mercredi 3 avril 2013 - par hommelibre

Affaire Cahuzac : le fantôme de Bérégovoy

Il y a encore peu le président Hollande affirmait qu’il croyait son ministre. Qu’il avait confiance en sa parole. Il l’a dit publiquement. Le clash politique est d’autant plus grand. On ne peut évidemment pas rendre messieurs Hollande et Ayrault responsables du comportement individuel d’un ministre. On peut toutefois se poser des questions en particulier sur la notion d’autorité, et se demander s’il n’y avait pas moyen d’éviter une telle catastrophe.

Bien sûr Jérome Cahuzac a menti effrontément. Il cachait ses manoeuvres pendant que d’autres lui tressaient, il y a encore peu, des couronnes de probité et de compétence. Il a cumulé mensonge, évasion fiscale et, d’une certaine manière, outrage à magistrats et aux français. Cela arrive. Mais n’y a-t-il pas des services secrets ? N’auraient-ils pas pu être actionnés dès les premières révélations de Mediapart, qui pesaient pourtant lourd ? N’aurait-on pas pu éviter un tel affront public au président, et au-delà du président : à la fonction de chef de l’Etat ?

François Hollande et Jean-Marc Ayrault affirment qu’ils ne savaient rien : c’est le moins que l’on puisse attendre. Cela devrait aller évidemment de soi sans avoir à s’en défendre. Mais de la part des deux premiers personnages politique du pays c’est un aveu d’impuissance et de manque d’autorité sur l’appareil de l’Etat. Ce n’est pas s’ils savaient ou non qui pose problème ici, mais comment il se fait qu’ils n’aient rien su, qu’ils n’aient rien pressenti ni reçu aucune information qui aurait dû les mettre en alerte ? Et puis : disent-ils vrai, eux ? Il vaut mieux penser que oui.

Ils ont donc cru le ministre. Pourtant la question en politique n’est pas de croire mais de veiller au grain et d’anticiper. Un capitaine de bateau ne croit pas à la météo du journal quand il largue les amarres sous un ciel bleu. Il anticipe, recherche des informations de plusieurs sources, les recoupe. Il doit être plus malin que ses marins. Il cherche et se tient informé pendant tout le voyage. Quand on est président on ne croit pas sur parole. On vérifie, puis on défend bec et ongles ou on sacrifie. La foi portée par François Hollandecahuzac,hollande,ayrault,mensonge,évasion fiscale,pardon,contrition,flagellation,exemplarité,cahuzac,bérégovoy,foi,croyance, dans la parole de son ministre est enfantine. Elle le plombe comme s’il avait lui-même partagé sa croix. Fanfrelande, alias Monsieur Bricolage, ne serait-il pas aussi Schtroumpf naïf ? Ou est-ce là un autre aspect de la liturgie que propose le chef de l’Etat : après la prophétie, c’est l’acte de foi, la foi du charbonnier, la foi aveugle, celle qui suggère une loyauté quasi enfantine ? Si c’est cela, alors il faut se poser de sérieuses questions sur la maturité affective du président.

On dirait l’histoire inversée de Bérégovoy, lâché par François Mitterrand pour moins que ça. Bérégovoy, l’ouvrier devenu premier ministre. Rien d’illicite n’avait été démontré contre lui. Cassé par une presse aux réflexes de meute. Démoli par la trahison du président à son égard. Bérégovoy, l’exemple de l’homme qui se voulait intègre et exemplaire, mais trop proche de milieux qui eux étaient troubles. Lâché comme un simple kleenex dans un caniveau. Mort seul, suicidé, le long d’un canal un matin de printemps.

Hier Hollande et Ayrault se flagellaient sur la trahison qu’ils n’ont pas anticipée. Le méchant Cahuzac faisait exploser moralement le gentil gouvernement. Ils en devenaient des victimes. Reconnaissance implicite de leur manque d’autorité. Et Cahuzac, au sommet du déshonneur, se flagellait en demandant pardon. Cela est bien dérisoire. A tout le moins on espère que François Hollande reprendra en main ses services secrets. Quant à Ayrault, se défendre derrière son ignorance n’est pas digne d’un premier ministre.

