vendredi 2 mars 2012 - par julien Raynaud

Le pluralisme politique sacrifié au nom de la transparence

La décision du Conseil constitutionnel rendue le 21 février sur les parrainages à l’élection présidentielle a été largement saluée par le personnel politique et approuvée par la majorité des constitutionnalistes, qui en avaient prédit la teneur. Elle est pourtant loin d’être satisfaisante sur le plan juridique. Le Conseil s’est montré très timoré  ; en se retranchant derrière le pouvoir d’appréciation du Parlement, il s’épargne toute critique axée sur le gouvernement des juges.

Saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil avait l’occasion de se prononcer dans un contexte concret, celui-là même dénoncé par Mmes Le Pen, Boutin et Lepage  : la publicité des parrainages rend possible l’exercice de pressions politiques sur les élus, ce qui peut dissuader ces derniers de parrainer des candidats n’appartenant pas aux partis politiques localement aux commandes, d’où une méconnaissance du pluralisme politique. Le Conseil ne s’est pas montré sensible à cette considération de fait, puisqu’il se contente de retenir sur ce point que la publicité des parrainages ne méconnaît pas " en elle-même " le principe du pluralisme. Les membres du Conseil donnent ainsi la désagréable impression de s’être prononcés les yeux bandés, sans vouloir examiner la réalité du terrain. Ils fondent uniquement la constitutionnalité du dispositif contesté sur le souhait du législateur de favoriser la transparence de la vie publique. Le fait que la loi poursuive un but légitime ne garantit pourtant pas qu’elle respecte les normes constitutionnelles. Dire de la loi qu’elle vise à assurer la transparence de la procédure des parrainages ne prouve pas qu’elle respecte les exigences constitutionnelles, notamment le pluralisme des courants d’idées et d’opinions. Pour établir un parallèle, une loi adoptée au nom de la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent ne doit pas pour autant aboutir à sacrifier les droits des propriétaires. La contribution d’une loi à la réalisation d’un objectif ne justifie pas n’importe quel type d’atteinte infligée à des principes constitutionnels.

Dans l’affaire des parrainages, le Conseil aurait dû se demander si, nonobstant l’objectif de transparence démocratique, l’impact de la loi n’était pas disproportionné. La marge de manœuvre du législateur peut être encadrée, quoiqu’en dise le commentaire officiel de la décision, dès lors que le Conseil fait du pluralisme un fondement de la démocratie (considérant 5). Il fallait donc examiner les effets concrets de la publicité des parrainages sur le caractère pluraliste des candidatures. Si le Conseil estimait que les risques de pression invoqués n’étaient pas sérieux, qu’ils étaient en réalité largement hypothétiques et instrumentalisés, il aurait dû s’en expliquer. Sa décision eût semblé moins péremptoire, peut-être moins partisane, et surtout beaucoup plus respectueuse de l’article 4 de la Constitution selon lequel la loi garantit la participation équitable des partis politiques à la vie démocratique.

 

Julien Raynaud, maître de conférences à la Faculté de droit de Limoges 



7 réactions


  • Scual 2 mars 2012 16:57

    Désormais dénoncer le fascisme est censuré ?

    Excusez moi.

    Donc je vais dire l’inverse.

    C’est trop génial que des élus utilisent les pouvoirs délégués par leurs électeurs pour agir en cachette sans avoir à rendre de comptes et sans qu’on puisse rien vérifier.

    Plus les élus feront les choses en secret et mieux ce sera parce que la transparence et la démocratie ainsi que la responsabilité des actes, c’est vraiment pas bien... en plus ça pourrait empêcher l’extrème-droite de paraitre crédible et d’arriver un jour au pouvoir, ce qui pourrait presque nous condamner à la démocratie pour toujours ! Quelle horreur !

    Vivement que la politique n’ai plus le moindre compte à rendre au peuple qu’on en finisse avec tout ça.


    • Scual 2 mars 2012 17:07

      En plus si on laisse ça visible, c’est même pas facile de corrompre les élus !

      En plus rien que devoir proposer ça, pour un parti qui raconte qu’il veut moraliser les agissements des politiques comme le FN, c’est comme révéler sa vraie nature contre la démocratie. On est en plein cauchemar démocratique là.

