jeudi 29 octobre 2009 - par jfnoual

Presse Online : Comment transformer le Lecteur en Acheteur ?

L´industrie de la presse traditionnelle est en crise et le principal coupable s´appelle internet. Ce constat n´est pas nouveau. Il se retrouve néanmoins une fois de plus sur le devant de la scène car aujourd’hui de nombreuses entreprises font face à de très sérieuses difficultés financières. Le fameux débat sur le contenu payant a donc ressurgi même si l’on sait très bien qu’il n’a aucune chance d´aboutir. La presse online se trouve confrontée à deux enjeux, qui vont l’obliger à conduire des adaptations majeures pour prendre ce nouveau virage avec succès : elle devra non seulement développer une offre publicitaire à la performance mais aussi adapter son modèle éditorial.

Actuellement, dans le secteur de la publicité sur internet, deux tendances sont observées :

1. L’inventaire d’espaces publicitaires se développe fortement en raison de la croissance des contenus (ex. web 2.0) et du nombre d´internautes (% d´équipements en ordinateurs dans les foyers, bande passante, commerce électronique etc.) 

2. La hausse du nombre d´annonceurs qui investissent en publicité online en raison, entre autres, de l’audience chaque fois plus importante, de la capacité unique de ce média à mesurer les performances des campagnes et des capacités de ciblage de plus en plus sophistiquées.

Il s’agit de deux tendances positives pour le secteur. Toutefois, il existe un déséquilibre, puisque la première tendance croît beaucoup plus vite que la seconde. C’est un phénomène accentué aujourd’hui par la crise économique qui a deux conséquences directes : beaucoup d’inventaire reste invendu et le prix de la publicité chute logiquement. C’est la sempiternelle loi de l’offre et de la demande et il est important de prendre conscience que ce fossé entre l’espace publicitaire disponible et l’achat d’espace publicitaire ne va cesser de s’élargir.

Quelle a été la réaction de la presse online face à ces deux tendances constatées ? En plus de devoir lutter contre la crise, elle doit désormais commencer aussi à repenser son modèle…

La majorité des acteurs de la presse online a mis énormément de temps à tester de nouveaux modèles publicitaires à la performance, tels que le CPL et le CPA. Il existe plusieurs alternatives sur le marché pour “remplir” ces espaces disponibles, comme par exemple la publicité contextuelle de Google Adsense (CPC) ou l´auto-promotion. Toutefois, ces actions génèrent en général peu de revenus pour l´éditeur et font par conséquent chuter encore plus son eCPM. ("effective Cost Per Thousand impressions" = revenus / nombre d´impressions x 1000).

Il existe certaines régies (media brokers) dont le métier est d´acheter les inventaires invendus. Néanmoins, pour le support, cette pratique implique souvent la perte du contrôle de la qualité de la publicité. C´est la raison pour laquelle la majorité des supports premium ne souhaite pas prendre ce risque. De plus, vendre à bas prix ne peut jamais être considéré comme étant une bonne option, car cela fait baisser le pouvoir de négociation du support. 

Par ailleurs, tous les éditeurs utilisent des technologies d´adserving pour gérer leurs campagnes, mais très peu utilisent les autres fonctionnalités telles que l´“Ad Revenue Optimization”, qui permet d´optimiser leur eCPM. Je serais curieux de connaître le pourcentage des clients supports de DoubleClick qui utilisent également sa solution d´optimisation de revenus publicitaires (“DART Adapt”).

Il est courant également de voir des supports créer leur propre régie interne pour vendre ces invendus, mais toujours sur le même modèle publicitaire, le CPM. Cela fait longtemps que je me pose la question suivante : “Pour quelle raison si peu d´acteurs de la presse online n’ont eu la curiosité de tester le modèle publicitaire à la performance ?!”…sachant que dans de nombreux pays aujourd´hui, les investissements publicitaires à la performance représentent plus de la moitié du total des investissements publicitaires online. Comment se fait-il que la presse online n´ait toujours pas pris une part de ce gâteau ?! Il existe plusieurs explications à cela, mais la principale à mon sens est l´héritage du offline, dont la presse a du mal à se défaire et au sein duquel le modèle publicitaire est basé sur l´audience, soit l´équivalent off du CPM. 

A l´inverse du modèle CPM, les modèles CPC, CPL et CPA ne garantissent pas des revenus fixes et sont de plus des modèles plus complexes à appréhender et mettre en place et qui dépendent de facteurs variables tels que le CTR et CR. Néanmoins, il est tout à fait possible de générer des revenus conséquents avec ces modèles ci. Ce n´est qu’une question d´apprentissage et surtout de flexibilité.

