samedi 27 juin 2015 - par Robert GIL

La transformation bourgeoise du Parti Socialiste

En 2012, les socialistes occupaient tous les pouvoirs institutionnels : Présidence de la République, majorité à l’Assemblée nationale, au Sénat, dans les principales villes, dans les départements et dans quasi toutes les régions. Aujourd’hui, ils les ont perdus ou vont les perdre. Aux dernières élections départementales où l’abstention a été de près de 50%, le PS n’est plus que le 3e parti avec 21 %, derrière le Front National avec 25% et la droite conservatrice avec 29%. Ils sont passés de 280’000 adhérents en 2006 à 130’000 adhérents en décembre 2014. Seulement 70’000 « militants » ont voté pour le prochain congrès. Mais le PS français ne connaît pas de « Pasokisation. Il compte encore plus de 20 % des suffrages. Il n’y a pas d’effondrement. La France n’est pas la Grèce. Cela renvoie aux différences de niveau de la crise dans les deux pays. Mais il y a un affaiblissement considérable du PS et surtout un changement de la nature profonde de ce parti. Il y a ce qu’on pourrait appeler une accélération dans la transformation bourgeoise de la social-démocratie. Un processus qui vient de loin, mais qui s’accélère. Cette transformation s’est traduite par une intégration sans précédent des appareils de la social-démocratie dans les sommets de l’État et de l’économie globalisée. Les partis socialistes sont devenus « de moins en moins ouvriers et de plus en plus bourgeois ». La brutalité des politiques néolibérales endossées par la social-démocratie sape ses bases sociales et politiques.

Certains théoriciens du PS en France – les animateurs du « Think tank » Terra Nova – en ont conclu qu’il fallait changer les cibles sociales de la social-démocratie. Les ouvriers, les employés et les techniciens, devaient être remplacés par les cadres, les professions libérales et les couches supérieures du salariat. Bref, il fallait « changer de peuple ». La composition des organes de direction s’est aussi modifiée : les enseignants, les bureaucrates syndicaux, les avocats, (« les bistrotiers » ajoutait à l’époque Trotski), ont laissé place aux énarques [sortis de l’Ecole nationale d’administration], technocrates et financiers. Au point que les partis socialistes connaissent une espèce de dévitalisation, une rupture avec des pans entiers de leur histoire. Les adhérents sont remplacés par des professionnels de la politique : élus et assistants d’élus. Les politiques de l’Union européenne (UE) ont aggravé cette mutation qualitative. Sous des formes différentes, les partis socialistes se transforment en partis bourgeois. Deviennent-ils pour autant des partis bourgeois comme les autres ? Pas tout à fait, le fonctionnement de l’alternance exige des PS qu’ils marquent leur différence avec les autres partis bourgeois. Ils restent liés, par leur origine historique, au mouvement ouvrier, mais ce ne sont plus que des traces qui s’effacent dans la mémoire des militants. Cela crée néanmoins des contradictions et des oppositions au sein de ces partis. Ils peuvent garder un certain rapport au « peuple de gauche », même s’il est de plus en plus distendu. Cette mutation qualitative, si elle allait jusqu’au bout, transformerait ces partis en « partis démocrates à l’américaine ».

Cette transformation bourgeoise néolibérale – néolibérale est plus juste que social-libéral, car il n’y a pas grand-chose de social dans cette évolution de la social-démocratie – est maintenant cristallisée, mais elle n’est pas suffisante pour les courants les plus à droite des Partis socialistes. En France, par exemple, Manuel Valls [Premier ministre du Président François Hollande] a déclaré plusieurs fois, qu’« il fallait liquider toutes les références sociales- démocrates ». Emmanuel Macron, banquier et ministre des Finances de Hollande, a renchéri en appelant, lui aussi, à l’abandon de « toutes les vieilleries de la gauche ». Ce qu’ils veulent, c’est transformer le processus en cours en tendance achevée, quitte à casser le Parti socialiste. C’est une hypothèse qui, en cas de nouvelle débâcle aux prochaines présidentielles de 2017, peut emporter le PS. Les droites du PS sont, aujourd’hui, à l’offensive mais force est de constater que face aux tenants de la marche forcée vers la transformation néolibérale, les diverses oppositions ne renouent pas avec un réformisme classique et encore moins avec les idées des courants de gauche historiques de la social-démocratie. Les politiques néolibérales ne sont corrigées qu’à la marge. Les dirigeants de l’opposition interne au PS ont voté pour le « Pacte budgétaire européen » (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, signé en mars 2012.) Ils ont voté à l’Assemblée Nationale pour l’ANI (Accord sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi) – une déréglementation des relations sociales – et l’allongement de l’âge de la retraite. Les années de contre-réforme néolibérales et les reculs qu’a connus le mouvement ouvrier en Europe sont passés par là. L’horizon de ceux qui au sein des partis socialistes s’opposent aux « trahisons » les plus criantes reste borné par les fondamentaux des politiques néolibérales.

