mercredi 1er février 2012 - par Sylvain Rakotoarison

Le Che, vainement ?

Jean-Pierre Chevènement vient de retirer sa candidature à l’élection présidentielle ce mercredi 1er février 2012 dans un communiqué matinal à l’AFP.

Depuis ces derniers mois, on ne savait plus très bien s’il avait publié un livre pour promouvoir sa candidature, ou s’il était candidat pour vendre son livre. À défaut d’électeurs, il pouvait au moins chercher à séduire des lecteurs.

À presque 73 ans, Jean-Pierre Chevènement jette l’éponge pour l’élection présidentielle de 2012. Il aura tenu deux mois et demi, soit plus du double que la campagne de 2007.

Ce retrait, inéluctable en raison d’un très bas niveau dans les sondages (autour de 1%), marque probablement la fin d’une longue carrière politique même si son mandat de sénateur est loin d’être achevé (il finira en septembre 2014).

On pourra toujours se poser la question sur les raisons de cette pseudo-candidature quasi-anachronique, entre le maintien d’un rapport de forces avec le PS pour obtenir un prestigieux poste au Sénat (c’est raté) ou, comme il l’a toujours indiqué, faire avancer ses idées.

Attaqué encore récemment par ses anciens amis socialistes parisiens, Jean-Pierre Chevènement a un profil atypique et a souvent fait preuve de fermeté dans sa vie politique.

La preuve, c’est qu’on l’appelle "Le Che" parce qu’il a une allure spartiate. C’est un guerrier, celui des idées. C’est lui qui avait d’ailleurs coordonné le programme de l’union de la gauche pendant une petite décennie. Il a même gardé les brouillons dans son grenier.

Au pouvoir, il était loin d’être un doux. Une personne qui en avait, assurément. « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne ! ». Il a démissionné trois fois quand même : le 23 mars 1983 (de l’Industrie), le 29 janvier 1991 (de la Défense) et le 29 août 2000 (de l’Intérieur). Chaque fois, c’était pour des raisons de fond : politique économique européenne, guerre du Golfe, notion de peuple corse. Presque chaque fois, il est revenu par la grande porte. En 1984 à l’Éducation nationale, et en 1997 à l’Intérieur. Il attend peut-être mai 2012 pour la dernière séance. Affaires étrangères ? Probablement pas.

Il lui est même arrivé un événement incroyable. La grâce. Le Che devenant sainte Bernadette, enfin, quasiment. Il est un miraculé. Un vrai miraculé. En coma pendant plusieurs jours, il a réchappé de peu au cimetière. Il avait été allergique à un produit d’anesthésie au Val-de-Grâce le 2 septembre 1998 lors d’une opération à la vésicule biliaire. Il n’a quitté l’hôpital que le 22 octobre 1998. Et il a pris trois mois de convalescence.

À l’origine, il était dans la même école que tous les autres, l’ENA. Même promotion que Lionel Jospin, Jacques Toubon, Ernest-Antoine Seillière, Josselin de Rohan, Alain Gomez… et même Mérimée (l’ambassadeur Jean-Bernard Mérimée). Mais le moule n’a pas pris sur sa tête. Fils de deux instituteurs. Origines suisses lointaines d’une famille émigrée en Franche-Comté au XVIIe siècle (patronyme francisé de Schwennemann au XVIIIe siècle, provenant du canton de Fribourg, selon un site de généalogie). Coiffure et look assez soixante-huitard pendant un temps, il a joué le rôle de Jean-Luc Mélenchon ou de Benoît Hamon auprès de François Mitterrand. Il a été le glorieux allié de ce dernier face à Michel Rocard au congrès de Metz en 1979.

Très vite, c’est le Jacobin qui s’est développé en lui. Fonctionnariser la recherche publique. Remettre de l’éducation civique à l’école, faire apprendre la Marseillaise. Maintenir le moral des troupes armées. Refuser la partition du territoire national. Assurer l’indépendance énergétique par une politique nucléaire. Irriguer le tissu régional par des lignes TGV.

