ses pages Web sont recensées par Google/Yahoo !/MSN. En externalisant habilement les plus coûteuses activités (casting, tournage et montage) au Canada, en Amérique latine, en Europe centrale-orientale et en Asie, elle orchestre et approvisionne quotidiennement plus d’un million de sites Internet dans le monde en contenus photo, vidéo et interactifs... pour une demande intercontinentale en constante expansion !

Depuis 2006, « San Pornando » produit ses premiers en films en HD DVD, technologie plus accessible et moins onéreuse que le Blu-Ray de Sony...qui devra encore cravacher ferme pour sauver son bébé. Toutefois, dans l’attente d’une conversion massive des fabricants et des consommateurs au nouveau standard, 90% du catalogue sont encore édités en DVD conventionnels.

Chair de boule

La scène hard a donc pu découvrir en avant-première les dommages collatéraux du fameux HD DVD. Minuscules brûlures de rasoir ou de cire, infra-cellulite, ridules, veinules, pores : toutes ces petites aspérités invisibles à l’oeil nu ou en définition classique transparaissent très clairement en haute définition. Les astuces usuelles (changements d’angle ou de position, poudres, fonds de teint, retouches numériques, etc.) révèlent leurs limites et font trop souvent grimper les budgets de production et post-production. Plusieurs professionnels du plan serré dénoncent cette image crue et presque médicale, d’autres apprécient ce pixel hyper-réaliste. Tous reconnaissent la nécessité d’innover drastiquement sur le plan vidéographique. Depuis peu, Hollywood est également confronté aux mêmes difficultés.

L’arrivée de la HD est une aubaine pour les chirurgiens plastiques, leurs cabinets sont littéralement pris d’assaut par des diligences d’actriX débutantes ou confirmées. La requête en vogue : « une peau de bébé intégrale ». Des pornstars comme Jesse Jane ou Stormy Daniels repassent pour l’enième fois sur le billard afin d’effacer d’infimes marques de grossesse ou d’implants mammaires, et des micro-cicatrices dues aux interventions précédentes. Leurs collègues masculins résistent, mais eux aussi sont instamment priés de soulever un peu plus de fonte, d’éliminer leur pilosité corporelle, de s’habituer à la liposuccion et aux cosmétiques. Ne l’oublions pas : des carrières et des milliards de dollars sont en jeu, cela vaut bien quelques coups de bistouri supplémentaires...

Xtrémistes

Bénéficiant d’exceptionnelles synergies technico-commerciales du fait d’un voisinage très favorable - Silicon Valley et Hollywood - les industriels de San Fernando ne comptent guère en rester là. Ils ambitionnent déjà de vendre la télésexualité à la demande (live sex on-demand) aux chaînes motelières d’Amérique et aux cybernautes du monde entier. Grâce aux merveilles d’une carte bancaire et de la convergence Web-TV HD, un couple dans sa chambre verra et interagira en temps réel avec un ou plusieurs autres en pleine action. Etape préalable pour les boss de Pink Valley : convaincre le très néoconservateur département de la Justice ou espérer une prochaine administration démocrate.

On le voit, les turpitudes de la hot video en particulier, et des médias numériques en général, laissent présager d’éventuelles conséquences socioculturelles. Quel sera l’impact esthétique de ce déferlement d’images HD ultra-léchées ? Verra-t-on émerger un culte de la poupée en renfort du culte de la maigreur ? A l’instar de la télé-réalité auprès des jeunes adultes, la télé-sexualité à la demande suscitera-t-elle de sulfureuses vocations ?

Une chose est sûre : dans le far-west digital, les régiments californiens de cavalerie tirent plus vite que leur ombre.



16 réactions


  • Charles Bwele Charles Bwele 19 février 2007 12:07

    Happy Monday, Demian !

    « Perfection obscénique »...Pas mal.Mais, je crois que les US sont loin d’être les seuls dans ce domaine. Disons qu’ils disposent de la meilleure puissance de feu commerciale en la matière. D’autres nations seraient à leur place, elles feraient exactement pareil.

    Amicalement.


  • Gasty Gasty 19 février 2007 12:10

    C’est dingue ! si un jour vous m’apprennez que les designers automobile sont infuencés par les stars du X, je serais plus doux avec mon levier de vitesse.

