Samedi
4 octobre 2014 :
L’économiste
Henri Regnault est diplômé de l’ESSEC, de l’Institut d’Études
Politiques de Paris, et docteur d’Etat en Sciences Économiques.
Henri
Regnault écrit ce qui se passera lors du « Fukushima
financier » : il nous décrit « le grand spectacle
morbide qui nous est promis ».
Lisez
cet article :
Risque
bancaire + risque souverain + risque de couverture = Fukushima.
Nous
venons donc d’analyser successivement et séparément trois risques
de contrepartie. Chacun de ces trois risques est inquiétant en
lui-même et peut faire d’importants dégâts, mais la véritable
bombe thermonucléaire qui déclencherait un séisme financier,
difficilement contrôlable, résulterait de la simultanéité de
déclenchement des trois, l’un jouant le rôle de détonateur
(probablement le risque souverain) qui activerait l’explosion
foudroyante d’une interaction des risques bancaires et des risques
de couverture, portés à incandescence : un vrai Fukushima
financier.
Ce
jour là, et les jours suivants… bienheureux ceux qui n’auront
pas besoin de passer par un distributeur de billets ! Et il faudra
des semaines pour reconstruire un service bancaire minimum, à moins
que tout ait été prévu en amont, que des pare-feu efficaces aient
été conçus et puissent être immédiatement activés … ce dont
je doute. Cette année là, vu le blocage probable des transactions
sur quelques semaines, vous pouvez raisonnablement tabler sur une
chute du PIB de 10 à 20% suivant les pays et suivant la rapidité
des parades qui seront mises en place : gros trou d’air ! Nous y
laisserons tous des plumes ! Bien sûr, votre cher petit patrimoine
sera mis à la torture, avec les instruments adaptés à sa
composition et à son montant, sans parler de vos revenus !
Un
seul point positif : tous les pouvoirs exécutifs et législatifs de
la planète devraient enfin comprendre que les intérêts des
banquiers et de la finance ne convergent pas spontanément avec ceux
des citoyens et de l’économie réelle, que les dérives de la
finance casino doivent vraiment être traitées sans complaisance,
plutôt que de solliciter les contribuables ou spolier les déposants.
Car la seule alternative qui nous soit présentée, c’est : ou bien
vous payez en tant que contribuables, ou bien vous payez en tant que
déposants. Si on en est là aujourd’hui, c’est bien grâce à la
veulerie, couardise ou incapacité de nos dirigeants qui n’ont pas
su profiter de la répétition générale de 2007, 2008 et 2009
(troubles bancaires et assuranciels, Bear Stearns, AIG, Lehman …)
pour interdire le grand spectacle morbide qui nous est promis, en
cassant tout net la finance casino.
En
général, je n’aime pas beaucoup les discours anti-élites, qui
relèvent de logiques de boucs-émissaires, mais sur ce cas précis,
on est bien obligé de constater que les élites politiques et
intellectuelles n’ont pas été à la hauteur de la situation, et
que les élites financières se sont laissées plus guider par la
cupidité que par la lucidité et le sens de leurs responsabilités
citoyennes.
On
ne peut donc pas exclure un scénario de Fukushima financier : s’en
suivrait alors un grand réajustement financier (un big reset),
brutal, dans l’urgence. Si j’emploie ce terme de « grand
réajustement », c’est que je préfère ne pas parler
d’effondrement économique général, comme d’aucuns
l’envisagent. Inutile de stocker des boites de ravioli pur bœuf de
votre hypermarché préféré (sauf si vous aimez vraiment la viande
de cheval !). Inutile de transformer une pièce de votre appartement
en jardin potager hors sol… sauf à envisager une culture à très
haute valeur ajoutée… dont la loi de mon pays ne m’autorise pas
à faire la promotion. Non, le jour d’après… le soleil se lèvera
toujours à l’Est, la terre continuera à tourner sur elle-même et
autour du soleil.
Simplement,
nous serons moins riches ou plus pauvres, notre pouvoir d’achat
aura diminué, non pas par évaporation de la part des anges, mais
par captation de la part sacrifiée sur l’autel des turpitudes du
casino de la finance.
http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/la_crise_no28.pdf