mardi 28 janvier - par Sylvain Rakotoarison

Le doyen Nicolas Sarkozy

« Vous ne trouverez jamais, jamais non pas un euro, mais pas un centime libyen, dans ma campagne. (…) Je répondrai à toutes les questions comme je l’ai toujours fait, j’ai toujours assumé mes responsabilités et je compte bien le faire pendant ces quatre mois. » (Nicolas Sarkozy, le 9 janvier 2025 à la barre du tribunal judiciaire de Paris).

Drôle d'anniversaire, cette année ! L'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy, le doyen des anciens Présidents encore en vie, fête ses 70 ans ce mardi 28 janvier 2025. S'il est arrivé au sommet de l'État à un âge "relativement" jeune, 52 ans, il n'a pas égalé l'un de ses lointains prédécesseurs, Valéry Giscard d'Estaing, installé à l'Élysée à l'âge de 48 ans, ni, bien sûr, l'un de ses successeurs, Emmanuel Macron, élu à 39 ans, détrônant Louis Napoléon Bonaparte dans le plus jeune âge à cette fonction. Attention, quand j'évoque le mot "doyen", cela ne veut pas dire "le plus âgé", car François Hollande a six mois de plus, mais le plus ancien à avoir exercé les fonctions de Président de la République.

Pour autant, Nicolas Sarkozy a toujours misé sur la jeunesse et le dynamisme, la combativité et la multiplicité des déclarations, des propositions, pour faire une carrière politique éclair. Alors, évidemment, et c'est valable pour tous les "jeunes", commencer à vieillir choque plus que des vieux de la vieille qui n'ont atteint le nirvana qu'à un âge canonique (François Mitterrand et Jacques Chirac, par exemple, mais je peux aussi citer François Bayrou aujourd'hui !).

Les rides, la fatigue, la lenteur ne l'ont encore jamais empêché de réfléchir à la vitesse de la lumière, d'avoir un mental qui tourne rapidement, de réagir au quart de tour, mais par l'apparence, voici maintenant un vieillard, qui ne s'embellit pas vraiment avec sa barbe de quatre jours assez caractéristique des bagnards ! Soixante-dix ans est en effet un âge relativement pas-trop-vieux de nos jours (François Bayrou va bientôt avoir 74 ans), mais c'est celui d'un patriarche, d'un sage, comme l'a Alain Juppé en se mettant le costume du Sage avec un grand S (membre du Conseil Constitutionnel), lui qui va avoir 80 ans cet été.

Et là, inévitablement, sourires ou fous rires s'esquissent dans l'association des deux : Nicolas Sarkozy et sage. Ce n'est pas la première association d'idée qui viendrait à l'esprit, c'est vrai, mais elle est réelle. Pire (ou mieux) : Nicolas Sarkozy sort des livres et ils sont plutôt bien écrits. Voire érudits quand il se met à parler d'art et de littérature du XIXe siècle ! On avait mis longtemps à comprendre, à savoir que Jacques Chirac était un homme très cultivé, épris de culture asiatique, mais qui cachait bien sont jeu (dans l'avion, il lisait des revues d'art cachées par une couverture de PlayBoy pour rester fidèle à sa description d'inculte et populaire). On mettra peut-être aussi longtemps pour connaître la culture de Nicolas Sarkozy.

Évidemment, l'actualité de Nicolas Sarkozy est aujourd'hui judiciaire, je dirais multijudiciaire. Condamné déjà à de la prison ferme dans deux affaires, celle qui le préoccupe cette année n'est pas anodine : depuis le 6 janvier 2025, se tient un procès fleuve de trois mois (jusqu'au 10 avril 2025) à la trente-deuxième chambre du tribunal judiciaire de Paris qui le soupçonne d'avoir reçu 50 millions d'euros du trésor libyen de Mouammar Kadhafi pour se payer sa campagne présidentielle de 2007. Comme dans les deux autres affaires, aucune preuve ou fait sérieux n'existe vraiment, ce sont surtout des intimes convictions de juges dont on ne se permettrait pas de douter de l'impartialité malgré une "impression" d'acharnement judiciaire. Entre présomptions et preuves marquantes, il y a un fossé. Nicolas Sarkozy ne fait que rejeter catégoriquement ces accusations, et l'affaire est grave car il risque jusqu'à dix ans de prison !