      Espérons que le conseil constitutionnel cessera de défendre la démocratie, parce que vraiment c’est pas comme ça qu’on arrivera à dégouter les gens de la politique.

      Dans quel monde vit on ?


  • julien Raynaud julien Raynaud 2 mars 2012 16:58

    Histoire de devancer les critiques diffamatoires, je précise que je ne soutiens aucune des trois candidates mentionnées, encore que les idées de Mme Lepage me paraissent fort respectables...


    • Scual 2 mars 2012 17:21

      Si c’est par rapport à mon commentaire, il ne visait pourtant que le FN...

      Il y a une différence entre se plaindre du système des 500 signatures pour manque de démocratie et proposer une mesure mille fois pire et complètement antidémocratique comme leur anonymat.

      Permettre ça aux maires, c’est entrer dans l’autoritarisme et l’abus de pouvoir purs et simples. Au nom de quoi accorderait on des pouvoirs à des élus sans qu’ils aient aucun compte à rendre à qui que ce soit, électeurs y compris ?

      Je vais donc réécrire le mot qui me vient à l’esprit pour ce genre de trucs et encore plus quand ça vient du FN : Fascisme.

      Vous pouvez le recensurer autant que vous voudrez.


  • jullien 2 mars 2012 18:24

    Dans l’affaire des parrainages, le Conseil aurait dû se demander si, nonobstant l’objectif de transparence démocratique, l’impact de la loi n’était pas disproportionné.
    On peut en douter : avec une dizaine de candidatures ou plus aux quatre dernières élections présidentielles et probablement autant à celle qui arrive, il me paraît exagéré de dire que la publicité des signatures supprime le pluralisme.
    Cela ne m’empêche pas d’avancer ma préférence pour un système où les parrainages seraient avancés par 100.000 ou 200.000 électeurs et non plus par les élus.


    • easy easy 2 mars 2012 18:46



      «  »«  » Cela ne m’empêche pas d’avancer ma préférence pour un système où les parrainages seraient avancés par 100.000 ou 200.000 électeurs et non plus par les élus «  »"

      Moi aussi.
      Devrait être éligible celui qui rassemblerait X milliers de militants ou partisans

      L’élection présidentielle devrait être réellement directe et non faussement directe en étant d’abord censurée par des élus.


  • Scual 3 mars 2012 14:17

    Le système des 500 signatures est de part sa nature très peu démocratique puisqu’il ne vise, même si c’est pour des raisons qui se défendent, qu’à réduire le nombre potentiel de candidats.

    Maintenant que c’est dit, il est trés curieux de constater que le FN accepte ce système, puisqu’il ne demande pas à ce qu’on l’enlève. Le FN demande à ce qu’on le rende encore pire. Ce qui est réclamé, c’est pareil mais en cachette et sans compte à rendre aux électeurs concernés ni à personne...

    De plus j’ai constaté une manipulation médiatique consternante sur cette affaire. A part les électeurs du FN, il y avait plusieurs personnes soutenant cette histoire d’anonymat. Il n’y en a pas une seul qui n’a pas été convaincue du contraire facilement et rapidement une fois qu’on lui a présenté cela en des termes non trompeurs : C’est à dire comme je le fait et non pas, « parceque c’est anti-démocratique » alors que comme on l’a vu, la solution proposée n’enlève pas ce système mais le fait définitivement basculer dans l’opacité et favorise très fortement la tentation de magouilles en cachette contre signatures en plus de déconnecter totalement ce pouvoir des électeurs de qui il provien,t ce qui fait qu’il n’est plus délégué par les électeurs mais confisqué par les maires.

    Et là je ne parle même pas de la manière dont on mettrait ce système en place... on vérifie comment qu’il n’y a pas de tricherie ? Bref c’est uniquement et seulement la manière trompeuse et manipulatrice dont la question est présentée qui fait que le soutiens à cette horreur est si élevé. Une véritable tromperie.

    Bref les 500 signatures, qui s’appellent parrainages d’ailleurs, ce qui veut bien dire que c’est pas seulement une simple autorisation administrative neutre mais un véritable engagement de la part du Maire, méritent très certainement qu’on se penche dessus... Mais là on parle d’autre chose, on parle de leur rajouter une couche anti-démocratique comme si ça suffisait pas.


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