Comment la presse online devrait-elle mettre en place le modèle publicitaire à la performance ?

La presse online ne rencontrera jamais la moindre difficulté pour vendre ses espaces premium de la home page ou des sections spécifiques, à des prix qui plus est toujours élevés de CPM. Au final, il existe peu d´acteurs de la presse online et d´autre part, les annonceurs apprécient la qualité de leur trafic. Ainsi, il ne s´agit pas de proposer des campagnes au CPC, CPL ou CPA sur ces espaces premium. Essayons ici de présenter de façon concrète un certain nombre de pratiques et d´outils de publicité à la performance que la presse online devrait considérer :

Volume > Disposer d´un volume élevé d´espaces invendus est un prérequis indispensable pour pouvoir justifier l´investissement nécessaire, comme par exemple le développement d´une régie interne.

Emplacement > Il est primordial de faire la distinction entre emplacement display et emplacement à la performance ; en effet certains espaces tels que la home page seront dédiés à des actions traditionnelles de branding au CPM, alors que d´autres auront plus tendance à convertir.

Publicité “Call to Action” & Formats spécifiques > Une belle créa ne vend pas. Pour susciter une action de la part de l´internaute, tel qu’un click et potentiellement un achat, la créa devra proposer un message pertinent et accrocheur, ainsi qu’une offre attractive : jeux concours, cadeau, promotion, vouchers etc. Ce type de créa sera plus performante qu’un énorme banner de branding qui n´apporte que peu de valeur ajoutée à l´internaute et qui peut être intrusif (pop-up).

Emailing > J´ai toujours été surpris de pouvoir consulter le contenu de journaux online sans avoir à remplir au préalable un questionnaire reprenant mon adresse email, sexe et âge…méthode pourtant simple, non contraignante pour l´utilisateur (questionnaire court, à remplir qu’une seule fois) et démarche totalement justifiable pour le support qui donne accès gratuitement à tout son contenu. Grâce à cela, les éditeurs pourraient constituer de grandes bases de données pour ensuite les monétiser via des campagnes au CPL, modèle le plus performant sur le segment emailing.

Le marketing d´affiliation constitue une bonne base d´apprentissage du marketing à la performance pour la presse online. A l´origine, ce modèle était destiné à un ensemble de supports (long tail) qui n´avait pas facilement accès aux campagnes au CPM. Ces supports ont un profil souvent méconnu et particulier (keyworders, emailers, vertical etc.) et certains sont devenus de véritables experts en marketing à la performance, générant des volumes très importants de ventes et leads. Le marketing d´affiliation est beaucoup plus répandu et mature aux Etats-Unis qu´en Europe, pour la simple raison qu’il est apparu avant Adwords, outil génial car totalement automatisé, à l´inverse de l´affiliation qui nécessite un long apprentissage.

D’autre part, et c’est peut-être à ce niveau là que les éditeurs devront faire preuve d’inventivité, leur modèle éditorial doit aussi être adapté, afin de transformer leurs lecteurs en acheteurs. La grande faiblesse des sites de contenu aujourd’hui, c’est que leur audience fréquente leurs sites essentiellement pour avoir accès à du contenu : lire (articles), voir (vidéo), écouter (podcasts), éventuellement partager (fonctions communautaires), mais pas pour acheter, ni même préparer un achat. Dans ce mode de fréquentation, ils ne sont pas cyber-acheteurs mais cyber-lecteurs, et leur carte bleue est bien au fond de leur poche. Tous les acteurs de la presse online disposent d´accords avec des players du commerce électronique. Néanmoins, faire en sorte de diriger le lecteur depuis un article parlant de technologies vers le site web d´un annonceur de matériel informatique, n´est pas chose simple. La presse a pourtant des arguments à faire valoir : d’une part une qualité de cible souvent enviable (à fort pouvoir d’achat et déjà fortement acheteur online), et d’autre part une marque très forte qui pourrait se révéler être une caution idéale dans un processus d’achat. Il ne s’agit pas juste d’intégrer des fonctionnalités shopping à leurs sites, mais de modifier petit à petit le comportement de leurs internautes, en leur créant des bénéfices exclusifs (cashback, programmes de fidélisation) - le site de cashback de The Sun (http://thesuncashback.co.uk) est en ce sens une réussite - ou en leur proposant des sélections de produits “recommandées par...”. L’implication de leur marque est un levier qui peut se révéler particulièrement efficace, à la condition que ces sélections respectent le contrat de lecture qui lie le site à ces internautes. Finalement, ce sont des pratiques que les éditeurs ont déjà testé offline, mais qu’ils devront approfondir online : prenons l’exemple du téléshopping de TF1, des sélections DVD du Monde ou des clubs de lecteurs du Nouvel Obs. Déjà, en utilisant la force de leur marque, ces éditeurs deviennent prescripteurs et parviennent à transformer leurs lecteurs en acheteurs.