Il persiste toutefois à croire en la justice de son pays, comme il l'a dit le 9 janvier 2025 pendant son procès : « Je n’ai aucun compte à régler et certainement pas avec l’institution dont je sais pourtant qu’une partie m’a violemment combattu lorsque j’étais Président. Naïf ou enthousiaste, je fais confiance. ». Il avait pourtant exprimé deux minutes auparavant sa colère pour cette affaire : « Dix années de calomnie, quarante-huit heures de garde-à-vue, soixante heures d’interrogatoire, dix ans d’enquête. On a trouvé quoi ? Rien, me concernant. Il y a de quoi avoir la colère. Il n’y a pas eu de corruption. (…) L’argent de la corruption est le grand absent de ce procès et pour une raison simple : il n’y a pas d’argent de la corruption car il n’y a pas eu de corruption du candidat ! ».
 

Cette actualité judiciaire éclipse donc toute autre considération comme cette Arlésienne, une sorte de marronnier depuis treize ans, le retour de Nicolas Sarkozy dans la vie politique. Il faut bien comprendre qu'avoir beaucoup d'années devant soi comme ancien Président de la République est sans doute une torture. Atteindre l'Élysée est la conséquence d'une folle obsession en même temps qu'une folle ambition. Et surtout d'une folle passion, celle de la chose politique. Son locataire, au fond, ne sait faire que cela, que de la politique, et s'en priver est une véritable torture.

Il faut dire que nous étions habitués à des Présidents "finissants", soit parce qu'ils étaient malades, soit parce qu'ils étaient âgés, ou les deux : De Gaulle, Georges Pompidou, François Mitterrand et Jacques Chirac. Les trois premiers ont vécu très peu de temps après leur mandat (voire rien du tout). Le dernier a vécu encore autant que ses deux mandats (douze ans), mais dans un état de santé qui ne faisait poser aucune question sur son avenir politique.


Valéry Giscard d'Estaing a été le premier ancien Président de la République valide, en totale possession de sa forme physique et mentale, et avec un état psychologique de volonté de prendre une revanche sur le destin après son échec électoral à l'âge de 54 ans. Il aura vécu presque quarante années d'ancien Président ! Jusqu'en 2004 (pendant vingt-trois ans), il n'a fait qu'accumuler mandats électifs (conseiller général, député, député européen, président du conseil régional, président de l'UDF) et honneurs (Présidence de la Convention Intergouvernementale Européenne, Académie française). Il a même échoué à devenir maire d'une grande ville (Clermont-Ferrand).

Nicolas Sarkozy a pris ainsi la suite de cette histoire d'ancien Président "trop jeune" (il avait 57 ans en 2012), avec la même soif de revanche sur le destin. En été 2013, avec les premiers déboires judiciaires, Nicolas Sarkozy a quitté la vie politique, puis il a repris du service en automne 2014... jusqu'à reconquérir (sans trop de mal) la présidence de son parti, l'UMP qu'il a transformée en Les Républicains (VGE avait aussi pris la présidence de l'UDF de 1988 à 1995).

S'il n'a sollicité aucune nouveau mandat électif, il a fait mieux que Valéry Giscard d'Estaing puisqu'il s'est présenté à la primaire présidentielle de LR en novembre 2016 face notamment à Alain Juppé et François Fillon... et il a échoué dès le premier tour, un verdict qu'il a eu du mal à digérer mais qui lui a fait comprendre qu'il avait fait son temps, même parmi les siens. Il reste néanmoins que Nicolas Sarkozy est la dernière personnalité de droite à avoir été capable de se faire élire à la magistrature suprême depuis vingt ans, ce qui en fait un homme à part dans son camp.

