La compétitivité, en avant toute !
Après des décennies de gouvernements de droite et de gauche, une illumination collective s’est emparée de nos zélites : la France, mère des Arts et des Lettres ne serait plus compétitive !
Quelle découverte ! Quelle révélation ! Comment ? Elle aurait perdu dans la course effrénée au profit maximum, dans la course au toujours plus, dans le peloton de tête des rapaces ? Sous DSK, sous Chirac, sous Sarkhozy ? Un trio de bons à rien, et avec eux, une bande de patrons du COUAC 40, tous des incapables.
Pas possible. J’en suis pantois. Tout bouleversé. Heureusement, M. Gallois est arrivé, avec Flamby Ier et la bande des socio-démo, le bout du tunnel est entrevu. On ne sait encore à quelle distance. Mais une lueur semble trembloter, là-bas, au loin, droit devant nous.
Plus fort qu’eux, Super Angel vous aide à approuver cette merveilleuse prise de conscience de notre compétitivité afin que nous allions plus vite vers l’avenir radieux du saut dans le vide sans élastique.
C’est quoi être compétitif ?
C’est produire au coût le plus bas pour vendre au reste du monde.
Comment fait-on baisser les coûts ?
En compressant les salaires et les charges y afférents.
Quels sont ceux qui sont meilleurs que nous ?
La plupart des autres pays européens, les pays émergents, et surtout la Chine, l’Inde et le Brésil.
Comment devenir compétitif ?
Produire moins cher que tous ces salopards.
En conséquence :
les salaires doivent se rapprocher de ceux des pays concurrents ;
tout ce qui relève des droits des travailleurs ou ce qu’il en reste doit être supprimé ;
les patrons doivent pouvoir embaucher et débaucher selon les fluctuations du marché ;
les salariés devront se constituer des retraites à leurs frais, l’idéal étant de supprimer le salariat en transformant chaque individu en auto-entrepreneur ;
les retraites seront confiées à des banques, assurances privées abondées exclusivement par ceux qui auraient envie de bénéficier d’une retraite, la liberté de chacun doit être respectée ;
la compétitivité existe, non seulement entre les états, mais surtout entre les entreprises, et entre les citoyens eux-mêmes ;
le darwinisme social est le choc de compétitivité attendu par tous ceux qui veulent s’enrichir puisque le but de la vie, c’est le fric ;
à partir du moment où il sera plus rentable d’investir en France, tout naturellement les entreprises délocalisées reviendront dans notre beau pays ;
au cas où les citoyens, appauvris dans un premier temps, et même dans un deuxième, venaient à se rebeller, les forces coercitives de l’Etat devront intervenir sans fléchir avec la plus extrême efficacité ;
une surveillance constante de la presse et surtout des réseaux dits sociaux sera assurée par de nouveaux outils et l’on recrutera les fonctionnaires de la police des idées subversives qu’il faudra ;
la part des impôts levés sur les profits ne devra correspondre qu’à l’entretien des voies de communication non encore privatisées et des forces de l’ordre ;
la Française des Jeux, les religions, le sport et les variétés seront toujours encouragés afin de contrôler les esprits et lobotomiser la réflexion collective ;
le travail comme la prison, c’est la liberté ;
la reconduite à la frontière des dissidents en tous genres s’appliquera non seulement aux étrangers mais aussi aux citoyens français qui entraveraient l’essor de la compétitivité ;
les élections aux différents postes nécessaires au fonctionnement des institutions seront libres et contrôlées par les services de l’Etat qui arrangeront les résultats par tous les moyens ;
la diminution des fonctionnaires et de la hiérarchie des institutions suppression des départements, regroupement des communes, autonomie des régions, privatisation des services seront de rigueur ;
l’enseignement, grâce aux moyens informatiques pourra être dispensé via Internet à des élèves restés chez eux ce qui allégera d’autant les dépenses en ce domaine ;
l’enseignement privé et payant sera encouragé ;
l’interdiction de toutes les drogues, y compris l’alcool permettra une économie parallèle et de forts profits que l’Etat contrôlera en chassant le menu fretin ;
la recherche fondamentale sera exclusivement assumée par l’Etat, la recherche appliquée sera le monopole des entreprises privées ;
la baisse du pouvoir d’achat sera compensée par une accession encouragée à l’endettement des ménages ;
une partie des échanges entre auto-entrepreneurs et entreprises se fera sous forme d’actions.
Ces pistes incomplètes et incontournables pour aller vers « Le meilleur des mondes » sont la condition au triomphe de la compétitivité de la France.
Sonnez trompettes, résonnez hautbois, la sortie de crise est garantie.
Comment ? Les entreprises se fichent pas mal des états et jouent sur la planète ? Quoi ? La majorité des français veulent continuer à vivre, peinards, heureux, avec juste de quoi se loger, manger, se distraire et aller en vacances ? Nom d’un pétard ! Il y en a encore qui seraient pour la Fraternité, pour l’entraide, pour la solidarité entre les citoyens ? Il existerait même encore des « partageux » !
Peuple indécrottable et frondeur, ces français sont impossibles.
Ils ne comprennent rien à rien.
Il y en a même pour remettre en question la croissance infinie dans un monde fini et qui parlent de décroisance. C’est dire !
Cela fait plus de deux siècles qu’ils vont gueuler « Vive la Liberté, la Fraternité et l’Egalité ! »
Ils n’ont vraiment rien compris au libéralisme économique.