    En tout cas très instructif, merci.


  • Briseur d’idoles (---.---.168.182) 19 février 2007 12:48

    « Tout se vend, tout s’achète » est la devise de « nos maîtres » !

    A vrai dire, ce que la pub nous incite à acheter a un effet repoussoir sur mes éventuelles « intentions » d’achat !

    L’usage de corps, pour vendre tel ou tel produit démontre la survivance de l’esprit esclavagiste !


  • (---.---.15.26) 19 février 2007 14:06

    Le X en tant que locomotive de l’humanité tabouisée par ses bergers bien pensants, reste le premier indicateur de viabilité marchande d’une technologie, d’un concept ou d’un medium.

    Vu le succès de la vod rose sur mobile, TF1 et d’autres ont du mouron à se faire.


  • Dragoncat Dragoncat 19 février 2007 16:41

    @ l’auteur

    Excellent article, bien renseigné qui plus est.

    Seul oubli de votre part - peut-être volontaire : les soucis des majors comme des studios plus discrets en matière de règlementation juridique.

    Contrairement à ce que vous affirmez, les studios américains ne sont pas passés la fleur au fusil du support DVD au support internet, et ce pour deux raisons.

    - La première : les spécialistes de la productions - les studios - n’avaient pas le Net pour culture ni pour habitude. Déjà stressé par les possibilités de piratage offline (copies de DVD, changement de jaquette, exploitation frauduleuse etc), ils ont vu arrivé d’un très mauvais oeil ce média ou nul ne controlait rien. C’était pour eux l’assurance d’un pillage en règle de leur catalogue par des petits malins doués en informatique. Ces professionnels viennent maintenant à l’exploitation internique de leurs galipettes en DVD que contraints et forcés... Par la chute du marché offline.

    - La seconde : vu par le FBI, le fait de mettre vos serveurs à l’étranger ne vous couvre pas des foudres de la loi américaine. Loi qui s’est vu devenir de plus en plus restrictive dans le domaine des contrats de cession de droits à l’image ; en langage clair : le papier signés par acteurs et actrices autorisant la diffusion de leurs performances (la fameuse règlementation 2257). L’administration Bush, ravie de pouvoir mettre des batons dans les roues des pornocrates et de satisfaire ainsi son électorat ultra-catho a durci les lois en la matière. Ce changement des textes remontant à 2005, a généré panique en série et fermeture de société internet en Californie.

    Les choses se calment petit à petit même si doute sinistre plane toujours sur les responsables légaux des différentes sociétés de distribution. Le FBI était d’ailleurs présent à la dernière conférence professionnelle qui s’est tenu à Los Angeles, il y a dix jours. Preuve que l’angoisse de faire un séjour en prison pour faute de papiers en règle n’a pas disparue complètement.


  • schroen (---.---.175.112) 19 février 2007 16:50

    Après le feu du rasoir, les cicatrices d’implant mamaire, la HD permettra t elle au monde entier de savoir le triste sort des raisins secs ?

    Schroen

    Pour ceux qui ne savent pas ce que sont les raisins secs, je vous donne la recette :

    - un .nus très poilu

    - une grastro

    - du PQ style SNCF (voir LIDL)

    - essuyer energiquement jusqu’a étalement

    - dès que c’est bien emmelé, c’est prêt smiley


  • Charles Bwele Charles Bwele 19 février 2007 21:55

    @ Dragoncat

    Comment va ?

    En effet, je connais les démêlés de San Fernando avec le néo-conservateur « DoJ » (Dpt Justice). Mais cela aurait trop allongé l’article, qui décrit plutôt le rôle de la Pink Valley dans la diffusion de qq technologies, et non ses péripéties juridiques.

    Mais, dans l’article, j’écris nettement que Pink Valley n’a QUASIMENT rien à craindre de la législation US. La pression pénale - justifiée ou non - dépend aussi bcp de la sensibilité politique des administrations en place, comme tu le mentionnes dans ton intervention.

    Par ailleurs, malgré des téléchargements massifs de films X dans le peer-to-peer, les résultats d’exploitation de la vallée rose flambent sans cesse.

