lundi 12 mars 2007 - par D. Artus

Chirac ou les feux de l’amour

Chirac part sur une ultime pirouette, après quarante ans de présence politique au plus haut niveau. Il s’en va sur une déclaration d’amour à la France et aux Français, une déclaration de midinette comme il n’en a jamais fait à sa femme.

medium_mit2.3.jpg Comme peut-être, il n’en fit jamais à aucune autre femme non plus. Même pas à son grand amour, une ancienne journaliste du Figaro pour laquelle il faillit tout envoyer promener, comme le révèle Giesbert dans son livre La Tragédie du président.
Ou alors on nous aurait menti, trompés, pendant ces quarante dernières années. Et les journalistes politiques, si familiers du pouvoir chiraquien, n’ont rien vu, rien entendu pendant tout ce temps. Car si Chirac finit sa carrière en romantique à la Chateaubriand, faisant de l’amour le cœur de son message, il n’en a rien laissé paraître auparavant. Douze ans à la tête de l’Etat, deux fois Premier ministre (Giscard et Mitterrand), déjà ministre sous Pompidou, maire de Paris dès 1977, fondateur du RPR... Une carrière riche, bien remplie, mais dans laquelle on cherche un autre fil conducteur que l’appétit pour la conquête du pouvoir. Un appétit carnassier chez un homme longtemps dénoncé par ses adversaires comme un agité incontrôlable (tiens, comme Sarkozy aujourd’hui), mais pas comme un amoureux transi.

Un tiers-mondiste, deux tiers politicien
Car Chirac comme Mitterrand est un pragmatique, très peu idéologue, même si dans les entretiens avec Pierre Péan, (l’inconnu de l’Elysée) il tente de se faire passer pour un tiers-mondiste de la première heure. La vérité est que ce radical-socialiste à l’ancienne a oscillé au gré de l’opinion publique, des alliances et de ses nombreux conseillers qu’on lui reprocha souvent de trop écouter. Des affreux Juillet-Garaud à sa fille Claude aujourd’hui, en passant par Pasqua, Juppé, Balladur et Villepin, Chirac a toujours eu besoin d’un alter ego, d’un « copain » dirait-on dans la cour de récré, pour asseoir ses convictions politiques. Libéral à l’époque Reagan-Thatcher, contempteur de la fracture sociale en 1995, tiers-mondiste et écolo aujourd’hui, il préparait sa sortie depuis plusieurs mois.

Contre les extrêmes
Seules convictions jamais démenties à ce jour, son opposition farouche aux extrémismes et sa condamnation nette de l’antisémitisme et de la Shoah. Même s’il rencontra bien Le Pen comme le dit Pasqua, il n’eut de cesse de combattre toute idée d’alliance avec le Front national, alors que ce mouvement le mettait plusieurs fois en difficulté. Sa spectaculaire remontée dans l’opinion aux élections de 1995, alors qu’il partait battu, l’a définitivement vacciné contre les sondages. Et il le répète à tous, notamment à Nicolas Sarkozy, obsédé par les instituts et leurs chiffres quotidiens.

L’amour toujours
A l’heure où Chirac souhaite plutôt se consacrer à une grande cause mondiale, comme la protection de la planète, la création d’une ONU de l’environnement, on le voit mal rester dans la politique franco-française. Contrairement à ceux qui l’imaginent président du Sénat... Une fonction purement honorifique de rond-de-cuir qui irait mal à un ancien président, tout comme le Conseil constitutionnel, où il a nommé son fidèle Jean-Louis Debré.
Non, le romantique amoureux de la France qui fit sa déclaration à 74 ans passés veut maintenant que le monde entier l’aime. On fait difficilement plus narcissique. D.A.



4 réactions


Réagir