vendredi 12 juillet 2013 - par Laurent Herblay

L’Espagne vers une révolution politique

Depuis que l’Espagne est redevenue une démocratie, il y a plus de 30 ans, la vie politique du pays est dominée par deux partis : le PP, actuellement au pouvoir, et le PSOE. Mais devant l’indifférenciation croissante entre les deux, les Espagnols se tournent vers une nouvelle offre politique.

La fin de bonnet blanc – blanc bonnet ?
 
Comme le montre ce graphique de The Economist, les deux principaux partis de la vie politique espagnole réunissait encore 75% des intentions de vote il y a moins de deux ans, ce qui correspondait grosso modo aux résultats des élections. Certes, la plupart du temps, aucun des deux partis ne parvenait à obtenir une majorité absolue seul au Cortes, mais celui qui était arrivé en tête pouvait s’entendre avec un des petits partis du parlement, le plus souvent des partis régionalistes (catalans ou basques), qui fournissaient alors les voix nécessaires pour avoir une majorité stable pour le pays.
 
Mais ce scénario semble devoir être battu en brèche pour les prochaines élections (qui auront lieu en novembre 2015 au plus tard). En effet, les deux grands partis ne réunissent plus que 45% des intentions de vote. Assez logiquement, le PP (centre-droit) a vu son soutien diviser par deux en un peu moins de deux ans du fait des potions amères infligées au pays pour rassurer les investisseurs et la troïka. Mais cela n’a pas bénéficié au PSOE, qui a également vu son soutien baisser fortement, passant de près de 30% à un peu plus de 20% du fait de sa responsabilité dans la situation actuelle.
 
Résultat, deux partis politiques ont fortement progressé. Tout d’abord, la Gauche Unie, l’équivalent du Front de Gauche, a vu ses intentions de vote s’envoler de 7 à 17%, à quelques points du PSOE. Et un autre parti, l’Union pour le Progrès et la Démocratie (UPD), classé au centre, est passé de 4,7 à 12-13%. Ce parti s’est lancé en 2007, où il avait réuni 1,2%, ce qui montre qu’un parti modéré peut émerger. Du coup, la question qui se pose aujourd’hui, c’est de savoir quelles alliances permettront de former une majorité durable à l’issue de la prochaine élection législative, dans deux ans.
 
Une remise en cause importante
 
Et cela ne sera pas facile car les deux partis qui ont le vent en poupe remettent en cause radicalement la manière dont le pays est gouverné depuis plus de trois décennies. L’UPD, dont la présidente vient du PSOE soutient trois idées phares : une réforme électorale (qui permettrait à son parti d’avoir plus de députés), une forte recentralisation administrative dans les domaines de la santé et de l’éducation, qui va à rebours de trois décennies de décentralisation, et une remise en cause profonde de la gestion de la bulle immobilière par le PSOE et le PP et les excès des caisses d’épargne.
 
L’autre grand gagnant de la crise économique est le cousin du FG, La Gauche Unie, qui s’oppose aux politiques d’austérité et de régression sociale menées par le PSOE puis le PP. Du coup, la prochaine équipe au pouvoir devrait mener des politiques qui vont boulverser le pays. Soit l’UPD intègre une coalition qui reviendra radicalement sur la décentralisation (ce qui pourrait être a priori fait plus facilement avec le PP, plus centralisateur que le PSOE), soit une coalition de toutes les gauches pourrait remettre en cause les politiques d’austérité menées jusqu’à présent.
 
Ce qui est intéressant ici, c’est de voir qu’en Espagne, comme partout ailleurs en Europe (si ce n’est en Allemagne), la crise favorise une remise en question profonde de la part des citoyens. Les grands partis traditionnels qui nous ont mené à la crise et n’ont pas su en sortir, sont concurrencés par de nouveaux partis. La plupart du temps (UKIP en Grande-Bretagne, le M5S en Italie ou Syriza en Grèce), ce sont des partis non extrémistes qui tirent leur épingle du jeu. La crise ne pousse les extrêmes qu’en Grèce (Aube Dorée) et en France (FN), mais pour combient de temps ?
 

La grave crise économique que nous traversons amène des boulversements politiques dans tous les pays du continent. Nous nous approchons du moment où cela aura une traduction concrète et ce qui apparaît aujourd’hui, c’est que les peuples veulent une alternative modérée et non extrémiste.



