Le Liban entre manifestations et violence
Loin des soucis parisiens et des réflexions à n’en plus finir autour de la campagne présidentielle 2007, j‘avais envie de faire une note sur un pays qui me touche, que j’aime et qui revient au devant de la scène, toujours à un moment ou à un autre, depuis quarante ans.

Et qui s’en passerait : le Liban.
Le Liban toujours malade d’une division qui la menace en son sein : la Guerre de juillet 2006 causant la mort de plus d’un millier de civils et causant des destructions considérables n’a fait que renforcer et exacerber des divisions qui n’attendaient qu’une étincelle pour réapparaître.
Le Liban, paralysé plus encore, depuis que le Hezbollah et l’opposition de Michel Aoun ont claqué chacun leur tour la porte du gouvernement en novembre 2006 faute de s’entendre, laissant le pays toujours un peu plus exsangue et encore plus tenté par une guerre civile qui le menace et qui mettrait du chaos à un désordre qui n’en finit pas de gangrener le tissu économique et social du pays.
Le Liban, qui pourtant possédait dans cette région les atouts nécessaires pour en faire une success story à l’instar de la Suisse en Europe. Pour en faire un grand pays dans cette région du globe.
Le Liban où depuis décembre à Beyrouth, des manifestations se succèdent sur la Place des Martyrs, impressionnantes de ferveur et de foi qui paralysent le pays depuis lors. La France championne de l’Europe des manifs en tout genre aurait du mal à rivaliser avec cette démonstration qui dure depuis plus de quatre-vingts jours maintenant, bloquant le pays au cœur même de ses institutions et pouvant dégénérer à tout moment.
Enfin, un président, Emile Laoud, contesté par une frange de plus en plus importante de la population, que beaucoup soupçonnent ici d’avoir été placé par la Syrie et qui refuse toute aide extérieure pour sortir le pays de cette crise.
L’acharnement des Libanais à conduire ces révoltes de rues pourrait paraître, vu d’ici, comme suicidaire ou nihiliste. Pourtant il en va tout autrement : ils expriment, dans ce désordre invalidant, leur soif de retrouver une indépendance qu’ils appellent de toutes leurs forces.
Hier, les Libanais ont encore manifesté. Mais c’était pour rendre hommage à la mémoire de Rafik Hariri, leur ancien Premier ministre assassiné il y a tout juste deux ans, dans une attaque à la voiture piégée. Et Rafik Hariri était un opposant farouche à l’ingérence syrienne au Liban. Il était tout un symbole. De son exil en Arabie saoudite, dans les années 1970, il créé une fondation éponyme pour aider les jeunes Libanais à étudier aux Etats-Unis et en Europe, afin que le moment venu, la diaspora libanaise puisse reprendre le contrôle de son destin. Au début des années 1990, il finance un plan de reconstruction du centre de la capitale. Mais ce sont les Accords de Taef de 1989 qui le feront entrer de plain-pied dans la politique de son pays. Il devient premier ministre en 1992 et le restera jusqu’en décembre 1998, où il démissionne après les élections qui placent au pouvoir le président Laoud.
Sur place, la situation est complexe et les conflits ne peuvent se résoudre que par la diplomatie internationale. La Finul 2 tente de maintenir la paix, mais force est de constater que le trafic d’armes se poursuit entre le Sud du Liban et la Syrie pour alimenter l’arsenal militaire du Hezbollah. Malgré la vaste protestation internationale, les survols aériens illégaux d’Israël se poursuivront tant que les Israéliens auront la certitude que ce trafic pèse sur leur sécurité intérieure.
L’attentat du 13 février dernier qui a fait trois morts a donné à cette manifestation encore plus de force. Elle marque une étape importante dans cette guerre civile larvée qui ne dit pas son nom et frappe d’autant plus les imaginations qu’auparavant, ces attentats étaient réservés aux dignitaires et aux politiciens qu’on réduisait au silence en les éliminant. Maintenant, l’immense partie de la population libanaise et pacifique sait qu’elle est devenue la nouvelle cible de cette armée qui travaille dans l’ombre au chaos du pays. Elle sait qu’elle pourra être la prochaine victime d’un sniper embusqué ou d’un humanbomb prêt à tuer aveuglément pour faire basculer dans la haine une nation prise en otage entre la Syrie et son voisin israélien.
La situation ne serait pas complète si j’omettais de parler du général Chrétien, Michel Aoun ancien Premier ministre et président du Courant patriotique libre qui se rêve le de Gaulle libanais et qui souhaite revenir au pouvoir et être élu président du Liban. Il a refusé, jusqu’à présent, toute négociation et tout compromis avec le Hezbollah. Le président du Parlement libanais, Nabih Berri, a promis à la mémoire de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri de faire du Liban une « oasis de démocratie » libre de « toute tutelle ». « Deux ans après ton assassinat, tu nous regardes et nous trouves divisés (...) Nous avons appris les leçons du passé, de la guerre. » Ce sont donc cette fois tous les chefs politiques qui sont interpellés par la rue avec l’impérieux devoir et la nécessité de préserver leur pays d’un nouveau conflit. Ceci n’est possible que par la mise en place d’un tribunal international.