Du coup, cette politique conduit à la déroute électorale. A cette étape, la droite et l’extrême droite sont en pointe. Il est toujours hasardeux de se lancer sur des pronostics. Mais le plus probable, pour la prochaine élection présidentielle, c’est un deuxième tour à la présidentielle de 2017 entre le candidat de droite et Marine Le Pen. Le candidat socialiste sera éliminé au premier tour. Le plus préoccupant, au-delà des phénomènes électoraux, est une modification en profondeur de la société française. Tout un système de représentations sociales, culturelles, idéologiques est en train d’exploser. L’individualisme forcené, le rejet des solidarités, le racisme, l’islamophobie, l‘antisémitisme, la guerre des pauvres contre les pauvres avec une dénonciation hystérique de « l’assistanat ». Il y a quelques années, le PCF avait utilisé une formule pour exprimer la montée de phénomènes réactionnaires : « la société vire à droite ». On peut discuter la formule, mais on a un mouvement de ce type qui est la conséquence de la faillite de la gauche.

D’aprés F. SABADO repris sur 2ccr

« Au bout de la corde, il y aura un nœud »… M. P. PRADIER

Voir ici à propos de dette et d’argent !



11 réactions


  • Dwaabala Dwaabala 27 juin 2015 17:47

    Réflexion difficile à contredire.


    • lsga lsga 28 juin 2015 00:46

      @Dwaabala
      très facile, au contraire. 

       
      Le PS a toujours été bourgeois, il l’était même immensément plus à l’époque où il était dirigé par un ancien NAZI. Oui, Mitterrand, savait à la fois nommer des ministres anti-sémites et faire des discours populistes qui plaisaient à la stupidité du bon petit peuple. Entre deux discours keynésiens, il est d’ailleurs également le premier a avoir fait des réformes libérales importantes en France. Même Jaurès lui-même, le curaillon qui endoctrinait ses propres enfants chez les curés, le fervent réformistes fervent anti-révolutionnaire, n’était qu’un bourgeois au service de la bourgeoisie.
       
      Faire des discours populiste qui flatte le crétinisme du petit peuple ne suffit pas.
       
      Le PS a toujours été un parti bourgeois, un parti profondément réactionnaire, et ses militants ont toujours été des anti-communistes, des anti-révolutionnaires, qui à force de reculer les délais des révolutions ont permis l’émergence de tous les fascismes. 
       

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    • lsga lsga 28 juin 2015 00:48

      La seule et unique manière de ne pas être un parti bourgeois, c’est de s’attaquer au seul et unique privilège de la bourgeoisie : la propriété privée des moyens de production. Un parti qui ne remet pas en cause ce privilège est un parti bourgeois.

       
      Podemos, Syriza, et les « nouvelles » gauches « radicales » ne remettent pas en cause le privilège de la bourgeoisie. Ce sont des partis bourgeois, comme le PS. 

  • mmbbb 27 juin 2015 19:42

    Robert Gil et ses petits copains d’extreme gauche ne cessent de critiquer le PS mais se font instrumentaliser par ce parti A chaque election quoi q’il arrive l extreme gauche appelle a voter PS et se font cocufier  Le PS  s’est embourgeoise depuis tres longtemps   et a baiser l’electorat de gauche 


  • Samson Samson 27 juin 2015 20:10

    « La transformation bourgeoise du Parti Socialiste »
    En français et même dans mon bled, une telle « transformation » se qualifie comme vous le notez plus bas de « trahison ».

    « Ils restent liés, par leur origine historique, au mouvement ouvrier, mais ce ne sont plus que des traces qui s’effacent dans la mémoire des militants. »
    Les liens historiques avec le mouvement ouvrier s’effacent d’autant plus des mémoires que les ouvriers (et employés) d’antan ont pour la plus large part laissé place aux intérimaires, intermittents, chômeurs et autres galériens des statuts précaires et de la débrouille au quotidien.

