François Bayrou l’incompris
Après son échec relatif aux élections présidentielles et la défaite de presque tous ses candidats aux législatives sauf deux, l’heure est au bilan pour François Bayrou : analyse des causes avant de penser au futur, remontée des rancœurs des militants, et le goût amer de voir les coucous pseudo-centristes ralliés à la droite prétendre s’installer dans le nid encore tout chaud d’un Centre revendiqué « à droite ». Comme eux avec la protection de l’UMP, EELV a négocié avec le PS et réservé ses places en s’assurant de ne pas avoir de concurrent PS aux législatives, pour avoir un groupe à l’Assemblée, alors que son candidat aux législatives, Eva Joly, avait fait un score bien inférieur à celui de François Bayrou (2,31% contre un malgré tout honorable 9,13%).
Pourquoi cet échec ?
Alors que François Bayrou est estimé pour ses analyses justes, pour ses propositions constructives et réalistes (sur l’équilibre des finances publiques sans sacrifier la croissance, sur l’éducation, sur la moralisation de la vie publique notamment), pour les valeurs qu’il prône (socle de la république, démocratie, solidarité et justice, valorisation de la création et du mérite). Les derniers sondages avant la présidentielle le donnait au top de la cote de popularité, de confiance et de qualité des propositions. Cependant, les intentions de vote ne suivaient pas avant le premier tour, alors qu’il n’avait pas annoncé son vote personnel en faveur d’Hollande pour le second tour. L’annonce de ce vote, pourtant bien expliquée par François Bayrou sur la question des valeurs, n’a pas été comprise par une partie de son électorat traditionnel, interprétée comme un ralliement au PS (alors qu’il n’en était rien). Or l’annonce d’un vote pour Sarkozy aurait été également mal comprise, de même que celle d’un vote blanc, sachant qu’au second tour des présidentielles les électeurs de Bayrou se sont répartis à tiers quasi-égal entre les trois choix. Le résultat aurait probablement été le même, sauf pour lui-même s’il avait négocié avec l’UMP ou le PS une non concurrence sur sa circonscription. Au moins François Bayrou n’a pas renié ses valeurs et prouvé son courage, même s’il a sacrifié son poste de député.
En tout cas une chose est claire : l’engouement n’était pas le même qu’en 2007, la crise est passée par là, les positions se sont radicalisées avec la montée des extrêmes à la fois sur la gauche et sur la droite, au détriment du centre. Les trois prétendants à la présidentielle ont été évincés : Sarkozy, Royal et Bayrou. La bipolarité s’est à nouveau imposée, la chambre rose a remplacé la chambre bleue. La crise est encore là et plus encore devant nous, les belles promesses seront difficiles à tenir et le retour à la réalité va s’imposer.
La leçon de l’histoire :
- le courage ne paie pas. En tout cas pas à court terme. Préférer défendre ses valeurs et ses idées que se vendre pour des postes ou se rallier par avance en sacrifiant ses idées, en effet, cela n’est pas payant dans le contexte de nos institutions et du vote majoritaire ;
- François Bayrou avait fait un pari risqué : celui de dire la vérité (au sens de la réalité des faits et du pragmatisme des solutions) et d’être compris par les Français. Même si les élus, pris par leurs appareils, leurs investitures, n’osaient par franchir le pas de lui apporter leur soutien malgré un accord sur le fond, les électeurs eux-mêmes se chargeraient de les faire changer d’avis en lui donnant leur confiance lors de l’élection présidentielle. Pari perdu. Les Français n’ont pas compris. Ils n’ont pas voulu de la vérité, de l’appel aux efforts pour vaincre les temps difficiles, et ont préféré les promesses intenables et l’illusion plus confortables, et tant pis si le déficit public continue de filer, la dette déjà abyssale de s’enfler encore … après tout on a vécu longtemps comme cela, continons comme avant.
Certains déçus du Mouvement Démocrate parlent d’erreur de stratégie, renoncent à croire que l’on peut faire bouger les lignes, retombent dans le cynisme politicien, prônent de se ranger à la loi de la bipolarité en ralliant soit la droite, soit la gauche.
Certains font remonter les rancœurs : lacunes d’organisation et de communication, manque d’écoute des militants, manque de moyens, direction trop autocratique, François Bayrou mal entouré ou trop mis en avant dans les médias au détriment de son entourage … Certes, on peut toujours mieux faire. Le Modem est un parti récent qu’il a fallu construire, avec peu de moyens, mais je ne pense pas que ces questions internes soient la raison de l’échec électoral. Le goût amer de la défaite pousse à désigner des coupables, à rejeter hors de soi la marque de l’échec pour s’en laver, ne pas porter la faute. Exactement comme en temps de crise on désigne facilement à la vindicte du peuple des causes extérieures, des boucs émissaires. C’est mortel car au lieu de se serrer les coudes pour renforcer collectivement le groupe, on l’affaiblit et on introduit un poison de méfiance.
