jeudi 22 novembre 2012 - par Gérard Dahan

Le plantage des sondages à l’élection à la présidence de l’UMP

Pourquoi de tels écarts ? Pourquoi tous les instituts de sondage se sont-ils trompés ?

Il y a plusieurs réponses à cette question mais le dernier exemple en date d'erreur est une excellente illustration d'une des raisons.

Le 16 novembre 2012, à la surprise générale et contrairement à ce qu’affirmaient tous les sondages, Jean François Copé l’emporte de 98 voix (nous ne sommes pas sur de l'écart, mais il est faible) sur François Fillon aux élections à la présidence de l’UMP.

Pourtant, l’écart décrit entre les deux hommes par les sondages était très important.

Rappel :

- Le 31 Août 2012, L’Ifop à la question « Qui souhaiteriez vous comme dirigeant de l’UMP pour les prochaines années ? » posée à 409 sympathisants UMP extraits d’une base de 2000 Français interrogés, obtient un résultat de 62% en faveur de F Fillon et de 21% en faveur de JF Copé[1].

-Le 8 octobre, Opinionway, spécialiste des études internet, dans un sondage auprès de 523 sympathisants UMP (35% des Français selon cette étude) issus d'une interrogation de 2.213 Français, trouve 35% de sympathisants UMP qui estiment que Fillon est "capable de mener l'UMP à la victoire en 2014". A la même question, Copé ne recueille que 15% des adhésion.

-Le 22 octobre Harris Interactive publie un résultat « prédisant » un écart similaire en faveur de Fillon[2] : A la question « Les militants[3] UMP vont voter pour élire le président du parti, Quelle personnalité souhaitez vous voir élue ?

La réponse basée là également sur les « sympathisants » est semblable : 67% en faveur de F.Fillon, 22% en faveur de JF Copé.

-Le 16 novembre, à 2 jours du scrutin, BVA fait la même erreur et publie un résultat obtenu auprès de 273 « sympathisants » UMP extrait d’une interrogation par téléphone de 1075 Français. : Pour 65% de sympathisants, Fillon est leur « personnalité préférée » contre 33% de préférence en faveur de JF Copé.[4]

 

Pourquoi cette erreur ?

L’élément principal de la réponse est simple. Ils ont oublié un principe des sondages : la représentativité de l'échantillon. Et leurs échantillons ne l'étaient pas.

Les instituts de sondages ont basé leurs « estimations » sur des enquêtes réalisées auprès de « sympathisants » UMP. Or, ce sont les « adhérents » qui ont votés[5]. Ils n’ont pas vue suffisamment nettement, la différence de vote qui pouvait exister entre les deux populations.

La population qui a donc servi de base aux sondages était une totale erreur. Les « sympathisants » ne sont pas les « adhérents ». Et on peut penser que les « adhérents » UMP étaient beaucoup plus proches de JF Copé, animateur du parti depuis plusieurs années, qu’ils ne l’étaient de F Fillon. Une erreur qu’ont peut probablement rapprocher de l’erreur de casting à la primaire socialiste de 2006, avec le choix de Ségolène Royal à 61% par les sympathisants socialistes[6] .

Deux erreurs de casting qui peuvent nous interroger en tant que Français sur la pertinence de ces primaires.

Le choix des adhérents d’un parti ou même des sympathisants est éloigné de ce que pourra être le choix des Français.



[1] La fiche technique du sondage précise que le sondage a été réalisé par Internet sur 409 personnes extraites d’une base d’internautes de 2000 personnes.

[2] Dans le cas de cet institut, la publication du sondage est moins claire ; si le nombre de la totalité de Français interrogés est précisé (1803 personnes), celui des « sympathisants UMP ne l’est pas. Il s’agit également d’un sondage Internet.

[3] On note ici, une erreur de mots grossière de Harris Interactive qui parle de militants, là où il faut parler d’adhérents. Décidément la sémantique n’est pas le fort des instituts de sondage !

[4] A noter que l’intervalle de confiance (la précision des résultats) publié par BVA comme celui de la plupart des instituts de sondage sur cette question est celui de l’interrogation des Français et pas celui de l’interrogation des sympathisants UMP largement plus important. A titre d’exemple, l’intervalle de confiance avancé par BVA est compris entre ±1,4% et ±3,1% (c’est celui obtenu sur les Français), alors que celui sur les sympathisants est lui compris entre ±3,6% et ±5,9%. Une nuance à la limite de l'intolérable.