    Certes, les PDG de San Fernando s’en offusquent, mais pas autant que leurs homologues de Hollywood ou de l’industrie musicale. En fait, ils se sont adaptés bcp mieux et plus vite à la donne numérique...En introduisant du « direct interactif » dans leurs productions par exemple, ils devancent largement les « pertes » (?) liées au piratage.

    Amicalement.


  • Forest Ent Forest Ent 20 février 2007 01:38

    Il est exact que la plupart des « nouvelles technologies de l »information« ont vendu d’abord de la pornographie, le minitel et internet y figurant en bonne place. J’ai aussi le souvenir de l’appareil photo à développement instantané de marque »polaroid" qui s’est bien vendu en évitant de faire développer certains clichés chez le photographe.

    Mais dans tout ce buzz autour de la HD et son effet stressant sur les « stars du X », je me demande s’il ne faut pas surtout voir une démarche commerciale volontaire pour essayer de faire enfin démarrer ce support. Du proxénétisme institutionnel, quoi.

    Je ne connais pas personnellement de star du X. Peut-être devrais je le déplorer... Mais j’ai un doute sur le fait que le nombre de pixels soit leur préoccupation première.


    • Gasty Gasty 20 février 2007 09:06

      Votre processeur ? en 32 ou 64 bits.


    • Forest Ent Forest Ent 20 février 2007 10:15

       smiley

      Votre définition, 868 ou 1024 ?

      [END MODE/HUMOUR]

      [MODE/INDIGNATION]

      Tout cela est d’autant moins crédible que la définition HD est inférieure à celle des caméras analogiques d’il y a 30 ans.


    • zugwin 20 mai 2007 13:40

      j’ai vu un polaroid neuf sur www.ebay.fr article numero 300110774560 a moins de 20 euros nostalgie !!!!!!


  • Charles Bwele Charles Bwele 20 février 2007 10:30

    @ Forest Ent !

    Comment va ? Fais un tour sur cet interminable lien STP smiley

    http://www.nytimes.com/2007/01/22/business/media/22porn.html?ex=1327122000&en=ae526fc82277506a&ei=5088&partner=rssnyt&emc=rss

    Au passage, g lu pas mal de tes articles, j’apprécie énormément. Amicalement.


    • Forest Ent Forest Ent 20 février 2007 22:39

      Salut. Moi aussi. smiley

      Voici l’actionnariat du New York Times :

      MASSACHUSETTS FINANCIAL SERVICES CO 8.15%

      FMR CORPORATION (FIDELITY MANAGEMENT & RESEARCH CORP) 7.56%

      MORGAN STANLEY 7.49%

      VANGUARD GROUP, INC. (THE) 4.43%

      Barclays Global Investors UK Holdings Ltd 3.11%

      STATE STREET CORPORATION 2.61%

      Mellon Financial Corporation 2.50%

      PRICE (T.ROWE) ASSOCIATES 14.86%

      PRIVATE CAPITAL MANAGEMENT, INC. 11.57%

      LOEWS CORPORATION 1.81%

      Tu trouveras presque le même chez les fabricants de HD-DVD, de lecteurs, et les producteurs de contenu.

      Un truc marrant : quand j’ai cliqué sur ton lien, juste à côté de l’article, il y avait une grosse pub pour un lecteur blue-ray.

      ++


    • Charles Bwele Charles Bwele 20 février 2007 23:01

      @ Forest

      Je connaissais une bonne partie des actionnaires du NY Times, mais pas de façon aussi exhaustive que toi, c clair... smiley

      Toujours est-il que mes observations perso et d’autres sources (à moins que les grands groupes les aient également absorbé) smiley me démontrent que la qualité HDDVD est nettement supérieure à celle du DVD, lui-même largementsupérieur au VHS et S-VHS. Pour ce qui est des caméras d’il y a 30 ans, je suis moins connaisseur que toi... smiley

      Friendly, Forest.


  • Le Furet (---.---.30.137) 21 février 2007 14:11

    Avec la HD, ce ne sont pas seulement les acteurs x qui vont enrichir les spécialistes de la chirurgie esthétique... Les candidats en campagne font déjà beaucoup d’effort en ce sens. Si ça doit s’emplifier - et ça semble être irrémédiablement le sens de la marche -, la représentation politique deviendra définitivement à fuir.


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