    Ce qui maintient encore les P$ et apparentés aux manettes, c’est la présence de leur appareil à tous les niveaux de l’état et des institutions, et le clientélisme qu’il peuvent par là continuer d’entretenir.
    Que cette politique les mène à la déroute électorale et à l’explosion du parti ne serait que justice, mais rien n’est moins sûr !
    Dans un contexte où la droite peine à différencier en quelque point son programme d’une action gouvernementale dont elle n’aurait pas même osé rêver, les tenants de la droite « traditionnelle » et républicaine peinent toujours à rallier ces représentants d’une droite aussi « décomplexée » qu’arriviste dont la principale performance a consisté à rebaptiser sur le modèle U$ un parti dont ils avaient au préalable vidé les caisses.
    Manu le Fourbe veille à fournir à cette droite « traditionnelle », aux actionnaires et au patronat tous les gages de sa bonne éducation et de sa bonne foi. S’il continue à leurrer les militants et sympathisants « $ociali$tes » par ses creux slogans en novlangue, il peut compter sur le fond de commerce traditionnel et historique de son parti, soit une part de cette prétendue « gauche » dont il a le culot de se réclamer et le suffrage des gens même qu’il n’a aucun scrupule à spolier.
    Et comme nul - pas même son employeur - ne doute de son ambition à accéder à la fonction suprême et monter la dernière marche qui l’en sépare, j’ignore comment il compte se débrouiller pour en évincer l’actuel tenant, mais je suis plutôt curieux.

    Pas très propre et même plutôt répugnant, tout çà ! smiley

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  • Le p’tit Charles 28 juin 2015 08:01

    Avoir tous les pouvoirs entre ses mains..et être incapable d’en faire profiter son peuple est le comble de l’incompétence... !
    Monsieur Hollande..Président de sa « Raie-Publique » n’est qu’un sombre TROU DU CUL... !


  • zygzornifle zygzornifle 28 juin 2015 12:05

    Gauche caviar ce n’est pas d’aujourd’hui ......

    Ce sont presque tous des sympathisants voire plus du CRIF de la Licra de la franc-maçonnerie , comme leurs homologues des Ripouxblicains partout ou il y a centime a gratter ou du pouvoir a glaner on retrouve les mêmes têtes prêtes a éplucher un poux pour récupérer sa peau quitte a mettre toute la société ou le peu qu’il en reste en péril , il sont prêts a se vendre au plus offrant , ils n’ont plus aucune éthique aucune humanité ce sont des machines a glaner .....


  • Yohan Yohan 29 juin 2015 13:42

    Tous ceux que je connais qui se disent socialistes sont des nantis, profs pour la plupart. Ils viennent de prendre leur retraite, généralement en couple de profs soit 5000€ de retraite au bas mot. Ils sont propriétaire et même doublement propriétaire de leur maison de campagne dont ils ont hérité de leurs parents. Ils voyagent régulièrement à l’étranger, se nourrissent d’expos, de concerts, de cinéma. Ils font attention à leur santé en achetant bio le plus possible. Ils aiment beaucoup les sans papiers du moment qu’ils ne squattent pas leur immeuble et l’école de leurs enfants qu’ils ont conçus tardivement. Bon, ce sont des bons bourgeois bien pensants, fait ce que je dis et pas ce que je fais.


  • Crab2 29 juin 2015 14:17

    Quand vous parlez d’islamophobie vous ne percevez plus ni la laïcité ni l’importance des lois civiles ou politiques

    Le sens de la laïcité et les lâchetés de la gauche
    François Baroin  : " Je veux protéger le modèle français de laïcité "
    INTERVIEW - Le président de l’Association des maires de France ( AMF ) François Baroin vient de présenter des " recommandations " aux maires confrontés sur le terrain à une remise en cause de plus en plus fréquente du principe de laïcité. Depuis 20 ans, la République " a incontestablement  reculé " sur le terrain de la laïcité, dit-il dans une interview parue dans le JDD. " Mais nous sommes dans une phase de reconquête." Extraits de ’’ leJDD

    Suites :

    http://laicite-moderne.blogspot.fr/2015/06/nul-ne-peut-penser-lombre-dune-chapelle.html

    ou sur

    http://laiciteetsociete.hautetfort.com/archive/2015/06/29/nul-ne-peut-penser-a-l-ombre-d-une-chapelle-5647842.html

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