Pour que la presse puisse s´en sortir, elle doit avant tout changer sa mentalité. Il y a une dizaine d´années, la transition du off au on fut déjà lente et douloureuse pour la majorité. A nouveau aujourd’hui, une tendance réfractaire est constatée, celle de tester le modèle de publicité display à la performance et de faire évoluer le modèle éditorial. On peut aisément faire le rapprochement avec l´industrie de la musique, où la mentalité est semblable, et qui commence à peine à comprendre, accepter et s´adapter à la révolution digitale. Mais cette fois-ci, il est temps que la presse s´approprie le média internet de façon totale et définitive.

 



3 réactions


  • ObjectifObjectif 29 octobre 2009 20:22

    « L´industrie de la presse traditionnelle est en crise et le principal coupable s´appelle internet. »

    Affirmer sans preuve ne me semble pas un bon début, ni le signe d’une compréhension claire de la situation.

    internet n’a jamais acheté de journaux, comment pourrait-il être responsable du manque d’achats ? Internet est un porte-voix, pas un acteur du marché.

    Par contre, moi j’en suis responsable, de cette crise, parce que :

    - je préfère écouter directement les personnes qui parlent de leur vie ou qui ont des idées ;
    - le filtre des auteurs d’articles est devenu tellement propagandiste qu’ils n’ont plus de valeur ajoutée intellectuelle.

    Je n’ose même pas parler de journaliste depuis que j’ai découvert que la définition d’un journaliste, c’est d’être payé par un organisme de presse.

    Et comble de l’hypocrisie, un journaliste dit rester indépendant en ne percevant pas de revenu de publicité, mais il peut être payé par un journal vivant de la publicité...

    Par contre je suis prêt à payer des journaux qui apportent de vraies informations ou des points de vue nouveaux, et sans publicité, comme Le Canard Enchainé ou que Choisir. Mais il n’y en a pas beaucoup de vrais journaux aujourd’hui...

    Quand à un site web qui me demande mes coordonnées avant d’entrer, je n’y vais pas, simplement. Et les campagnes d’« emailing », je les appelle campagnes de SPAM, et tout auteur de spam est radié à vie de mes fournisseurs éventuels.


    • plancherDesVaches 30 octobre 2009 12:19

      COMPLETEMENT d’accord avec vous.
      Mais depuis le temps que les publicitaires nous manipulent sans penser qu’on s’en aperçoit, que la « promotion » semble plus importante que la qualité REELLE du produit et qu’il semble que pour faire du fric, il vaut mieux être agressif qu’intelligent....

      Comme je dis toujours : « laisse faire : ils se tuent eux-mêmes »


  • goc goc 30 octobre 2009 13:21

    L´industrie de la presse traditionnelle est en crise et le principal coupable s´appelle internet.

    Quelle affirmation !!!

    allez Lefevre sort de ce corps !!

    Sérieusement, Vous etes à coté de vos pompes. L’industrie de la presse papier (et même audio-visuelle) se détruit elle-même. elle n’a pas compris ce qu’est internet, elle est restée encore au minitel, époque ou les petites annonces etaient « la vache à lait » de la PQR.

    et puis que dire de « l’objectivité » de la presse papier aux mains d’industriels amis de politiques au pouvoir. Vous croyez quoi ? que les gens sont tous aveugles et gobent la propagande officielle des « pravda » français.

    maintenant si vraiment vous voulez trouver des causes du déclin chez le Web, alors je vous propose de méditer sur les points suivants

    1 - la possibilité d’avoir de vrais débats, sans filtres ni censures, entre lecteurs
    2 - le choix des sources, et surtout la capacité à vérifier justement par soi-même, les propos tenus par des prétendus journalistes.
    3 - La possibilité d’avoir des informations sans avoir a subir des pages et des pages (ou des minutes et des minutes) de publicité !


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