jeudi 16 novembre 2006 - par Leblogmedias de RSF

Tous journalistes ?

Que dirait-on si la vidéo montrant Ségolène Royal en train de critiquer les professeurs avait été achetée à son auteur ? Sans doute crierait-on au loup. Un Britannique qui détiendrait un tel document pourrait espérer toucher un petit pécule. En effet, la chaîne Channel 5 a décidé de rémunérer systématiquement les téléspectateurs qui lui fournissent des films intéressants ou lui transmettent des informations pertinentes. 100 livres sterling minimum, soit 150 euros, pour un clip ou une information diffusés. Une somme rondelette si l’on compare avec la plupart des piges en France... De plus, un pourcentage est reversé sur la vente éventuelle du « scoop » à d’autres médias. Plusieurs chaînes britanniques avaient déjà reconnu avoir ainsi payé pour obtenir films et informations, mais c’est la première fois qu’une rétribution minimum est fixée.

Le « journalisme citoyen » est à un véritable phénomène en Grande-Bretagne. Cette année, un Citizen journalism awards a été décerné à un anonyme présent lors de l’attaque du bus de Tavistock Square, le 7 juillet 2005. Peu avant les attentats de Londres, une agence à Glasgow s’était déjà spécialisée dans la commercialisation d’images amateurs. Elle dit dépenser depuis beaucoup d’énergie à démarcher les médias pour ses « clients », à qui elle reverse 50%.

En France, LCI présente, à 23h15 en semaine, un journal qui reprend les sujets les plus consultés sur le site Internet de la chaîne par les quelque 200 000 visiteurs par jour qu’elle revendique. Des sujets plus légers et souvent traités au moyen de vidéos dénichées sur Internet. Les initiateurs de ce programme le décrivent comme le premier journal « interactif » français mais s’interdisent, selon le présentateur Damien Givelet, « de diffuser des vidéos d’agressions ou de jeunes en banlieues brûlant des voitures ». Les vidéos choisies ne donneraient pas droit à des émoluments.

A l’inverse, TF1 achètera aux internautes les contenus diffusés dans l’émission hebdomadaire qu’elle s’apprête à lancer sur son site (www.wat.tv). L’objectif serait à terme de créer une véritable chaîne spécifique aux productions de la Toile.

La rétribution de spectateurs et l’attribution d’un canal propre à eux pose des questions : une source potentielle est-elle un journaliste en puissance ? Et surtout, quel avenir pour les professionnels de l’image victimes de cette véritable confusion des genres ?

Photo AFP



3 réactions


  • Franck (---.---.24.123) 16 novembre 2006 11:49

    Article à mettre en rélation avec cette brève de Ratiatum qui montre bien les dérives potentielles de ce système :

    La chaîne britannique Five va payer ses téléspectateurs

    Avec Internet et la démocratisation des outils de création, la frontière entre public, créateurs et éditeurs devient de plus en plus floue. La chaîne britannique Five News annonce qu’elle reversera au minimum 100 £ (environ 150 euros) aux télespectateurs qui adressent des vidéos à la chaîne, diffusées sur son antenne. Les téléspectateurs devenus « journalistes citoyens » percevront en outre un pourcentage lorsque la chaîne jouera les agents et concèdera les contenus à des tiers. En Grande-Bretagne, le journalisme citoyen s’est surtout révélé lorsque la BBC a reçu de nombreuses photos et vidéos prises par téléphones mobiles lors des attentats de Londres. Il s’est depuis en partie perversifié sous l’influence de l’agence Scoopt, qui fait le bonheur des tabloïds, mais devient de plus en plus influent, y compris en France où Agoravox s’est imposé en moins d’un an sur le paysage médiatique en ligne.

    http://www.ratiatum.com/breve3908_La_chaine_britannique_Five_va_payer_ses_t elespectateurs.html


  • joseW 16 novembre 2006 12:12

    Oui, le problème est réel.

    Mais tout de même pourquoi s’étonner que l’Argent devienne le nerf de la guerre quand on soutient aussi ouvertement le système capitaliste à l’Américaine, comme le fait justement RSF et son succédané « Blogs-médias » auteur de cet article ?

    C’est une sorte de schizophrénie assez inquiétante...

    Forcément, la logique capitaliste finit toujours par s’imposer lorsque l’on soutient aussi ouvertement ce modèle, et ce qui existe depuis pas mal de temps aux Etats-Unis sous diverses formes arrive en Angleterre et bientôt en France.

    Et vue la tournure que prend Agoravox ces derniers temps avec tous ces posts repliés comme à la Star-ac (ce système est parfois à mourir de rire !), on peut penser que l’argent finisse lui aussi par devenir un « juge de paix » entre l’information réellement libre et l’information politiquement correcte...


  • phil (---.---.75.114) 17 novembre 2006 13:39

    En réalité, la question posée (« une source potentielle est-elle un journaliste en puissance ? »)... ne se pose même pas.

    De tous temps, les grands medias ont rémunéré leurs informateurs. Que ce soit à travers les correspondants de village dans la PQR jusqu’aux grands événements (je pense par exemple au crash de l’Airbus à Habsheim : un passager avait vendu ses photos pour près d’un million de francs à Paris-Match). On a aussi connu le téléphone rouge d’Europe 1 et d’autres initiatives visant à faire des citoyens des soirces potentielles d’info. Tout ça n’est pas très nouveau, c’est du « journalisme citoyen » avant l’heure.

    La nouveauté, c’est que tout le monde aujourd’hui peut faire une photo ou un film grâce à son portable, ou encore rédiger une note sur son blog. Les journalistes professionnels ne peuvent pas être partout, leur rôle reste (et d’autant plus aujourd’hui) celui de trier l’information, de la vérifier, de la mettre en perspective.

    Transmettre une information ce n’est pas devenir journaliste. Je ne suis pas certain qu’il y ait confusion des genres. Mais incontestablement le métier évolue, plus proche des lecteurs/téléspectateurs et c’est tant mieux.

    A mon sens, il n’y a pas d’antagonisme entre journalistes pro. et journalistes citoyens. Les deux sont complémentaires, ce sont des genres différents. Ce n’est qu’un avis, je peux me tromper... http://www.universmedias.com


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