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En 1992, en raison de Maastricht, le Che prit son envol… et sa liberté, comme Jean-Luc Mélenchon en novembre 2008. Création d’un microparti pilote, inconsistant,le MDC, issu du CERES, un courant socialiste qu'il avait créé en 1966 (avec Didier Motchane et Alain Gomez), aidé de quelques fidèles (dont Georges Sarre), histoire d’être autonome. Il a même tenté la grande aventure des européennes le 12 juin 1994 (il n’a obtenu que 2,5%). Ce ne l’a pas empêché de revenir au gouvernement car c’est un ami de Lionel Jospin.

Comme Ministre de l’Intérieur, d’ailleurs, il fut critiqué de tout côté. Par la droite parce qu’il a fait des régularisations de quatre-vingt mille sans-papiers après la politique assez lamentable de ses prédécesseurs (expulsion de l’église Saint-Bernard), mais aussi par la gauche à cause des conditions très restrictives des régularisations (soixante mille demandes furent refusées). « Notre volonté est justement de mettre un terme aux situations inextricables et insupportables de personnes qui sont à la fois irrégularisables et inexpulsables. ». Il n’a cessé, par la suite, de faire du présarkozysme en fustigeant les « sauvageons » des banlieues difficiles.

Après une nouvelle démission, il s’installa tranquillement dans la peau du troisième homme, récoltant dans les sondages jusqu’à 15%. Sa candidature à l’élection présidentielle alla donc de soi le 21 avril 2002 mais ce fut un double échec. Personnel avec seulement 5,3% de voix, au sixième rang avec un million et demi de voix (un score équivalent à celui de Gaston Defferre qui avait obtenu 5,0% le 1er juin 1969), et celui de son camp qui ne fut même pas représenté au second tour.

Comble du déshonneur, il fut même battu chez lui, à Belfort, aux législatives, tant en 2002 qu’en 2007.

Cinq années plus tard, le 6 novembre 2006, il reprit son bâton de pèlerin pour la présidentielle, mais cela ne dura qu’un mois (il se retira le 10 décembre 2006), le temps de comprendre que Ségolène Royal était une nationaliste qui aimait drapeau bleu blanc rouge et le pseudo-populisme sécuritaire (par exemple, faire raccompagner les policières chez elles par des policiers).

Cinq années passèrent encore, et le 5 novembre 2011, le voici qui se représenta à nouveau à la présidentielle. Il le sait, le Che, qu’il ferait un score misérable. On ne lui promet qu’un petit pourcent comme part du gâteau électoral, mais il veut faire avancer ses idées, il veut montrer qu’il a eu raison, et puis, il faut bien le dire, depuis 1998, il ne craint plus rien, il a frôlé de justesse le néant et depuis, il se sent invincible.

Il se sent un peu le gardien du grand temple inauguré en 1981. C’est un peu lui le doyen d’âge. Il veut absolument aiguillonner le candidat le mieux placé, le maintenir dans l’orthodoxie nucléaire malgré ses amourettes vertes, le faire changer d’avis sur l’Europe, le rendre enfin plus percutant face aux adversaires communs… (En 2002, il avait même écrit un livre "Le Courage de décider").

N’est pas donné à tout le monde d’être un révolutionnaire.
Il ne lui reste plus que …la retraite politique.

Bye bye, le Che !

Jean-Luc Mélenchon est tout sourire ce matin (sur la radio publique).



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (1er février 2012)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les ambitions sénatoriales de Jean-Pierre Chevènement.
Hollande coincé entre Chevènement et Eva Joly.
Chevènement répond aux attaques parisiennes.
Chevènement battu à Belfort.

yartiChe201203
 



22 réactions


  • Francis, agnotologue JL1 1er février 2012 12:25

    Pour une fois, tout n’est pas à jeter dans cet article de Sylvain Rakotoarison.

    Mais je trouve que ça : « Il n’a cessé, par la suite, de faire du présarkozysme en fustigeant les « sauvageons » des banlieues difficiles. », c’est résumer le sarkozysme à ce seul aspect. Comble de la mauvaise foi, c’est justement sur le fait que la gauche n’est pas assez volontaire sur ce sujet que la droite marque des points !

