Emmanuelle Mignon, une scandaleuse à l’Elysée ; soyez vigilants citoyens !
Les sectes sont un non-problème en France, voilà ce qu’aurait déclaré la directrice de cabinet de Sarkozy, minimisant du reste la menace de la scientologie et tenant des propos assez détonants.
Le grand public connaît très peu
Marie-France Garaud et Jacques Juillet, ce tandem dont la postérité retiendra
qu’ils ont drivé Jacques Chirac, voire qu’ils en ont fait un pur-sang de la
politique entraîné pour parvenir aux plus hautes fonctions de l’Etat. Ce qui
est exact, mais la face cachée de ces deux anciens conseillers du précédent président, c’est leur passion idéologique, violemment opposée au progressisme
de Chaban-Delmas, et son concept de nouvelle société, en quelque sorte la
rupture qu’attendait la France après 68, que Giscard amorça avec deux réformes emblématiques,
la loi Veil sur l’avortement et le vote à 18 ans. C’est ensuite Mitterrand qui
ira le plus loin dans cet élan porté à gauche, conseillé entre autres par
Jacques Attali qui, lui, est bien connu du grand public. Garaud, Attali, les
conseillers très spéciaux sont peu nombreux. Sarkozy a su lui aussi en choisir
quelques-uns, mais les plus influents ne sont pas ceux que le grand public
connaît et que le président a choisi d’exposer, comme Claude Guéant et Henri
Guaino, scribe officiel du prince, mis en avant par l’Elysée, servant de
bouclier en forme de tête de Turc spécialement adaptée pour un lynchage
médiatique et comme le type aime ça et, de plus, semble coulé dans de l’acier
mental, alors la mécanique fonctionne à merveille. Mais dans l’arrière-cour de
l’Elysée, Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet du président nommée le jour
même de l’investiture du président, est peut-être l’une des pièces maîtresses
dans le dispositif de Sarkozy, une dame qui joue un rôle équivalent, sinon plus
important que celui d’Attali sous Mitterrand. Et qui, elle aussi, rédige les
discours présidentiels.
Très récemment, Mme Mignon est sortie
de sa réserve, avec l’aval du président, c’est sûr. C’est elle qui a affirmé
que le président irait jusqu’au bout dans son projet de devoir de mémoire à
l’école et qui vient de faire une sortie médiatique dont on pressent une
médiatisation passionnée vu l’état de guerre psychique actuel. Dans un
entretien au magazine VSD, elle aurait déclaré que les sectes sont un
non-problème en France, puis que la scientologie n’est pas une menace, étant
par ailleurs reconnue comme religion dans d’autres pays, que la lutte contre
les sectes a permis de dissimuler les vrais sujets, enfin que la liste des
sectes consignée dans le rapport parlementaire de 1995 est scandaleuse. C’est
certain, le buzz va détoner, surtout sur le web où les blogueurs vont gloser
sur d’hypothétiques liens entre le président Sarkozy et l’acteur Tom Cruise,
que la rumeur présente comme numéro 2 de la scientologie et contre lequel a été
lancé une fatwa par les hackers de la toile. Les propos de M. Mignon sont déjà
relayés ce 20 février par toutes les rédactions du web, Point, Express, Obs,
Libé, Monde, Croix... Et l’intéressée de démentir. Et VSD de confirmer,
si bien qu’on se perd et le site de l’Obs de rectifier son billet en
ligne.
