mercredi 12 décembre 2007 - par arretsurlesmots

PS : Y a du Jospin sur la planche

L’Impasse de Lionel Jospin, les mots pour achever Ségolène Royal.

Il est de notoriété publique que les éléphants ont une grande mémoire, on apprend à cette rentrée 2007 qu’ils sont, de surcroît, très rancuniers.

Après le pamphlet de Claude Allègre, c’est au tour de Lionel Jospin d’attaquer l’ancienne candidate socialiste à l’élection présidentielle. L’Impasse est à la fois une charge musclée contre Ségolène Royal, une nostalgie des années où il était au pouvoir et un projet d’avenir. Nous allons nous pencher sur les mots que l’ancien Premier ministre utilise pour parvenir à ses fins.

Pour ceux qui l’ignoraient encore, on comprend dès la première page que Lionel Jospin ne supporte pas Ségolène Royal. Le premier syntagme désignant l’ancienne candidate est clair et franc, Ségolène était « la moins capable de gagner ». C’est elle qui a conduit le Parti socialiste dans l’impasse dans laquelle il se trouverait actuellement.

Bien que l’ancien Premier ministre rende hommage à « sa résistance et son courage », il va violemment attaquer celle qui n’était qu’un « outsider » devenue, par l’absence de réels leaders et « grâce aux renforts des médias et des sondages », « la candidate socialiste à l’élection présidentielle ». Afin de parvenir à ses fins, Lionel Jospin va attaquer la présidente de la région Poitou-Charentes sur des points très précis. Tout d’abord il va critiquer son caractère « démagogique » et « peu responsable » en affirmant qu’elle a considéré l’élection comme un « face-à-face narcissique avec l’opinion ». Cette critique lui permet de rejeter Ségolène Royal comme un corps étranger à la gauche, il n’aura de cesse de montrer qu’elle n’est pas réellement socialiste, qu’elle ne s’est jamais revendiquée comme telle ni engagée dans le Parti. D’ailleurs, Jospin n’hésitera pas à souligner les parallèles entre le programme de la candidate (« le pacte présidentiel ») et les valeurs de droite, voire d’extrême droite. Pour lui, le fait qu’elle ait qualifié les citoyens de « meilleurs experts » et qu’elle ait fait preuve de défiance envers les élus en voulant instaurer des « jurys citoyens », montre sa proximité avec « l’extrême droite et les mouvements populistes ».

Pour Lionel Jospin, Ségolène a péché par son manque de compétence et de crédibilité. Elle a été « un instant impressionnante », mais rapidement elle a déçu par « ses propos de touriste ». Il retient d’elle un « amateurisme insécurisant » en expliquant qu’au début de la campagne Sarkozy faisait peur mais que, par ses incertitudes, ses gaffes, c’est l’incompétence de la candidate socialiste qui serait finalement devenue inquiétante. Il l’accuse d’avoir contribué à l’ « infantilisation de la politique »...

Cessons d’enfoncer le clou, Lionel Jospin résume lui-même la situation : « Avoir commis une erreur ne justifie pas qu’on la réitère ».

Avant de passer aux points suivants, jetons juste un œil à la manière dont l’auteur nomme « Ségolène Royal ». L’enjeu de dénomination a été fort pendant cette campagne. On est passé d’un duel Sarkozy-Royal, à un duel « Ségo »-« Sarko ». On sait que la candidate socialiste a beaucoup insisté pour qu’on l’appelle par son prénom (notons l’exemple de la « ségosphère »). Se faire appeler par un prénom ou un surnom correspond tout à fait à cette volonté d’être « proche des gens ». Passons. Dans ce livre Lionel Jospin n’utilisera qu’une fois le terme « Ségolène » pour désigner la candidate. Il préférera la répétition de « Ségolène Royal » ou de « notre candidate », ce qui montre une réelle volonté de détachement vis-à-vis d’elle. Notons, enfin, que Ségolène a réagi à ce livre en le qualifiant de « sexiste », voire de « raciste ». Difficile de trouver des traces de racisme en tant que tel dans cette publication, mais du « sexisme » on pourrait en voir dans le fait que la candidate soit souvent désignée par le mot « femme » parfois accablé de qualité que l’on prête volontiers à celles-ci. Elle est pour ne retenir qu’un exemple qualifiée de femme « séduisante ». J’avais commencé à relever le nombre d’occurrences du mot « femme », ou « féminin », mais je me suis laissé décourager par leur omniprésence au cours de la première partie de cet ouvrage... Ce n’est pas à moi d’en déduire qu’il y a dans les propos de l’ancien Premier ministre du sexisme, mais il n’est pas impossible qu’à l’instar de nombreux politiques il fasse, consciemment ou non, un lien entre féminité et incompétence. Cet amalgame n’est pas rare, songeons aux propos tenus par Laurent Fabius (« qui va garder les enfants ? ») ou par Henri Emmanuelli (« elle croit que c’est un concours de beauté ») au moment où Ségolène Royal a annoncé sa volonté de se présenter à l’élection présidentielle.

