Alors que près de trois millions de Francais sont descendus dans la rue mardi dernier pour contester la réforme des retraites concoctée par la droite, et que la gauche semble avoir pour 2012 un boulevard devant elle, c’est Ségolène Royal qui est venue défendre le projet des socialistes face à Arlette Chabot, et non Martine Aubry comme on pouvait logiquement s’y attendre, avec la présence du premier ministre ce soir là.
Symboliquement, ca n’est pas rien.
Le projet a beau être collectif : quand Arlette Chabot demande à Ségolène Royal « remettrez vous la retraite à 60 ans si vous passez au pouvoir en 2012 ? » et que celle ci répond, déterminée, après un long argumentaire « oui, je vous le dis solennellement », on ne peut s’empêcher de noter le tour de force...Car bien sûr, cette phrase, c’est dans la bouche de Ségolène Royal qu’elle sort et ça n’est pas anodin. Dans le public, perdus dans l’ombre, on voit Harlem Désir ou encore Benoit Hamon, attentifs, contents et perplexes à la fois. Ceux là même qui ont tout fait pour l’évincer à Reims et qui ont tout fait pour sacrer Martine Aubry...ce soir là aux abonnées absentes, dans ce débat crucial pourtant pour les Francais et éminemment important pour la gauche...
Ségolène Royal fine tacticienne ? sûrement...mais plus que tout, je crois que c’est la force de son désir, tout simplement, qui transparaît...
On oublie souvent de parler du "désir" chez les politiques. Le désir d’accéder au pouvoir. Ou on en parle trop. En tout cas, mal. Car le désir de devenir chef d’état n’est pas systématiquement cynique, arriviste, dénué de valeurs morales. Il est même essentiel. Les observateurs politiques le savent fort bien : on ne devient pas président de la république, malgré soi. Jacques Delors en a été la démonstration en 1995. Dans le fond, il ne voulait pas " se battre" pour cela. Sans doute répugnait- il à cela. Et c’est très louable, d’ailleurs. Chacun son destin. Et son désir...
Mitterrand a voulu passionnément le pouvoir. Il s’est présenté à l’élection présidentielle en 1965, en 1974 avant de passer en 1981. Chirac aussi l a désiré ardemment. 1981, 1988, puis 1995. Souvent, j’ai entendu dire "ha Ségolène Royal, elle a laissé passer sa chance en 2007. Trop tard"...Quelle grossière erreur de penser ainsi...Et quelle preuve aussi de notre société consumériste qui s’entiche de choses puis les jette...laissons le temps de mûrir les choses, surtout en politique...
Au contraire...Je serais tenté de dire que Ségolène Royal - et elle l’a dit et écrit souvent dans ses livres- est d’autant plus consciente de ses faiblesses et de ce qu’elle a à travailler qu’elle a déjà été confrontée à l’élection présidentielle. Dans cette élection, les échecs sont au contraire galvanisants. Elle répète d’ailleurs souvent qu’il ne faut surtout pas sous estimer la droite : elle est très puissante et a des relais partout. une parfaite organisation aussi. Et elle le sait mieux que quiconque. Pas une émission où elle n’arrive désormais avec un argumentaire en béton...
Royal a pris du plomb dans l’aile après la présidentielle. C’est d’ailleurs souvent dit et à raison : les fameuses traversées du déserts sont surement nécessaires aux politiques amenés à gouverner. Ils se structurent, trouvent leur force ainsi. Comptons sur la combativité de Ségolène Royal. Elle en a revendre, je crois, au PS. C’est la plus virulente à gauche face à l’opposition. Oui, je serais vraiment tenté de dire " laissons- lui avoir sa revanche face à sarkozy". Pas pour le goût imbécile du match qui se jouerait là, mais parce que très certainement, elle serait bien plus éclairée sur les axes d’ une campagne en 2012, qu’elle déploierait toutes ses énergies, et serait bien plus organisée qu’en 2007...Elle veut sa revanche face à Sarkozy ? mais n’y voyons pas ce qui pourrait être contestable. Au contraire, il faudra en 2012 que la gauche soit très combative pour gagner..."Qu’elle en veuille", comme on dit. Et si il y en a bien une "qui en veut" à gauche, c’est Ségolène Royal.
On en revient au désir...et je fais le pari, ici, que ce désir- là, oui, fera toute la différence aux primaires...Ségolène Royal l’a d’ailleurs dit il y a quelques mois. Il y a une grande différence entre avoir la velléité d’être candidat et faire une campagne, c’est à dire partir à la rencontre des Français...Le désir, il tient là. Et ce lien avec les Français, indispensable, il est très moral, finalement... Sarkozy est désavoué aujourd’hui mais reconnaissons lui une chose : les Français l’ont aimé passionnément. Un feu de paille, certes, mais ils l’ont aimé...
Au PS, on semble s’interroger sur le désir de Martine Aubry, justement. Un député déplore " elle n’est même pas venue à la réunion du groupe à l’assemblée, mardi". Un membre de la direction dit même " avec elle, ca se résume à un titre de Johnny : l’envie d’avoir envie"...Tout est là...la dame des 35 heures le répète à l’envi : " je ne suis pas née avec l’envie de devenir présidente de la république". Elle a tort de s’en vanter, à mon avis. Pour qui brigue la fonction de chef d’état, c’est une lacune terrible. Pour ne pas dire la pire.
Ségolène Royal est comme elle est, mais incontestablement, elle l’a, ce désir. Il n’y a qu’à voir son intervention jeudi soir chez Arlette Chabot. Elle est pugnace et ses interventions sont de plus en plus argumentées et musclées. On parle de politique spectacle ? Je ne trouve pas. Déjà, on pourra répondre que l’argumentaire a été travaillé par le collectif du PS et pas par Ségolène Royal toute seule. Enfin, la fougue de Royal me fait penser à un temps où Georges Marchais et d’autres étaient capables d’appeler un chat un chat et de parler sans langue de bois. Ca fait beaucoup de bien...
quand Arlette chabot - alors que Ségolène Royal prouve par A+B que le capital n’est pas taxé pour cette réforme et qu’elle est donc injuste- quand Arlette Chabot, donc, demande si faire financer par l’impôt sur le capital une partie des retraites ne tient pas du miracle et que Royal lui répond du tac au tac " parce que faire payer les pauvres, c’est le miracle peut-être ?", c’est assez soulageant. il faudra mettre les pieds dans le plat pour battre la droite en 2012, ne pas avoir peur...
Enfin, terminons sur l’éloquent rappel de Mitterrand, qui au dernier conseil des ministres en 1993, a prévenu les socialistes qu’ils allaient devoir se battre le dos au mur dans les années qui suivraient parce que la droite ferait tout pour mettre à bas la sécurité sociale des Francais...Voilà un beau flambeau que Royal a porté dès le début de l’émission. N’y voyons aucun calcul ou aucun cynisme de circonstance...Ségolène Royal évoque tout cela dans un livre sorti en 1995 " la vérité d’une femme"...ça, par contre, c’était bien d’elle...
Enfin, je terminerai par le nom de son association " DESIRS d’avenir"...
Il n’est surement pas anodin.
Et c’est pour moi, qui suis un fervent convaincu de la psychanalyse, le plus beau mot de la langue francaise. Assurément. Parce qu’avec le désir, on peut tout. N’en déplaise aux aigris...