lundi 23 avril 2007 - par
22 avril 2007 ou le triomphe « forcé » du bipartisme
22 avril 2007, 20 heures, les résultats du premier tour des élections présidentielles sont tombés. Nets et sans bavure. Qualifiant ainsi largement Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal pour le second tour. Une sorte de plébiscite pour l’UMPS compte tenu d’une participation historique, bien aidée en celà par l’affluence du vote utile. Et pourtant...
Que penser des résultats de ce premier tour si ce n’est qu’il officialise à 90% l’élection de Nicolas Sarkozy ? Si ce n’est qu’il confirme les médias et les sondeurs dans leurs pronostics (volontairement ?) tournés vers un duel inévitable Sarko-Ségo ? Si ce n’est que, malgré tout, François Bayrou réalise un score historique et pour le moins inespéré tant la participation a été tonitruante ?
Force est de constater que l’appel au vote utile a su convaincre les Français. Force est de constater que ces mêmes Français ont soudain craint pour leur traditionnel duel droite-gauche dont ils avaient été privés par surprise en 2002. Force est de constater que, avec le recul, François Bayrou et encore moins Jean-Marie Le Pen ne pouvaient espérer même de loin une qualification au second tour. Et pourtant... de la poudre dans les yeux que fut cet appel au vote utile ! Et dire que monsieur Hollande relevait ces derniers jours une forte crainte, une menace Le Pen, criant ainsi son désarroi à peine masqué que ce soit à la radio ou sur les plateaux télé... Que dire de cette fumisterie à peine déguisée finalement destinée à réduire le potentiel électoral de François Bayrou ?
Ne soyons pas dupes, François Hollande et le PS en son entier savaient très bien que Le Pen ne serait pas au second tour. Tout simplemenet parce que Nicolas Sarkozy a réussi là où Jacques Chirac avait échoué : marginaliser le FN, non pas en le diabolisant mais en respectant ses électeurs, en reprenant quelques-unes de ses idées phares et en les "démocratisant" dans des discours certes musclés mais au final considérés comme républicains. Sarkozy savait très bien ce qu’il faisait en parlant d’identité nationale ou d’amour de la France, il savait pertinemment qu’il était en train de s’assurer là une facile qualification au second tour avec plus de 25% des voix tout en éliminant les forces du FN.
Mais tout ceci, le PS le savait aussi. Cependant, surfant sur les souvenirs de 2002, ils ne purent s’empêcher d’appeler au vote utile. Officiellement donc pour annihiler l’extrême droite, mais plus certainement avec l’objectif de barrer la route à François Bayrou. Certains médias renforçant ainsi au passage "l’obligation" d’un duel droite-gauche au second tour, sous couvert d’une alliance UMP-PS à peine masquée puisqu’un tel deuxième tour arrangeait leurs perspectives.
Ainsi, autant l’UMP que le PS avaient pour intérêt commun de brandir l’excuse Le Pen et les souvenirs de 2002 non pas pour éviter une terrible redite, mais pour marginaliser François Bayrou et l’exclure ainsi d’un possible second tour. Mission accomplie ! Et, avec le recul, cette mission fut d’une simplicité enfantine, tant il suffisait d’agiter la peur des extrêmes au nez des Français, tant il suffisait d’attiser leur envie de s’offrir un "vrai" débat (sous-entendant au passage que François Bayou ne pourrait en être en prétextant son absence supposée de projet)... Ainsi le PS se sauve en présentant Ségolène Royal au second tour et l’UMP s’assure la victoire avec un Nicolas Sarkozy pratiquement assuré d’être élu, leur véritable menace nommée François Bayrou désormais écartée.
Au final, les Français ont choisi, et en masse, de voter pour les deux principaux partis. Une réaction fortement compréhensible tant UMPS, médias et sondages ont su être convaincants. Tant François Bayrou s’est retrouvé seul face à tous ces pouvoirs. Tant les Français semblent intimement attachés à ce bipartisme historique lorsqu’une menace extrême guette. Même si, au final, on peut se poser des questions...
Et s’il n’y avait pas eu l’incident du 21 avril 2002 ? Que se serait-il passé cette année ? On ne saurait trop faire d’hypothèses mais probablement que François Bayrou aurait atteint le second tour, probablement que Nicolas Sarkozy n’aurait pas dépassé les 25%, probablement que Ségolène Royal aurait terminée 3e, fortement menacée par un Le Pen au-delà des 15%. Mais ceci nous ne le saurons jamais...
Néanmoins, cet appel douteux au vote utile et à un renforcement de la bipolarisation aura eu un double effet bénéfique non négligeable sur la démocratie : une participation quasi-record et un recul du vote FN. Même si celui-ci représente probablement 1/6e du score de Nicolas Sarkozy. Ne manquons pas de saluer tout de même l’excellent score de François Bayou qui, malgré cet isolement forcé, a réussi à dépasser les 18%, ce qui constitue une sorte d’exploit dans ces conditions. Nul doute désormais qu’il sera l’arbitre incontestable du second tour et qu’il aura son mot à dire dans les cinq années à venir. Et qui sait ce qui se passera en 2012... où on ne pourra probablement plus agiter le vote utile en excuse ! Ce n’en sera d’ailleurs que plus intéressant à suivre...