Ciel lourd avec risques de fortes précipitations
La candidature de François Fillon aux prochaines présidentielles n’est pas un bon augure pour « la France d’en bas ». S’achemine-t’on vers un duel de deux droites extrêmes au second tour ? Tout le laisse penser. A moins que….
C’est donc sans surprise que François Fillon s’est imposé au second tour des primaires de la Droite et du Centre. Les deux tiers des suffrages exprimés (66,5%) se sont portés sur lui tandis qu’Alain Juppé, son adversaire, n’en obtenait que 33,5%. Certes, sa désignation comme candidat des Républicains aux prochaines élections présidentielles ne reflète jamais que le souhait de trois millions de Français sur les quarante millions d’électeurs potentiels que compte notre pays. Mais ce n’est pas une bonne nouvelle pour tous ceux qui peinent à joindre les deux bouts dans cette société déjà très inégalitaire. Car le programme de cet admirateur de Margaret Thatcher ne ferait que les appauvrir un peu plus s’il venait à être élu en mai prochain. Outre l’abrogation de la loi sur les 35 heures, l’augmentation de la TVA et la suppression de 500 000 fonctionnaires en cinq ans, une part de plus en plus importante des soins de santé serait transférée vers les acteurs du secteur privé avec les déremboursements et les hausses de cotisations que l’on imagine. Avec Fillon, c’est notre modèle social qui serait directement menacé, conséquence d’une cure d’austérité outrancière et inadaptée à l’ensemble des Français d’aujourd’hui. Et c’est sans parler de son aversion pour les récentes avancées sociétales.
Face à ce retour en force de la Droite la plus dure, la Gauche est plus que jamais divisée à l’approche de cette échéance majeure. Que trouvons-nous dans cette configuration ? Un président politiquement affaibli et un premier ministre qui s’affirme de plus en plus comme son concurrent. Deux de ses anciens ministres – Emmanuel Macron et Sylvia Pinel – qui ont déclaré leurs ambitions présidentielles sans souci aucun d’en passer par des primaires de la Gauche. Où des frondeurs comme Arnaud Montebourg et Benoit Hamon l’attendent de pied ferme. A l’extérieur de son parti, il ne peut plus compter sur la mouvance écologiste – déjà bien étiolée – et encore moins sur la fraction la plus antilibérale de la Gauche (P C, Front de Gauche), avec un Jean-Luc Mélenchon qui en a pris les commandes, bien décidé à ne faire aucune concession à son ancien allié. Autant de voix originales mais discordantes, qui ne peuvent entrainer qu’un émiettement des suffrages et une juxtaposition fatale de petits scores, en l’absence –mais on peut rêver - d’un élan fédérateur pour un candidat à l’autorité incontestable.
Dans cette perspective, seule Marine le Pen peut constituer un obstacle sérieux dans la marche de Fillon vers l’Elysée. La patronne du FN a pour elle une forte base populaire, une quinzaine de mairies, près de 360 conseillers régionaux et de nombreux militants entièrement dévoués à sa cause. Mais comment considérer le nouveau FN comme « un parti gaullien » (dixit sa présidente) en sachant d’où il vient ? Comment, rationnellement, avaliser son projet de société fermée, son nationalisme étriqué, sa nostalgie du franc, son rejet des institutions européennes et ses valeurs morales passéistes ? En mai prochain une majorité d’électeurs, dont les sensibilités politiques ne seront pas représentées au second tour, risquent fort d’avoir pour seul choix deux candidats de la Droite extrême ? Que faire dans ce cas ? Voter contre, mais contre qui et quoi ? Faut-il d’ailleurs choisir entre l’une et l’autre ? « Entre la peste et le choléra, je choisis la bonne santé. » Disait un certain Renaud Muselier – médecin de son état - pour justifier son refus de soutenir l’un ou l’autre de ses adversaires politique lors d’une triangulaire passée. Ce dilemme et ce choix final de l’abstention pourraient bien peser lourd dans cette prochaine élection présidentielle. D’où l’urgence, pour la Gauche, de se refaire une santé politique.
Jacques LUCCHESI