Pour enfoncer encore plus l’animal blessé, voilà que Mediapart s’en mêle avec sa Cruella de service, Valentine Oberti, qui a trouvé la géniale idée de « s’interroger » sur le label suspect du « Centre pour la France », utilisé à la place du Mouvement Démocrate pour les candidats aux élections législatives, qui serait (bien sûr ça n’est qu’une « hypothèse » !) une coquille toute trouvée pour organiser la liquidation financière d’un Modem supposé endetté (alors qu’il ne l’est pas, facile à vérifier), orchestrée en loucedé par la bande des 6 de Bayrou, bref que Bayrou est en train de se tirer avec la caisse !
Je ne dis pas que cette décision rapide avant le dépôt des candidatures ait été de toute transparence, en effet elle méritait d’être mieux expliquée. Mais Mediapart fait là un procès d’intention indigne et dépassant son rôle journalistique d’information et d’investigation, sombrant dans une autre catégorie de presse malveillante. Curieusement d’ailleurs, Cruella n’a rien dit de l’URCID, créée dans les mêmes conditions juste avant le dépôt des candidatures par Jean-Louis Borloo et une autre bande des 6, pour une affiliation financière des candidats, qui eux ont démontré moins de transparence car n’ont même pas annoncé cette affiliation à leurs électeurs, le terme URCID leur étant parfaitement inconnu !
Ceci démontre une volonté farouche d’éliminer Bayrou, non seulement de le mettre à terre mais de le tuer, de salir sa réputation d’honnête homme. Mediapart ne cache pas son positionnement à gauche, très à gauche. On aurait attendu un article pour saluer la position de Bayrou, son courage d’avoir annoncé son vote en faveur de Hollande, et rien, pas une ligne, seul mon article de blog en a témoigné sur le site.
Une volonté aussi de prétendus intellectuels bien-pensants (comme Jean-Marie Colombani à la veille du premier tour des présidentielles en 2007 avec son éditorial du Monde) d’éliminer un centre indépendant, l’idée dérangeante d’une « majorité centrale » qui pour certain est « anti-démocratique » car empêche l’alternance et risquerait de figer la position centrale entre des partis extrêmes devenues impuissants (voir le dernier éditorial de Jacques Julliard dans le dernier Marianne, « lettre à Jean-François Kahn sur un centrisme imaginaire »). Décidément, les représentations mentales sont tenaces ! Comment encore simplifier et catégoriser ainsi une "droite" en y assimilant FN et UMP (qui se sont rapprochés sur des questions d'immigration et de frontières, de valeurs conservatrices contre le mariage homosexuels ou sur le cannabis, en même temps que très éloignés sur la politique économique, l'Europe) ou en y assimilant PS, écologistes et extrême gauche (qui prônent des valeurs communes d'égalité et de solidarité, de liberté des mœurs, en même temps qu'éloignés aussi sur la politique économique, le nucléaire et d'autres sujets).
Décidément, François Bayrou dérange. Pourtant il dit vrai, ses analyses sont justes, ses propositions certainement les mieux à même de nous sortir vraiment de la crise et d’unir le pays dans l’effort. D’ailleurs ses idées seront forcément appliquées mais sans doute plus maladroitement par le gouvernement confronté à la réalité.
Les Français n’ont pas voulu entendre la vérité, la réalité des faits, le réalisme des propositions.
Les Français aiment être bercés d’illusions. Ils aiment qu’on leur désigne des coupables, des boucs émissaires : Europe, Euro, Chine, mondialisation, banques, finance, riches … et sont donc tentés par les explications « faciles » et des solutions simplistes et souvent contre-productives ou induisant de graves conséquences (sortie de l’euro, protectionnisme, création monétaire,…). Alors que nos pertes d’emplois et la chute du niveau scolaire sont surtout dues à nos propres faiblesses qu’il faut savoir affronter et corriger.
La presse et les médias ont préféré continuer à traiter la politique comme un terrain de jeu d’affrontement, comme le football à deux équipes, comme une émission de téléréalité. Mediapart ne fait pas exception.
Les Français d’ailleurs ne lisent pratiquement plus la presse ou zappent les nouvelles des JT, sans approfondir, sans se rendre compte de ce qui se passe, de ce que d’autres sont en train de décider pour eux. Après tout, ils ont élu des gouvernants qui ont laissé filer pendant trente ans ces déficits cumulés dans une dette devenue presque insurmontable, dont les intérêts seuls sont égaux au total de l’impôt sur le revenu, devenu le premier poste budgétaire avant l’éducation, 2,5% du PIB, autant qui aurait pu être employé en croissance, en création d’emplois, en dépenses utiles. L’Etat protecteur est là et veillera au grain, croient-ils !
Mais un jour, ils vont se réveiller ! A nouveau ils diront « Bayrou avait raison » …