Depuis cette mésaventure, Nicolas Sarkozy a définitivement renoncé à revenir dans la vie politique active, même en tant que recours, recours peu crédible d'ailleurs pour des raisons judiciaires. En revanche, il compte toujours influer sur le cours des événements, parce que la passion politique ne s'estompe pas du jour au lendemain. L'une des dernières pressions politiques qu'il a faite, c'est d'encourager son parti LR à prendre ses responsabilités et à former un gouvernement avec les macronistes dans cette Assemblée hyper-divisée : celui de Michel Barnier puis de François Bayrou.

Avant les élections législatives de l'été dernier, Nicolas Sarkozy avait montré ses bonnes capacités d'analyse politique. Interviewé par le "Journal du dimanche" le 15 juin 2024, il disait ainsi : « J’ai l’impression de revivre la dissolution de 1997. (…) On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Il avait vu juste. Et il n'hésitait pas à décocher des flèches empoisonnées aux dirigeants de LR : « Les partis de Le Pen et Mélenchon feront toujours mieux que nous en termes de posture tribunitienne. Rester coincé entre ces deux forces est la certitude de la disparition. Nous avons besoin d’une droite républicaine. (…) L’autorité ne se réduit pas à un concept. L’autorité s’incarne. ».

Quant à son successeur direct, François Hollande est dans le même cas, quittant l'Élysée à l'âge de 62 ans, ce qui est "relativement" jeune. Il s'est fait élire député de Corrèze en juillet 2024 (avec un score très médiocre puisqu'il n'a pas bénéficié d'une majorité absolue et n'a dû son élection qu'à une triangulaire PS-LR-RN). Lui aussi cultive le désir de revanche sur le destin... et compte bien retrouver la plénitude de ses pouvoirs entre 2012 et 2017. On parle pour lui de "trou de souris", ce qui fait un peu éloigné du concept de... grandeur de la France !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 janvier 2025)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :

Le doyen Nicolas Sarkozy.
L'honneur perdu de Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy réagit à la dissolution dans le JDD (15 juin 2024).
Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
Discours du Président Nicolas Sarkozy le 16 décembre 2008 au Parlement Européen de Strasbourg (texte intégral).
Discours du Président Nicolas Sarkozy le 10 juillet 2008 au Parlement Européen de Strasbourg (texte intégral).
Sale temps pour Nicolas Sarkozy !
La justice harcèle-t-elle la classe politique ?
Carla Bruni.
La sagesse de Nicolas Sarkozy.
Pour qui votera Nicolas Sarkozy au premier tour ?
Bygmalion : Éric Zemmour soutient Nicolas Sarkozy.
Injustice pour Nicolas Sarkozy ?
Sarko et ses frères...

 

 



15 réactions


  • Laconique Laconique 28 janvier 16:57

    Ce Nicolas Sarkozy a l’air d’être un sacré caractère, rempli d’énergie. Vous m’avez donné envie de voter pour lui. Merci.


    • Fergus Fergus 28 janvier 19:30

      Bonsoir, Laconique

       smiley
      Blague à part, ce type fort en gueule mais timoré en actes a démontré durant son mandat qu’il n’était qu’un velléitaire.
      Qu’il ait été laminé lors de la primaire de la droite en 2011 par ceux qu’il nommait avec un grand mépris « Ducon » (Juppé) et « Durien » (Fillon) a montré de manière éclatante que, mis à part ses inconditionnelles groupies, les électeurs de droite avaient compris que ce personnage n’était en définitive qu’une coquille vide. Et un escroc !


    • Laconique Laconique 28 janvier 19:56

      @Fergus

      Oui, sur Sarkozy je suis à 100% d’accord avec vous.


    • Aristide Aristide 29 janvier 06:18

      @Laconique

      S’il était nécessaire de classer les hommes politiques sur leur défaut de qualité morale, je ne suis pas sûr que Sarkozy soit le premier de la liste.

      Il existe dans cette engeance, une part significative de margoulins, bien incapable de faire autre chose. Si la valeur morale est une exigence, il me semble encore plus grave pour un homme politique de tromper ses électeurs. Et là, Sarkozy, est loin de la tête de liste.