Mais le 7 décembre 2004, n’avait-elle pas
déjà énoncé quelques propos audacieux, se réclamant de l’ordre, croyant à
l’effort, au mérite, à la magie de la main invisible du marché et du reste,
disposée à concevoir une éducation nationale entièrement privatisée. Pour
ensuite démentir et faire amende honorable quant à un jeu de provocation auquel
elle s’est prêtée face aux journalistes. Il n’y a pas à dire, si Mme Mignon
n’existait pas, Sarkozy l’aurait inventé. Toujours est-il que la saillie sur
les sectes est à observer comme un symbole, voire un point de détail
s’inscrivant dans un ensemble idéologique plus sérieux, porté car cette
ancienne majore de l’ENA qui, sans doute, représente du gros gibier face à des
Minc et des Guaino devenant du menu fretin pour filets médiatiques aux mailles
trop fines. Avec ces propos sur la privatisation de l’Education, on comprend
mieux cette idée de chèque établissement que chaque famille irait dépenser dans
l’école ou le collège de son choix. Cette dame a sans doute de grandes
ambitions et se trouve prise dans la fascination du pouvoir, elle qui campe à
l’Elysée alors qu’elle avait juré que sa mission de conseillère du candidat
Sarkozy une fois achevée, elle retournerait au Conseil d’Etat. Et le
journaliste de se demander si elle jouait les désintéressées ou si elle était
sincère. Maintenant, nous savons qu’elle avait menti, ou bien au journaliste,
ou bien à elle-même.
Dans sa biographie, nous trouvons une
éducation religieuse. L’intéressée se dit d’ailleurs de droite et catholique,
ayant fréquenté le très catho lycée Ginette à Versailles, puis les scouts
unitaires de France, ayant nombre d’amies devenues religieuses. Ensuite,
parcours relativement atypique, licence de théologie avortée, ESSEC, IEP, ENA,
Conseil d’Etat et conseil du prince (comme d’ailleurs Eric Orsenna, maître de
requêtes dans le même Conseil et plume de Mitterrand). La suite est connue,
accélération fulgurante chez Sarkozy, dont elle figure au cabinet de
l’Intérieur, pour ensuite conduire les « études de l’UMP », vaste
programme de recherche pré-électoral où s’est jouée la victoire des idées de la
rupture conservatrice. Pour bien comprendre ce qui s’est passé et sans doute,
ce qui nous attend, le lecteur pourra lire en détail cette interview de la dame,
fort documenté en détails de forme et de fond. Affaire à suivre pour une
analyse de fond.
Maintenant, on peut s’interroger sur
cette sortie médiatique soudaine d’une femme de l’ombre ayant confié son peu de
goût pour l’exposition médiatique. Est-elle en service commandé ou bien y
aurait-elle pris goût ? Toujours est-il qu’elle arrive au bon moment, pour
attaquer dans les médias sans trop exposer le chef et préparer, diront les maîtres
du soupçon, on ne sait quelle réforme concernant la lutte contre les sectes,
voire un accueil critique, mais bienveillant au nom de la laïcité aveugle qui ne
reconnaît plus les cultes et s’éprend de tout élan spirituel, dût-il être
administré par quelques mouvances jugées sectaires. Mais ne cédons pas à la
parano, il est juste question pour l’instant d’une remise en question des
missions de la Mivilude, qui selon MAM, ministre pas que de l’Intérieur, mais
aussi des cultes, doit s’adapter à une reconnaissance de la liberté de croire. Alors
que M. Mignon rappelle le plaidoyer de Sarkozy pour qui la spiritualité doit
jouer un rôle dans la société contemporaine, accompagnant la quête de sens
autant qu’une croyance porteuse de valeurs. Tout en critiquant la Mivilude,
organisme d’Etat chargé de lutter contre les sectes, de ne produire que des
rapports. Oui mais si c’est sa mission, pourquoi le lui reprocher ? On
nage en pleine confusion sur un sujet sensible et pour l’instant, le maître mot
face aux manœuvres élyséennes, c’est vigilance. Ensuite, selon l’évolution de
la situation, le mot résistance sera de mise. Vigilance, ce mot est venu spontanément
à mon esprit, sans aucune association d’idée avec l’appel à la vigilance lancé
par 17 politiques. Mais pourquoi pas se dire que le citoyen doit lui aussi
prendre en charge cette vigilance.
Un dernier point sur le mot vigilance. Il
ne veut pas dire surveillance, n’ayant aucune connotation policière ou
militaire, mais il est formé à partir du mot vigie. Etre vigilant à l’ère de
Sarkozy, c’est rester au poste de vigie, éventuellement se forger un tel point
de vue pour tenter de voir dans quelle direction le capitaine, pardon, notre
guide de la rupture Sarkozy, nous conduit au gré de son changement de cap.