Mais nous le disions auparavant, Lionel Jospin n’a pas écrit un livre dans le seul but d’attaquer Ségolène, il a aussi un passé et un futur qu’il entend défendre. Son passé, on le connaît tous. Il n’a pas pour autant manqué, tout au long de ce livre, de nous le rappeler. Lionel Jospin a été à la tête du gouvernement français de 1997 à 2002. Puis, un certain 21 avril 2002, alors que tous les médias se préparaient au second tour tant attendu - revanche de 1995 - entre Chirac et Jospin (le fameux «  chirospin » ou « josrac »), c’est la surprise générale. Le Premier ministre sortant ne passera pas le second tour. Si je me permettais de plagier Henry Rousso, je dirais que pour Jospin le 21 avril est « un passé qui ne passe pas ». Pour le dire autrement, il l’a encore au travers de la gorge et les mots qu’il utilise le montrent. Il commence par parler de « désastre », puis de « date symbolique ». Cette élection reste pour lui un « souvenir cuisant » d’une « élection inachevée ». Il ne manquera pas de justifier cette défaite en montrant qu’elle n’a rien de comparable à celle de Ségolène Royal. En effet, « cette femme populaire mais peu connue » a bénéficié d’un phénomène de vote utile corollaire de la « leçon du 21 avril », de ce « choc de 2002 » où il avait été victime d’une « irresponsable division de la gauche ». Passons.

En ce qui concerne le futur de Lionel Jospin, je ne vous révélerai pas ce qu’il en est. Si son futur vous intéresse, son livre est en vente dans toutes les librairies. Ce qui m’intéresse ce sont les mots, et plus précisément les mots qu’il adresse aux autres politiques. Je ne vais pas vous faire une liste exhaustive, je ne vous priverai pas du plaisir de trouver d’autres petites phrases sympathiques dans le livre de Lionel. Notons tout de même que pour lui, l’extrême gauche est peuplée de « révolutionnaires sans emploi », qu’il n’hésite pas à désigner Lutte ouvrière comme une « secte », avant de dire qu’au bout du compte l’extrême gauche ne fait « ni révolution ni réformes » et que, par conséquent, elle dessert la gauche. Pour conclure sur la gauche de la gauche, il qualifie le PCF de « parti sans destin ».

Il n’est pas avare de coups non plus au sujet des membres de son propre parti, ainsi Jean-Pierre Chevènement est « le premier artisan du 21 avril ». Arnaud Montebourg, quant à lui, est vu comme « un grand donneur de leçons » qui ne pense qu’à son « image personnelle ». En revanche, Delanoë est un « bon exemple », il fait parti de la liste des socialistes à qui « on ne peut rien reprocher » (DSK, Fabius, Delanoë, Guigou & Aubry). Jospin ne tiendra d’ailleurs des propos sympathiques qu’à l’égard de Delanoë et de lui-même, enfin, je généralise un peu, il souligne tout de même à deux reprises les « réels talents » de Nicolas Sarkozy !



4 réactions


  • tvargentine.com lerma 12 décembre 2007 13:45

    Jospin a raison dans son analyse mais il porte une lourd responsabilité dans l’état du PS.

    En 1993,le PS était d’ailleurs dans le même état et 4 ans plus tard il remportait les élections législatives sur un PROGRAMME.

    Il a tourné sa veste en 2000 et s’est planté aux présidentielles.

    Il est temps que le PS se restructure poour écarter des candidatures opportunistes comme celle de S.ROYAL qui constituent le vide intégrale de la pensée et des idées progressistes.


  • La Taverne des Poètes 12 décembre 2007 14:05

    Je suis entièrement d’accord avec le constat de Jospin repris par cet article. Lucide et clairvoyant comme (presque) toujours. C’était le seul candidat sérieux du PS, qui l’a écarté avec les conséquences heureuses que l’on sait pour Sarko.


  • poussant 12 décembre 2007 17:19

    ça continue ...c’est bien triste sur agora vox ..au seul nom de SEGO c’est reparti !!rdv en 2012 !! le machisme c’est révolu. réveillez vous !!quand à jospin, quel triste sir !un entartrage lui ferai le plus grand bien !


  • Lucrezia 13 décembre 2007 09:07

    Quelle pertinence de la part des Socialistes ! Seraient-ils enfin prêts à se réformer ?


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