    Ceci dit, J’ai beaucoup de respect pour l’homme et ses idées. Mais je trouve qu’il a raté son RV avec l’histoire en 2002, tout comme Bayrou l’a raté en 2007.


    • amiaplacidus amiaplacidus 1er février 2012 16:24

      C’est vrai, que Sarko a parlé de Karcher.

      Il a parlé, simplement parlé mais qu’a-t-il fait ?
      RIEN, ABSOLUMENT RIEN.
      Pire : il a aggravé la situation en diminuant les effectifs tant de la police que de la gendarmerie. Sans compter la diminution des moyens mis à disposition des forces de l’ordre.

      En revanche, à Neuilly, pas de problème, les effectifs sont largement suffisants, les locaux convenable, les voitures de service en parfait état de marche, etc, etc.
      Bref, à Neuilly, la sécurité règne.


  • tiloo87 tiloo87 1er février 2012 13:03

    Je trouve que c’est un bon article, (« pour une fois » ayant déjà été dis, je n’en rajoute pas...)
    Ah, belle vertu que la persévérance !


  • arobase 1er février 2012 13:32

    encore heureux.il a fait perdre royale, il aurait pu nous refiler encore 5 ans de sarko ! et pour gagner quoi ? 


    la retraite c’est pas pour les chiens ! à voir la tronche de l’autre du fn du haut de ses 84 ans qui vient encore faire ses mots d’esprits pourris !! place aux jeunes !

    l’heure est au rassemblement de tous les démocrates contre les requins de la finance. seule la gauche peut les combattre car la droite les défend par idéologie.

  • Olivier Perriet Olivier Perriet 1er février 2012 13:39

    "

    Jean-Luc Mélenchon est tout sourire ce matin (sur la radio publique)."

    N’empêche que je vois mal JPC appeler à voter Merluchon  smiley


    • epapel epapel 1er février 2012 17:09

      Mélenchon espère récupérer le point d’intention de vote pour JPC, et au niveau où il est en ça ferait une progression de 15% ce qui est considérable.


    • posteriori 1er février 2012 18:09

      C’est l’auteur de la droite lump qui confond radical de gauche et gauche radicale, faut le comprendre, il y a les mêmes mots...


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 1er février 2012 13:39

    Sur la photo on dirait que le Cheu invite Hollande à une partouze ...


  • arobase 1er février 2012 14:48

    capitaine, si nous leurs jouyons une morceau de scie musicale smiley


  • Whackangel whackangel 1er février 2012 15:52

    bah mince, moi qui croyais vraiment que cette fois, il allait gagner !! :D


  • Pelletier Jean Pelletier Jean 1er février 2012 15:52

    Chevènement est un souvenir de jeunesse, puisque j’ai adhéré au PS en 1974 sur les bases du CERES qui était le courant animé par le Che
    Je m’en suis éloigné très vite pour des raisons d’intolérance et de sectarisme.
    Mais tout en ne partageant pas l’essentiel de ses idées je ne peux m’empêcher d’éprouver de la tendresse et du respect pour l’homme.
    Car c’est un homme authentique, honnête et sincère. On peut dire que cela ne court pas les rues.

    http://jmpelletier52.over-blog.com/

     


  • non666 non666 1er février 2012 17:03

    Comparer Chevenement a Melenchon, c’est osé.
    Chevenement a de la constance, lui...
     Il ne joue pas aux patriotes par opportunisme comme Melenchon joue aux vrais marxiste apres avoir avalisé TOUS les renoncements de la gauche !
    Melenchon est le produit du Nouvel ordre mondial destiné a recuperé le vote ultra gauche pour le relivrer aux ayants droits au deuxieme tour ; une sorte de Fabius du moment.