[5] Pouvaient voter les adhérents UMP à jour de leur cotisation au 30 juin 2012 ; l’UMP en avait annoncé 264 000, mais le 25 octobre JF Copé annonçait 300 357 adhérents.

[6] Dans cette primaire socialiste comme dans celle de 2011, pouvaient voter les personnes inscrites sur les listes électorales qui acceptaient de signer un texte d’adhésion aux « valeurs de la gauche ». Il s’agissait donc effectivement plus de « sympathisants ».



13 réactions


  • Yvance77 22 novembre 2012 08:37

    Salut,

    Les sondageurs (pardon) sont comme les journalistes, imbus d’eux mêmes et ils n’attendent que les réponses qu’ils ont envie d’entendre.

    Pourtant, aujourd’hui il est clair comme de l’eau de roche que la France à un versant très droitier qui voit le soleil, et il était par conséquent évident que les lignes dures pouvaient tenir la dragée haute à la droite modérée.


  • devphil30 devphil30 22 novembre 2012 09:29

    Et copé nous annonçait une surprise ....

    effectivement quelle surprise , une élection magouillée à l’ump

    toujours très sur de lui le petit roquet qui veux faire mieux que son mentor 
    la barre à droite toute mais comme copé n’a aucune intelligence il n’a pas compris que le fn avait changé de responsable et que le coup de 2007 n’a pas marché en 2012 alors il compte faire quoi en 2017 ? 

    Il a voulu prendre la présidence pour éviter de faire des primaires qu’il sait ne pas pouvoir gagner honnêtement face à un Fillon qui a une autre stature politique.

    Philippe

  • périscope 22 novembre 2012 10:06

    OK à supposer que les militants aient choisi, sans tricherie aucune, Mr Copé, il reste le fait que les sympathisants UMP n’aiment pas Copé et ne voteront jamais pour lui comme Président.
    L’un d’ente eux me confait : « Pour voter perdant en 2017, je voterai directement F.N »


    • périscope 22 novembre 2012 10:09

      Précision : je voulais citer :
      « Plutôt que voter pour un perdant en 2017, je voterai directement F.N »


  • Pyrathome Pyrathome 22 novembre 2012 12:02

    Pourquoi tous les instituts de sondage se sont-ils trompés ?

    Les instituts de sondage prennent-ils en compte les fraudes massives ??


  • jef88 jef88 22 novembre 2012 12:32

    Pourquoi de tels écarts ? Pourquoi tous les instituts de sondage se sont-ils trompés ?

    Parce qu’ils n’ont pas prévu la fraude !


  • Mmarvinbear Mmarvinbear 22 novembre 2012 13:13

    La fraude même massive n’est pas suffisante pour expliquer un tel écart. En fait, les responsables des instituts se sont expliqué, révélant qu’ils n’ont pas pu interroger les adhérents UMP car ce parti a refusé de leur donner le listing des cotisants, ce qui leur aurait permis de réaliser des études plus exactes.


    Une chose est certaine en tout cas. L’ UMP selon Copé est absolument incapable de mettre en place une élection. Quand on pense qu’ils ont eu les clés du pays pendant 17 ans, on comprend plus facilement pourquoi on est dans une telle merde.

  • LE CHAT LE CHAT 22 novembre 2012 13:23

    faites un sondage , qui est le plus capable entre Copé et Fillon de défendre votre pain au chocolat à la sortie de l’école !  smiley


  • jean de Marseille jean de Marseille 22 novembre 2012 15:03

    Votre article ajoute de l’eau au moulin de mon analyse politique dans « la deuxième mort de N Sarkozy » du 21/11/12.
     Si les sondeurs, qui savent très bien ce que vous mettez en lumière, à savoir la faiblesse de l’échantillon, laissent les médias publier leurs sondages tels quels, c’est que la vertu de ces sondages n’est pas leur qualité descriptive de l’opinion, mais bien leur pouvoir d’influence sur cette opinion. C’est une prophétie auto réalisatrice mise au service d’un clan (Fillon).
    Les grands médias et les instituts de sondage sont en majorité possédés par la même oligarchie qui a fait son choix.


  • Fergus Fergus 22 novembre 2012 19:55

    Bonsoir, Gérard.

    Les instituts ne se sont pas trompés. Ni dans leur échantillon ni dans les techniques mises en oeuvre.

    S’il y a eu faute, elle est venue des journalistes qui ont relayé l’information. Certains ont bien spécifié qu’il s’agissait là des sympathisants et non des militants appelés à voter. D’autres se sont bien gardé d’en faire état malgré l’obligation qui leur incombait. 