8 réactions


  • interlibre 12 juillet 2013 17:18

    Je ne doute pas que le bipartisme historiquement au pouvoir depuis 30 ans dans bon nombre de pays de l’UE trouvera une parade.
    On est pas loin de voir des alliances UMPPS par exemple. (front ripoublicain...) dans beaucoup de pays et on aura encore des guignols pour voter pour eux et les laisser au pouvoir, puis s’étonner des effets.
    C’est malheureux mais nos CONcitoyens sont en majorité des crétins lobotomisés par le dieu TV. Le jour ou il ne pourront plus manger leurs chips devant leur telerealité, peut être que la ils commenceront à avoir un début d’ersatz de conscience politique ou alors ils iront tuer leur voisin pour lui voler des chips. J’espère me planter....


    • Akerios Akerios 12 juillet 2013 18:57

      J’espère que cela ne sera en Europe la faillite des banques avec « La résolution bancaire » !

      Devant les banques fermés et les comptes bancaires saisis et la ruine du pays le dieu TV va perdre ses adorateurs.........................mais trop tard !

        


  • Akerios Akerios 12 juillet 2013 18:44

    Tiens cela me rappel l’ UMPS ! ?

     


  • JP94 13 juillet 2013 00:43

    C’est très intéressant , cette analyse , et , effectivement , si n’émerge pas encore en France d’alternative démocratique aux politiques menées en application des choix de l’UE et du pouvoir qu’elle défend , cela ne présage pas d’une évolution peut être soudaine , par effet domino : si en Espagne un espoir se construit , alors ailleurs en Europe , la conviction qu’on peut changer enfin de politique s’affirmera aussi et s’amplifiera par résonance .

    En Espagne , les gens en sont réduits à la dernière extrémité : cela est dramatique mais éclaire aussi les esprits , comme cela se produisit en Argentine par exemple . Et l’infime minorité tout d’un coup devient une force indéniable .
    Tout sera fait bien entendu dans les instances européennes pour contrer cette émergence et cet espoir car l’enjeu se situe bien au delà de l’Espagne .

    L’espoir finit par la victoire .

  • walden walden 13 juillet 2013 09:27

    méfiez-vous des sondages, vous commentez du vent


    • walden walden 13 juillet 2013 09:30

      pourtant, j’ai de la sympathie pour Izquierda Unida (je ne sais pas si vous la classez comme extrêmiste), ce qui me pousserait à prendre pour argent comptant lesdits sondages


  • kergen 13 juillet 2013 12:52

    Depuis la Restauration, la ligne de clivage était entre les monarchistes et les républicains. En France, la IIIe République a été le théatre de l’affrontement entre droite monarchiste et Radicaux républicains.
    A la fin de la IIIe république, 70 ans plus tard, le radicalisme, dégénéré était devenu minuscule, et la gauche était reprise par les socialismes, tout comme le monarchisme qui avait fait place à une droite affairiste.
    Ce clivage est entrain de mourir et autant le PS, autant l’UMP agonise. Aujourd’hui la ligne de clivage est mondialistes VS étatistes (et non pas souverainistes). Ce qui nous fait un UMPS-centre-verts mondialistes, européeistes, quasi libertariens(mais de moins en moins libertaires) qui voudraient s’affranchir définitivement du peuple pour décider entre « gens éclairés » et tous ceux qui exigent un respect de la SOUVERAINETE populaire.
    C’est d’ailleurs le point commun entre FG, DLR, FN : la souveraineté populaire.
    A ce jour, il est prouvé que cette souveraineté ne passera pas par le machin européen détourné aux seuls intérêts du capital mondialisé. Retour donc sur l’état-nation seule garantie de respect.

    Problème : dans ce clivage, qui est progressiste, qui est réactionnaire ?

    Franchement, très franchement, je n’ai pas la réponse. Chaque partie se voyant comme progressiste et dénonçant l’autre comme réactionnaire.


  • kergen 13 juillet 2013 13:29

    Par ailleurs, cette « révolution » a commencé au Brésil, Venezuela, Uruguay, Bolivie, Equateur, où les partis socialistes locaux sont dans l’opposition.....de droite.
    Raison pour laquelle Chavez était la bête noire des Américains.


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