Hier, le fantôme de Bérégovoy s’est invité à la table du pouvoir pour rappeler que l’exemplarité n’est pas un but en soi et que l’autorité est peut-être préférable à l’angélisme ou à la foi du charbonnier. L’exemplarité est, dans certains cas, une forme d’arrogance morale par laquelle l’élu doit montrer l’exemple, le chemin, être au-dessus du peuple qui nage comme un têtard dans l’imperfection. L’exemplarité, une forme d’angélisme quand il s’agit de morale, est un piège. Un piège que le président a lui-même ouvert lors de sa campagne. Un piège dans lequel il s’est mis pour être élu et qui se referme sur lui depuis 11 mois.

La quête de l’exemplarité est une quête quasi religieuse, qui rejoint celle de la pureté. Dans la recherche d’exemplarité, l’ambition à être meilleur que la moyenne est insupportable. C’est une quête vampirique et narcissique qui saigne celui qui s’y adonne. Un gouvernement doit bien plus faire preuve d’autorité que d’exemplarité, et montrer qu’il tient les rênes. Dire : « Je ne savais pas » c’est reconnaître que « Je ne maîtrise pas ». On est ici dans le reflux d’une campagne présidentielle dont l’essentiel était de dire qu’on était mieux que l’autre. Le mécanisme était prévisible. Demander à des humains d’être surhumains n’est pas raisonnable.

Et si l’on se contentait simplement d’être compétent et plutôt honnête ? On ne demanderait pas l’impossible aux humains, on ne les enfermerait pas dans un mythe, et l’on s’occuperait du pays.



12 réactions


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 3 avril 2013 14:23

    100% d’accord avec cette analyse


  • COLLIN 3 avril 2013 14:44

    « A tout le moins on espère que François Hollande reprendra en main ses services secrets. »

    Non,car ils sont occupés à plein temps à fournir des explosifs aux salafistes payés par le Qatar pour détruire la Syrie,insolente Syrie,qui ose défier Usraël....

    « Et si l’on se contentait simplement d’être compétent et plutôt honnête ? »

    A ce sujet,je parle de la compétence,planquer son pognon sale sur un compte ouvert en nom propre en Suisse,n’est pas à proprement parler une marque de compétence....il y a des politiques qui s’en tirent bien mieux...ce Mr Cahuzac aurait dù demander quelques conseils à ses collègues,de « droite » comme de « gauche »....


  • alain_àààé 3 avril 2013 15:26

    comme je l ais expliqué sur un autre article de se jours tout le monde était au courant un ancien agent de services de renseignement


  • Herlock Sholmes Herlock Sholmes 3 avril 2013 16:33

    N’importe quoi, Béré a été « suicidé » de 2 balles dont une au sommet du crâne alors qu’il allait régler ses comptes avec les requins corrompus d’en face, responsables de sa disgrâce...




  • bakerstreet bakerstreet 3 avril 2013 18:44

     L’allusion à Berigovoy est de trop. Voilà pour moi un honnête homme dont le plus grand tort était de ne pas faire partie du sérail ;
    Je me souviens de la bétise de ces profs protestant contre sa réforme. Même si je n’approuvais pas celle ci, jamais l’idée me serait venu de brandir une pancarte : « Passe ton bas d’abord ! »

    Il est vrai dans ce pays, que certains ne supportent pas de voir des esprits libres arriver au sommet, grâce à la seule force de leurs mains, alors qu’eux ont pris le téléphérique, et ont font une sorte de fierté imbécile.

    Bérigovoy, ancien résistant, ancien garagiste n’avait que son certificat d’études.
     S’il n’était pas passé par l’ENA, il avait su, grâce à son seul mérite, et ce n’est pas rien dans ce pays atteint de diplomite et de filiation, arriver jusqu’au fait de l’état.