    Résultat : la même impression d’erreur que lors de la primaire verte en prélude à la présidentielle. Là aussi, faute d’accès aux militants, ce sont les sympathisants déclarés qui se sont exprimés.

    Sans doute vaudrait-il mieux ne pas sonder un échantillon par force non représentatif du corps électoral concerné. Surtout en sachant que les journalistes biaisent sciemment les cartes !


  • njama njama 23 novembre 2012 11:57

    Bonjour Gérard Dahan

    Deux erreurs de casting qui peuvent nous interroger en tant que Français sur la pertinence de ces primaires.

    Pourquoi pas, sauf que la nature de ces primaires de 2006 au PS et celle de 2012 à l’UMP n’ont pas grand chose à voir ensemble. Des primaires pour la présidence d’un Parti, et des primaires pour le choix d’un candidat à l’élection présidentielle. L’enjeu n’est pas de même envergure, est n’est pas de même nature.

    On ne peut qu’être étonné du tapage médiatique qui entoure cette élection à la (simple) présidence d’un Parti, ici l’ UMP, alors que ce n’est qu’une question « interne » à ce Parti, dont finalement l’audience nationale avoisine seulement les 30% dans le meilleur des cas (Nicolas Sarkozy, candidat UMP 27.18% des voix au 1° tour le 22 avril 2012 - 31,18 % en 2007)
    Les résultats d’élection sont quand même plus représentatifs de la réalité politique nationale.

    Si l’on pense que le futur président du Parti UMP serait et doit être le présidentiable de 2017 on court-circuite de fait des primaires pour le choix d’un candidat UMP à l’élection présidentielle telles que les pratiquent le PS, et en même temps c’est une sorte de coup d’État politique à l’intérieur de ce Parti ... dont il se faut rappeler qu’à la base en mai 2002, il n’était qu’une alliance de circonstance - coalition entre les deux tours pour contrer JM Le Pen - entre principalement l’UDF et le RPR
    L’ Union pour la Majorité Présidentielle rebaptisée six mois après Union pour la Majorité Populaire.
    Ces primaires à l’UMP me font davantage penser à une lutte d’influence interne sur les orientations politiques à l’intérieur de ce Parti, et entre Fillon et Copé, ce ne sont pas les mêmes tendances qui s’expriment. Sans trop rentrer dans les nuances, Philippe Seguin dont on connaissait la sensibilité souverainiste, mentor de Fillon, et Raffarin atlantiste mentor de Copé.
    N’ignorant pas les origines fondatrices très circonstancielles de l’UMP, l’éclatement de ce Parti assainirait les débats dans la Droite.

     


  • Gérard Dahan Gérard Dahan 23 novembre 2012 18:41

    Merci de vos remarques.

    Je persiste à dire que ces sondages ont été réalisés sans tenir compte de certains principes déontologiques des sondages.

    Sondeur depuis 1985, enseignant en fac les techniques de sondage depuis 1979,  auteur de plusieurs articles sur la manipulation par les sondages, j’ai la faiblesse de savoir de quoi je parle.

    J’en veux une autre preuve  : la proportion de sympathisants trouvés  :

    Dans ces différents sondages, la proportion de sympathisants UMP constatée varie considérablement, preuve que la constitution des échantillons était approximative.

    La notion de sympathisant dépend bien évidemment de la nature de la question posée et des mots utilisés pour la définir.  L’Ifop le 31 Aout trouve 20,5% de sympathisants ; Opinionway le 8 octobre en repère 35% ( ?) ; Harris Interactive est plus expéditif, il ne dit pas combien il en trouve. BVA dans son enquête le 16 novembre en dénombre 25%.


    Il est probable que cette question variait d’un institut à l’autre, et on peut dire ce n’était pas « les mêmes sympathisants ». Mais un tel écart dans la proportion de sympathisants UMP  trouvée par ces sondages (de 20% à 35% soit 15% d’écart) ne lasse pas de m’interroger.

    La déontologie aurait du obliger les instituts à publier leurs critères de définition de ce qu’ils appelaient « un sympathisant ». 

    Pourquoi y a t-il de telles différences entre les résultats des instituts et la réalité ?

    1. Parce que les sympathisants ne sont pas des adhérents

    2. Parce que les définitions des sympathisants étaient différentes d’un institut de sondage à l’autre, ils n’ont donc pas interrogées les mêmes catégorie de personnes...

    3. Parce que les questions posées par ces instituts sur la préférence en matière de président étaient elles aussi différentes.


    La question des fraudes et du spectacle que donne l’UMP est une autre question…


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