    Chevenement est surtout la grande victime des mensonges de 2001 sur les attentats de sptembre a New York, a Washington et a Toulouse.
    Fin de l’année 2001 , il etait a 13% dans les sondages .
    Il etait le seul socialiste un peu credible en matiere de securité , de lucidité vis a vis de Saddam Hussein et de l’entreprise US d’invasion soutenue par toute l’oligarchie juive du PS.
    Leur prise de controle de l’appareil du PS marque la fin de la « visibilité » de Chevenement dans les medias puisque le PS controle avec l’UMP le CSA, leur filiale de validation de la propagande commune.
    La disparition de Chevenement ne laisse pas d’autres possibiçlité que le vote Marine aux patriotes roses : tant mieux !


    • epapel epapel 1er février 2012 17:11

      Ca lui ferait un point de plus et ça peut l’aider à passer devant Sarkozy.


    • Ariane Walter Ariane Walter 1er février 2012 18:36

      Non666,

      J’apprécie souvent vos posts. Mais je note ici que nous ne suivons pas le même chemin.
      Je relève aussi que ceux qui, comme vous, descendent en flamme Mélenchon, accusé de faire le jeu du NWO, apprécient la petite Marine...
      Tiens, tiens...
      On comprend mieux alors les raisons de leur attaque.car elle, évidemment , reçue à new-Yprk et chapeautée par l’Aipac pour laisser tomber l’antisémitisme et se recentrer sur l’unique islamophobie, ,elle, n’a rien à voir avec le NWO !


    • Francis, agnotologue JL1 1er février 2012 19:00

      Pas mieux qu’Ariane.

      C’est trop facile d’encenser le Che maintenant qu’il n’est plus en lice.


    • bobbygre bobbygre 2 février 2012 16:11

      Je felicite votre lucidité sur Melechon (même si je ne partage pas votre opinion), dommage que vous n’appliquiez pas le même filtre critique à Marine...


  • Yvance77 1er février 2012 18:29

    Salut,

    Ce qui me fait chier est que c’est un excellent républicain qui ne pourra pas concourir au poste suprême.

    Mais bon il n’avait aucune chance.

    Le rêve aurait été de regrouper sous un même chapeau tous les candidats de ce haut niveau.

    Chevènement, Cheminade, Asselineau, Mélenchon, Joly, Montebourg, Dupont-Aignan etc... toutes ces personnes dans un gouvernement France, punaise cela aurait de la gueule, et nous tirerait pour sûr de l’ornière libérale dans laquelle nous sommes tous englués.


  • Yohan Yohan 1er février 2012 18:47

    Les rats remontent dans le navire du capitaine de pédalo au moment où il semble l’avoir renfloué, c’était courru d’avance. Si Hollande perd, les mêmes rats le rendront responsable de la défaite. Cf le sort réservé à la perdante.
    Chevènement l’a joué comme d’hab, à l’esbrouffe, pour négocier un rôle dans le futur GVT de Hollande. Je reste persuadé qu"il savait qu’il n’irait pas au bout.


  • menou69 menou69 1er février 2012 20:00

    Excellent article, une analyse pertinente de la personnalité du « Che », qui est un homme vrai et sincère, un homme respectable.

    Bonne soirée,


    • Ariane Walter Ariane Walter 2 février 2012 00:32

      Sauf s’il soutient Hollande. Car après avoir craché dans son bouquin sur Mitterrand, il serait beau de soutenir Hollande qui a rencontré en une semaine le CRIJ, BHL et le QATAR !!!! Difficile de faire mieux !

      S’il cède à ces magouilles électoralistes il ne vaudra rien. Un traître. Comme le Besson de triste mémoire. Le Ché !!!

      Enfin...Accordons lui pendant quelques jours le bénéfice du doute.


  • bobbygre bobbygre 2 février 2012 16:08

    Ca aurait pu être interessant de retracer le parcours de cet homme politique atypique. Mais vous le faites d’une manière tellement conventionnelle et avec des formulations journalistiques toutes faites qui dissimulent mal votre manque d’objectivité. Au final, vous feriez mieux d’assumer votre subjectivité et vous approprier un peu plus votre texte, on a l’impression de lire un article écrit par un ordinateur. Etes-vous un ordinateur ?
    Pis la petite allusion à Melechon sur la fin (zavez vu le mechant socialiste qui se delecte de l’abandon d’un autre socialiste ?), assez pitoyable...


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