    • Laconique Laconique 29 janvier 09:40

      @Aristide

      Jesus man...


  • ZenZoe ZenZoe 28 janvier 17:22

    Sarkozy n’a jamais accepté d’argent de Khaddafi, tout comme Macron n’a jamais accepté d’argent d’oligarques algériens. C’est que des ragots de vieilles bonnes femmes tout ça...


  • ETTORE ETTORE 28 janvier 17:29

    Tiens Rakoto...

    Vous faites les « anniversaires » également ?

    La vache, vous êtes vraiment « multi tâche » !

    Les mariages ? les bar mtizvah ? Les communions, les baptêmes du feu ?

    Et qu’avez vous organisé, pour le POST CONbustible lambda « Ly-bien-des -autres c’est l’y-miens-aussi ! » ?

    Une petite journée, d’éclate, dans la piscines à bouboules colorées ?

    Vous savez si son pote, comme « cul » et « chemise » a été invité à sa soirée pyjamhalal en Al-lybi inclusif et festif  ?

    Parce que, on le voit sur la photo peinture, et on ne sait pas si c’est retouché en dissolution..... Après.


  • armand 28 janvier 17:32

    on ne voit pas bien le bracelet sur la cheville smiley


  • amiaplacidus amiaplacidus 29 janvier 11:43

    J’ai très exactement 13 ans de plus que Sarko, je suis né le 28 janvier 1942.

    En voyant ses photos actuelles (pas celles de Rakoton qui sont floutées) je suis heureux de voir que je parais plus jeune que lui.

    Je pense que la canaillerie marque fortement le visage.


  • Octave Lebel Octave Lebel 29 janvier 11:53

    Le véritable sujet ne serait pas plutôt :

    « Nous avons un président, comédien jusqu’au bout des ongles, qui fait semblant d’être encore un peu metteur en scène. Comme il peut. Retenons notre souffle. Nous avons une démocratie citoyenne à portée de mains qui est à construire, faire vivre et protéger. Sinon nous aurons droit immanquablement au toboggan autoritaire par défaut de volonté et de bêtise aussi. Autant alors se dire les choses et peser les enjeux. »

    « Qui a encore envie d’échanger un Macron contre une Le Pen (ou son substitut), la dernière chance des oligarques et de leurs obligés ? Après avoir été roulé dans la farine pendant des années par des candidatures médiatiques à la Sarkozy ou à la Hollande. Jamais deux sans trois ? C’est déjà fait. »

    https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/macron-meritons-nous-ce-genre-de-258463


    • Octave Lebel Octave Lebel 29 janvier 11:55

      @Octave Lebel

      Désolé pour le gras non voulu.Je renonce à comprendre le fonctionnement du logiciel d’édition d’Agoravox.


    • Aristide Aristide 29 janvier 12:38

      @Octave Lebel

      Vous avez raison, vos messages gagneraient en efficacité s’il y avait moins de gras ...


  • Corcovado 29 janvier 17:27

    Je l’ai déjà dit, quand j’entends parler Macron on dirait un curé qui fait le sermon et quand je le vois je me dis que c’est un très mauvais acteur.

    Sarko, lui, hormis son côté un peu vampire des Carpathes, m’a fait dès le début l’effet d’un bonimenteur de foire qui serait prêt à vendre n’importe quoi à n’importe qui. Le type même de l’arriviste qui vous convaincrait de tout, alors que derrière le décor il n’y a rien.

    Chirac a finalement été la transition entre les politiques sérieux et cultivés et cette nouvelle génération sans convictions, sans projets pour la France, ne pensant surtout qu’à eux-mêmes.

    Si ça ne dépendait que de moi, il y aurait eu quelques procès pour haute trahison. Cela dit, je ne suis pas de l’autre côté du rideau.


  • agent ananas agent ananas 29 janvier 23:24

    Je préfère le portrait de Sarko que dresse Thierry Meyssan à celui de Ragototo, qui n’a pas pris une ride !

    https://www.voltairenet.org/article157210.html


Réagir