    Sans doute avait il cette fragilité, de l’homme venu d’ailleurs, toujours sur ses gardes, ayant peur de faire un impair, dans cette meute affichant ses belles manières.

    L’affaire qu’on lui reprochait était une pacotille, un emprunt sans intérêt pour financer l’achat de sa maison.....Pas des millions d’euros partis vers les paradis fiscaux.
    Mais cet homme droit n’était pas préparé à l’affront et à l’injure, encore moins à la suspicion.

    Rien de nouveau dans ce monde, et qui peut s’étonner de cette affaire, au vu du climat général, des facilités offertes, du lobbying à Bruxelles.

     Les Cahuzac se ramassent à la pelle et nos souvenirs aussi....


    • dixneuf 3 avril 2013 23:02

      Bérégovoy, certainement un des politiques les plus honnêtes depuis longtemps. Et je ne suis pas socialiste.


    • hommelibre hommelibre 4 avril 2013 09:15

      Bonjour,

      Je ne compare pas Bérégovoy à Cahuzac, au contraire. J’avais écrit (voir lien) que Béré était un homme intègre, et son fantôme est celui d’une vraie éthique par rapport à l’enfumage de Hollande et consorts.


  • TSS 4 avril 2013 00:53

    Beregovoy ,l’homme qui s’est suicidé de 2 balles derrière la tete... !!


  • Denzo75018 4 avril 2013 08:14

    Affaire Cahuzac : Fantôme de Beregovoy ?

    Quelle drôle d’interrogation ???

    Devrait-on minimiser les faits ? Je vous rappelle que si les faits devaient être avérés, l’affaire Cahuzac s’apparenterait à du « banditisme » ....voir un « meurtre » Politique !

    Pensez-vous que nous ayons de la compassion pour nos « criminels » lambda !?

    Alors un peu de décence...


  • Taverne Taverne 4 avril 2013 09:08

    Le gouvernement veut faire passer sa passivité pour une vertu.

    « Nous avons laissé la justice travailler, nous avons laissé Cahuzac à son poste par respect de la présomption d’innocence. Nous n’avons pas cherché à savoir ce qu’il avait fait. Bref, Nous n’avons rien fait du tout ! »

    Rien fait = courage, vertu ! Vive nous !


  • Taverne Taverne 4 avril 2013 10:06

    Certes, Cahuzac n’est pas Bérégovoy. On peut toutefois imaginer les craintes de l’Exécutif qu’une dépression chez un homme « entier » le pousse à un acte désespéré et que son sang éclabousse encore une fois un pouvoir socialiste...

    Mais cette raison ne saurait en aucune façon suffire et justifier la protection dont Cahuzac a bénéficié, ni l’inaction, la grande passivité du gouvernement et du président.


  • ZenZoe ZenZoe 4 avril 2013 11:15

    D’un côté un président fourbe, menteur, corrompu, cynique, aux célèbres grandes oreilles, grandes familles et aux mains suspectes qui lâche le ministre probablement le plus droit, sincère et intègre de son gouvernement et l’abandonne à son triste sort.
    De l’autre un président M. Propre mais qui commence quand même de plus en plus à ressembler aux trois singes chinois qui font semblant de ne rien voir, ne rien entendre et ne parlent pas ou si peu ou pour sortir des mots vides ce qui revient au même, qui lui aussi abandonne un ministre à son triste sort (mérité celui-là).
    Ces deux affaires, à 20 ans de différence, renvoient pourtant deux mêmes choses :
    - un furieux sentiment que quelque part (où ?), on nous prend pour des billes (Hollande qui ne savait pas, c’est dur à avaler venant du personnage le plus haut placé de l’état, j’espère qu’il sait au moins qui a accès à la bombe nucléaire).
    - et le sentiment que décidément, les Présidents choisis par les Français ne se comportent pas comme ils le devraient. L’un s’inspira en son temps peut-être et vaguement des parrains transalpins (d’où son surnom de tonton sûrement), l’autre aujourd’hui préfère jouer Mister Bean, mais le résultat est le même : une république en perdition.


Réagir